Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
QUE CHERCHEZ-VOUS ?

sagesse

La poésie est l’état le plus haut du vivant

22 Août 2020, 09:04am

Publié par Grégoire.

La poésie est l’état le plus haut du vivant

Silence… Le monde prétendu moderne est une sorte de conjuration contre la chose la plus vieille du monde et la plus solide au monde, à savoir le cœur. J’entends par cœur, pas le sentimentalisme, pas même le sentiment, mais une puissance de vie que chacun de nous peut avoir, une respiration. Ce que parfois on pouvait qualifier d’intériorité, ou dans des temps beaucoup plus anciens, l’âme. Les sociétés d’aujourd’hui sont rendues malheureuses par la mise à sac de cette intériorité. Or elle est la vraie force de chacun. Quand chacun rentre dans son centre, revient vers soi-même et retrouve quelque chose qui ressemble à l’enfance, il est invincible.

Qu’entendez-vous par invincible ?

C’est ne pas soumettre sa vie à l’ordre du monde. C’est laisser sa vie dans la plus grande respiration possible, dans la fantaisie, parfois dans le silence, dans une parole qui sera toujours vive, fraîche, non conventionnelle. Être invincible c’est juste être vivant.

Vous parlez de l’importance de l’intériorité, que pensez-vous des conséquences de cette épidémie sur le rapport à l’autre ?

Votre question est trop générale. La vie, pour moi, c’est la singularité même, le concret. La manière de vivre américanisée et électronisée détruit en souriant le singulier. Si vous me posez une question trop générale, je vais me taire car je ne suis ni un philosophe, ni un sage. Ce qui me frappe actuellement, ce sont les images des villes vides. Des choses pauvres se reprennent comme le chant des oiseaux. Je ne sais pas si on le perçoit dans les villes mais je le perçois dans la forêt où j’habite. Il y a eu une renaissance des cantates d’oiseaux. Le vert des feuillages était plus affirmatif. La nature pendant ces semaines a retrouvé une confiance que nos vies insensées lui avaient fait perdre.

Ce matin, j’ai traversé un pré et je me suis arrêté sous un chêne. La nature était devenue une phrase parfaite, un morceau d’un poème très pur, extrêmement simple et qui m’a fait tout oublier. Les fragments de cette phrase étaient composés de l’arbre, des mouvements de ses feuilles, balancées très élégamment, sans fureur, par une brise légère. Il y avait aussi une lumière qui lançait ses javelots dans l’herbe, et une ombre très douce dans laquelle je me tenais. Un sentiment m’est entré dans le cœur : il n’y a rien d’autre à faire dans cette vie que d’y être parfaitement présent. Quelque chose d’adorable essaie de nous parler à chaque instant. Cette expérience a duré cinq secondes et elle était infinie. Je me rappelle d’avoir souri de ma misère d’homme, de n’être que de celui que je suis. Rire...

Avez-vous toujours eu ce langage poétique ?

Je serai incapable d’exprimer autrement cette expérience d’être. C’est comme si je n’existais presque plus et que cela me comblait. Quelle que soit l’époque – si dure soit-elle –, le mouvement d’une brise, la sentence bienveillante d’un rayon de soleil, la fierté d’un brin d’herbe qui se redresse, la royauté d’un arbre, tout cela ne demande pas d’étude. Aucune puissance ne peut se mettre entre cette douceur et vous. L’humanité est profondément unique car ce que je connais moi, je peux le partager. Les choses de fond sont les plus lumineuses même si elles sont enfouies.

Vous considérez-vous croyant ?

Je parlerai plutôt de confiance, mais je ne saurai vous dire sur qui ou quoi repose cette confiance. La confiance est la capacité inexplicable de continuer à vivre alors que même la vie semble vous avoir quitté. Il m’est toujours apparu que la vie est bien plus grande que celle que nous vivons. Elle n’est pas ailleurs. Par instant, nous arrivons à mettre nos yeux en face des yeux de la vie. C’est comme un enfant que la mère soulève et porte devant son visage : il y a des moments où nos yeux sont plantés dans les yeux solaires et terribles de la vie.

Cela me fait penser à votre ouvrage La Part manquante…

En effet. C’est un ouvrage ancien. Mais il en va sans doute de l’écriture comme de la vie : nous passons notre temps dans une danse de derviche tourneur, à danser autour d’un point indicible et invisible.

Quelle est votre définition de l’Amour ?

L’Amour c’est quand une vérité arrive. Le reste du temps, c’est comédie à laquelle nous participons tous. Ce qui arrête la comédie, c’est soit la mort, soit quelque chose de plus fort encore, doté de beauté et de grâce.

Connaissez-vous le Liban ?

C’est, je crois, un des pays les plus proches de la poésie, celle qui fait venir dans sa parole du feu et des roses. Pour moi, la poésie est l’état le plus haut du vivant.

Propos recueillis par Zeina Trad

Voir les commentaires

Etes-vous dans le réel ? (3)

17 Août 2020, 09:19am

Publié par Grégoire.

Etes-vous dans le réel ? (3)

 

Qu’est-ce que le réel ?

 

C’est d’abord un fait que nos expériences, particulières, circonscrites et limitées, conditionnent notre manière de recevoir le réel : ce qui n’est pas moi, ce que je n’ai pas fait, ce qui est autre ! Et déjà, il y a une difficulté à être présent à nos expériences : nous restons si souvent déterminé par notre vécu intérieur, si bien que souvent nos choix, notre connaissance des autres ou nos désirs ne sont que des projections de nous-mêmes, de ce que nous avons perçus, de ce que nous avons assimilé du réel. Ainsi, et c’est un trait commun de notre monde, nous réduisons la réalité au vécu que nous en avons. Ce qui est réel n’est plus que ce que nous ressentons, ou bien, ce qui se manifeste apparement ou encore, ce que l’on peut mesurer, quantifier, calculer. Ainsi, nous identifions ce qu’est la réalité avec notre manière de la vivre, selon nos émotions ou notre prisme scientifique. Réduisant la réalité à notre capacité de recevoir, à nos sentiments, à nos idées, nous reconstruisons alors le monde à notre taille. Nous en faisons quelque chose qui est dans notre prolongement : un petit chez soi. 

 

Ceux qui suivent un traitement pour sortir de leurs angoisses et de leurs peurs, ne sont-ils pas le signe visible d’un cancer aujourd’hui commun : le refus que ce qui s’impose à nous, puisse dépasser notre petit horizon ? Le réel comme tel, ce qui est, ce n’est pas d’abord du ‘gérable’, du ‘planifiable’ et de l’utilisable a outrance ! 

 

Malheureusement, nous organisons notre monde de telle manière à ce que notre seul horizon est ce que nous croyons avoir compris de nous-mêmes ! Nous sommes si souvent tellement repliés sur nous-mêmes, que nous en avons étriqué nos désirs et rabougris nos aspirations. Spécialement aujourd’hui, où notre monde 2.0 a développé à outrance notre narcissisme -nous ne vivons plus seulement de l’image qu’on voudrait donner de soi- doublé d’une forte tendance schizophrénique -puisque bien heureusement nos personnalités sont plus complexes que nos images instagramisés-. Bref, nous construisons constamment des mondes parallèles qui nous empêchent de vivre pleinement de la réalité existante s’offrant à nous –à commencer par nous-même- avec toute son infinie richesse et son absolu. 

Au final, nous ne sommes plus dans le réel tel qu’il est. Nous vivons dans un avatar limité du réel : nos idées, virtuelles, impermanentes et donc angoissantes. Et nous nous avortons nous-mêmes de toutes possibilités de croissance véritablement humaine.

 

Le réel, n’est-ce pas d’abord ce qui n’est pas nous, ce qui est autre et qui s’impose à nous ? Nous devons manger, boire, dormir, respirer, etc. sous peine de mort. Et cela s’impose, d’une manière telle que, quoi que nous fassions, nous devrons nécessairement, selon un temps plus ou moins calculable, ‘y passer’. Dévoilant en ces limites qui s’imposent à nous -spécialement la mort-, la source de nos peurs, de nos esclavages, de nos médiocrités et de nos lenteurs, nombres d’artistes, de philosophes et de théologiens, ont tenté d’y répondre par diverses formes de salut. Et la première, ne consiste-t-elle pas dans le refus de faire l’autruche face à notre sort ? Est-ce qu’oublier nous permettra de mieux vivre ou bien ne produit-on pas alors en nous le plus grand des refoulements : le refus de reconnaitre que je n’ai pas toujours existé et que je ne serais pas toujours sur cette terre ? 

Bref, notre premier réel c’est que des limites s’imposent. Et la première de toutes, celle qui nous pend au nez : c’est que nous allons mourir, et bientôt.

 

Face à cela, quelle lumière peut donc nous permettre de vivre pleinement notre existence ? Quel sens le réel peut-il avoir si ce qui s’impose en premier est le temps qui passe et qui nous rapproche chaque jour un peu plus d’un terme qui sera, pour ceux qui nous entourent, comme un arrêt brusque ? Devons-nous accepter cette fatalité qui semble nous crier chaque jour la vanité de nos actions, ou nier ce devenir implacable en nous réfugiant dans une efficacité ou une jouissance à outrance profitant de l’instant qui passe et qui, déjà, n’est plus ? 

 

Un premier chemin pour y répondre, ne serait-ce pas de réveiller l’enfant qui sommeille en nous, et qui a soif de recevoir le réel tel qu’il est ; de redécouvrir ce qui est avant nous, et qui après nous sera encore ? N’est-ce pas en effet notre premier et plus vif désir ? « Tout les hommes désirent, par nature, connaitre. L’amour des sensations en est le signe ; En effet, celles-ci, en dehors de leur utilité, sont aimés pour elles-mêmes, et plus que les autres, celles qui nous viennent par les yeux. Car ce n’est pas seulement pour agir, mais aussi quand nous sommes sur le point de ne pas agir, que nous choisissons de voir, à l’encontre, pour ainsi dire de tout le reste. La cause en est que parmi les sensations [la vue] nous fait connaitre au plus haut point, et montre des différences plus nombreuses. » 

Et pour vraiment connaitre, n’est-il pas nécessaire aussi de redécouvrir cette innocence première, cette admiration qui nait en nous en recevant ce qui m’apparait et que je n’ai pas fait ? N’avons-nous pas un peu perdu cette capacité à admirer, à être émerveillés, et à se laisser surprendre par le réel ?

 

C’est un fait, nous vivons trop souvent comme des petits vieux, fatigués avant l’âge, habitués du réel, et petits quand aux désirs. Nous recevons le réel en surfant dessus, sans trop de profondeur, à travers des filtres, selon des idées conçues comme une synthèse du déluge médiatique de nos sociétés surinformées. Et nos espérances de bonheur, résident dans les derniers gadgets technologiques inventés. De même, nous réduisons les personnes à leurs simples apparences, leur caractère, à ce qu’elles sont capables de faire ou dire. Même envers nous-mêmes, nous sommes incroyablement critiques, jugeant nos journées selon leur rentabilité ou notre capacité à en jouir. Et nous nous sommes inconsciemment installés dans un désespoir chronique face à l’impossibilité de rejoindre l’image idéale et inaccessible de nous-mêmes que nous propose le monde médiatique. Et nous avons substitué le réel à nos idées. Refusant d’être dépassé, nous avons réduis notre monde à ce que nous pouvions en dominer, en posséder ; et le réel est devenu ce que nous en pensons, la conscience que nous en avons. Nous nous sommes rendus aveugles, marchant « dans le réel, comme un oiseau de nuit face au soleil 1. » 

 

Séduits par l’efficacité des techniques modernes et des distractions toujours plus imaginaires, nous avons réduit notre existence  à ce qu’on en peut obtenir. Nous sommes même difficilement réceptifs à la beauté d’un paysage, au parfum d’une fleur, aux bruits de la nature. Ayant réduit le réel à nos projets, à ce que nous percevons et ressentons, nous avons perdu beaucoup de capacités à être réceptifs, et stoppons ainsi bien des possibilités de grandir ; au final, nous détruisons notre capacité à contempler et à nous ouvrir à ce qui est autre que nous et qui seul peut nous combler. Nous nous condamnons là à ne jamais trouver de bonheur stable. Certains appellent cela l’enfer. 

 

Enfermés, seuls avec nous-mêmes, comment parvenir à retrouver ce lien initial avec le monde qui nous entoure et nous laisser renouveler par lui ? Comment peut-on retrouver cette innocence, cet oxygène vital et frais, ce contact natif qui fait l’émerveillement et la joie de l’enfant devant la réalité la plus simple ? Comment ne pas rester prisonnier de tout ce que nous avons assimilé d’informations, de mesures et que nous appelons –a tord- le savoir ? Comment laisser nos expériences être source d’interrogations et ainsi réveiller notre désir de découvrir, dans la réalité elle-même, son sens premier, son pourquoi ?

 

(à suivre...)

Grégoire +

 

1 / « La recherche de la vérité est en un sens difficile, et dans un autre facile… la raison de notre difficulté n’est pas dans les faits mais en nous. Ainsi, comme les yeux d’une chouette face a la lumière du jour, ainsi notre capacité de connaitre pour les choses qui, en elles-mêmes, sont les plus évidentes de toutes. » (Aristote, Métaphysique, Livre a).

Voir les commentaires

Êtes-vous dans le réel ? (2)

14 Août 2020, 11:57am

Publié par Grégoire.

Êtes-vous dans le réel ? (2)

 

Malgré ces séductions d’apparente satisfaction immédiate, la morsure de la vérité a toujours obligé l’être humain à reprendre cette quête à sa source. Acceptant le réel dans toute sa diversité, les anciens –et cela d’une manière unique en Grèce- renouvelèrent pour l’humanité cette quête de la vérité, au-delà des opinions du moment, révélant ainsi à toutes personnes sa noblesse et ses désirs les plus profonds. Face à la richesse de l’expérience humaine, ils nous obligent toujours à chercher le pourquoi de toutes les dimensions de notre existence.

N’est-ce pas en effet le plus grand service que l’on puisse rendre à toute personne, que de l’aider à se connaître et à trouver là ou est son véritable épanouissement ?

 

Aujourd’hui nous faisons face à une situation similaire. Pour la plupart, la quête du pourquoi de notre existence a été réduite à une quête effrénée de jouissance. Or, depuis que plus rien n’a de sens, tout semble être source d’angoisse.

Nous sommes « face à un abîme de non-sens. La vie n’a plus de sens, elle n’est souvent qu’une suite d’émotions mises bout à bout. La ‘liberté’ de penser comme on veut et le sur-développement des techniques ont fait de nous des errants ! La seule liberté que nous ayons gagné est le choix de notre lieu de vacance… On est arrivé à une insignifiance si totale de notre vie que la vie en occident consiste à entretenir son confort. La vie est devenue longue et stupide, ou l’on n’est plus occupé qu’à gérer son capital santé. Tous nos actes n’ont plus aucun lien entre eux. Et alors on passe son temps à se fuir, et comme on transporte avec soi ce rapport univoque à un monde plat et source d’ennui, on se réfugie dans ses petits plaisirs. Tous les jours on a la même image insignifiante et monotone d’un même jour universel»

Or, pourquoi est-ce ainsi ? Comment en est-on arrivés là ? Comment peut-on vivre sans donner un sens à ce que l’on fait ou vit ? Comment une telle indifférence est-elle possible ? Comment le réel de notre vie a-t-il pu être réduit à des choses secondaires, des joies immédiates, faciles mais qui ne durent pas ? Pourquoi non seulement nous ne sommes plus dans le réel,  mais cherchons à y échapper par tous les moyens? Pourquoi le réel est-il devenu un lieu de non-sens et de désespoir ?

 

(à suivre...)

Grégoire +

 

1 Cf. Itinéraire de l’égarement, du rôle de la science dans l’absurdité contemporaine. Olivier Rey Mathématicien. Chercheur au CNRS. Editions Seuil. 2004.

« L’homme déchoit à sa vocation. ‘Rester jeune’ devient le sens de sa vie : avoir tous les jours 15 ans. Bientôt, le bonheur sera de ne jamais être né. Et on façonne sa conscience en évitant l’absurde, l’ennui et l’angoisse en remplissant ses heures creuses par l’industrie des loisirs, qui agissent sous forme de stimuli saturant les sens. […]

On a abolie le temps, le sujet et l’espace par un réseau sans centre : internet. Le langage n’est plus qu’une estimation numérique gratuite : 60%, 90%... car le chiffre est devenu le garant du réel. Ou encore un pure outil : depuis l’ONU, le SIDA, jusqu'à soi-même qui n’est plus qu’une ADN. On est entré dans une pensée on ne peut plus binaire du ‘j’aime, j’aime pas’. Avant on distinguait l’homme de l’animal par la raison. Maintenant on distingue l’homme de la machine par ses désirs individuels et ses comportements pulsionnels : on s’éclate, on craque pour…, on zappe…

Tout est anticipé et manipulé : on se personnalise avec des produits vendues à des millions d’exemplaires. L’homme est devenu un souriant crétin. » 

Itinéraire de l’égarement, du rôle de la science dans l’absurdité contemporaine.

 

Voir les commentaires

Etes-vous dans le réel ? (1)

13 Août 2020, 14:26pm

Publié par Grégoire.

Etes-vous  dans le réel ? (1)

La quête de la sagesse ou la recherche du pourquoi de notre existence, de nos actes et de tout ce que l’on peut vivre, habite, d’une manière ou d’une autre, tout être humain.

Aristote soulignait déjà combien l’étonnement et le sentiment de l’ignorance a toujours poussé l’homme à s’interroger. Le réel expérimenté éveille constamment en nous l’interrogation ou le désir de connaitre jusqu’au bout ce qui est expérimenté. Nos expériences négatives, nos échecs et tout ce qui peut nous faire souffrir réveillent constamment cette question du pourquoi, du sens des choses. 

C’est parce que notre connaissance du réel est premièrement limité, que nous sommes mû, comme ‘obligé’ d’y revenir et chercher plus loin que ce que nous atteignons au premier abord. Enfin, la conscience de notre existence et de notre capacité à plus ou moins l’orienter, ne répond pas à la question de son pourquoi, du sens des évènements de notre vie. Aussi, la recherche de la signification de notre existence, de notre histoire et de ce qui la ponctue est vitale pour chacun d’entre nous; Le milieu ambiant, l’amas de biens matériel, et la séduction des moyens techniques tendent à faire disparaitre cette question. L’héritage artistique mondial manifeste ce désir constant de l’homme de chercher, au-delà de ce qu’il voit, une réponse au sens de son existence et de ses limites. Ainsi, de leurs expériences accumulées et de la nature, les civilisations ont inventée des mythes pour tenter de répondre à cette quête et s’aider à affronter les limites de leur propre condition, leurs peurs leurs désirs, et donner une direction à leur cheminement.

Mais, depuis toujours aussi, l’être humain a tendance à se satisfaire de réponses toutes faites. Certains ne cherchant des satisfactions ou des résultats immédiats -et ce souvent avec des intentions très nobles- réduisant alors la quête du réel dans toute sa complexité à un idéal, conduisant leur vie comme un projet artistique réalisé à la force du poignet, et obligeant les autres au même schème par une tyrannie étatique, ou par une logique ‘raisonnable’ à toutes épreuves. Les sophistes en sont un exemple connu. Se revêtant du manteau du philosophe, ces ‘Sages’ comme ils se définissaient eux-mêmes, remplacèrent la quête de la vérité par la recherche du succès, de l’art de convaincre et de persuader. Enseignant à ne s’occuper que des seules choses humaines, il réduise l’homme à être à lui-même sa propre mesure.

Or, n’est ce pas la plus grande des corruptions pour une personne, que de ne vouloir ne dépendre que d’elle-même ? Que de vouloir trouver son achèvement, son absolu qu’à partir d’elle-même ? L’idolâtrie de notre soi-disant liberté a aujourd’hui enfermé la personne humaine dans un esclavage sans précédent ou le caprice des sentiments et la tyrannie du ressenti ont réussi à faire de l’homme moderne un gamin manipulable à souhait.

(à suivre)

Grégoire +

Voir les commentaires

Un soleil embrase son coeur ... (4)

4 Août 2020, 05:44am

Publié par Grégoire.

Un soleil embrase son coeur ... (4)

(...)

Si l’homme ne se représente pas fortement pourquoi il doit vivre, il ne consentira pas à vivre et se détruira plutôt que de rester sur la terre, lors même qu’il aurait autour de lui la plus grande quantité de pains. Tu as compris cela, mais quel parti as-Tu tiré de cette vérité ? Au lieu de confisquer la liberté des hommes, Tu l’as rendue plus large encore ! Ou bien as-Tu oublié que l’homme préfère la tranquillité, la mort même, au libre choix dans la connaissance du bien et du mal ? Rien ne séduit plus l’homme que la liberté de sa conscience ; rien aussi ne le tourmente davantage.

Et voilà qu’au lieu de principes fermes, destinés à calmer la conscience humaine une fois pour toutes, Tu as pris tout ce qu’il y a d’extraordinaire, de conjectural, d’indéterminé, tout ce qui dépasse les forces des hommes, et, ce faisant, Tu as agi comme si Tu ne les aimais pas, Toi qui es venu donner Ta vie pour eux !

Au lieu de confisquer la liberté humaine, Tu l’as élargie et Tu as introduit pour toujours de nouveaux éléments de souffrance dans le domaine moral de l’homme. Tu désirais que celui-ci T’aimât d’un libre amour, qu’il Te suivît librement, séduit, subjugué par Toi. Au lieu de la dure loi ancienne, il devait d’un cœur libre décider désormais lui-même ce qui est bon et ce qui est mauvais, n’ayant devant lui pour se guider que Ton image, mais comment n’as-Tu pas pensé qu’il finirait par repousser et par contester même Ton image et Ta vérité, s’il était chargé d’un fardeau aussi terrible que la liberté du choix ? Ils s’écrieront à la fin que la vérité n’est pas en Toi, car il était impossible de les laisser dans l’embarras et dans la perplexité plus que Tu ne l’as fait, en leur léguant tant de soucis et de problèmes insolubles... Ainsi Tu as Toi-même préparé la ruine de Ton empire et Tu ne dois en accuser personne. Et pourtant était-ce cela qu’on T’avait proposé ? Il y a sur la terre trois forces qui seules peuvent soumettre à jamais la conscience de ces faibles insurgés, et cela pour leur bien, — ce sont : le miracle, le mystère et l’autorité. Tu les as écartées toutes trois.

Le terrible et malin esprit T’a placé sur le faîte du temple et T’a dit : « Veux-Tu savoir si Tu es le Fils de Dieu, jette-Toi en bas, car il est dit de Lui que les anges le prendront avant qu’il ne touche la terre, et qu’il ne Lui arrivera aucun mal. Tu sauras alors si Tu es le Fils de Dieu et Tu prouveras quelle est Ta foi dans Ton Père. » Après avoir entendu ces paroles, Tu as repoussé la proposition et Tu ne t’est pas jeté en bas du temple. Oh, sans doute, Tu as agi en cette circonstance avec la sublime fierté d’un dieu, mais les hommes, cette race d’impuissants révoltés, sont-ce des dieux ? Tu as compris alors qu’au moindre pas, au premier mouvement fait pour Te jeter en bas du temple, Tu tenterais Dieu aussitôt, Tu perdrais Ta foi en lui, et Tu Te briserais sur le sol que Tu étais venu sauver, ce qui remplirait de joie l’esprit tentateur.

Mais, je le répète, y a-t-il beaucoup d’êtres comme Toi ? Et as-Tu pu admettre un seul instant que les hommes seraient capables de résister à une pareille tentation ? La nature humaine a-t-elle été créée telle qu’elle puisse repousser le miracle et se contenter de la libre décision du cœur dans ces terribles moments de la vie où les questions les plus fondamentales et les plus poignantes se posent devant l’âme ? Oh ! Tu savais que Ton héroïque détermination serait conservée dans les livres, qu’elle parviendrait au plus lointain des âges et aux dernières limites de la terre, et Tu espérais qu’en T’imitant, l’homme aussi resterait avec Dieu sans avoir besoin du miracle. Mais Tu ignorais que, sitôt que l’homme repousse le miracle, il repousse du même coup Dieu, car il cherche moins Dieu que le miracle. Et comme l’homme n’est pas de force à se passer de miracles, il en produit une foule de nouveaux qui sont son œuvre, il s’incline devant les prodiges des magiciens, devant les enchantements des sorcières, fût-il cent fois révolté, hérétique et athée. Tu n’es pas descendu de la croix quand on Te criait par dérision : « Descends de la croix, et nous croirons que c’est Toi ». Tu n’es pas descendu, toujours parce que Tu ne voulais pas asservir l’homme par le miracle, parce qu’il Te fallait une foi libre et non arrachée au moyen du merveilleux.

Tu désirais un amour libre et non les transports serviles d’un esclave devant la puissance qui l’a terrifié une fois pour toutes. Mais ici encore Tu T’es fait une trop haute idée des hommes, car ce sont des esclaves, quoiqu’ils aient été créés rebelles. Regarde et juge, voilà que quinze siècles se sont écoulés, jette les yeux sur eux : qui as-Tu élevé jusqu’à Toi ? Je le jure, l’homme a été créé plus faible et plus bas que Tu ne le pensais ! Peut-il, peut-il accomplir ce que Tu as accompli ? Ayant pour lui tant d’estime, Tu as agi comme si Tu avais cessé de compatir à ses misères, car Tu as trop exigé de lui, — Toi pourtant qui l’as aimé plus que Toi-même ! L’estimant moins, Tu aurais moins exigé de lui et Tu lui aurais ainsi donné une plus grande marque d’amour, car son fardeau eût été plus léger. Il est faible et lâche. Qu’importe que maintenant il s’insurge partout contre notre autorité et s’enorgueillisse de sa révolte ? C’est l’orgueil d’un enfant et d’un écolier.

Ce sont de petits enfants qui se soulèvent contre leur pion et le mettent à la porte de la classe. Mais la mutinerie de ces gamins aura un terme, elle leur coûtera cher. Ils renverseront les temples et ensanglanteront le sol. Mais ces enfants imbéciles finiront par comprendre que tout en étant des révoltés, ils sont des révoltés impuissants, incapables de supporter leur propre révolte. Versant de sottes larmes, ils sentiront enfin que celui qui les a créés rebelles a voulu sans doute se moquer d’eux. Ils diront cela dans leur désespoir et cette parole sera un blasphème qui les rendra encore plus malheureux, car la nature humaine ne supporte pas le blasphème et, au bout du compte, elle-même le châtie toujours.

 

à suivre ...

Fyodor Dostoïevski, LE GRAND INQUISITEUR, (Великий инквизитор)

 

 

Voir les commentaires

Il répandit l’intensité de son amour en se répandant lui-même comme de l’eau… (9)

5 Juillet 2020, 04:29am

Publié par Grégoire.

Il répandit l’intensité de son amour en se répandant lui-même comme de l’eau… (9)

Jésus dit : « C’est achevé » et inclinant la tête, il remit l’Esprit.

 

Jésus ne nous a pas aimé comme un héros Grec. Il ne s’est pas livré et ne nous a pas donné l’Esprit Saint du haut de sa force. Il s’est livré à nous dans l’impuissante apparence à faire quelque chose pour nous. Il n’y a rien qui fait moins quelque chose pour moi qu’un ami qui se laisse crucifier pour moi. Il sauve le monde dans une inefficacité totale, dans un complet non-résultat, dans un échec rarement atteint.

 

C’est pour un homme, accepter qu’il ne peut aimer que comme un pauvre incapable, et qu’en même temps ça ne le dispense pas pour autant de se donner. L’état de l’homme en état de pauvreté consentie dans l’amour, met la femme face au mystère de Jésus livré. Cette pauvreté acceptée, à laquelle il n’y peut rien malgré toute la bonne volonté du monde; et bien cette pauvreté dans l’amour, c’est vivre dans sa chair ce qu’est le Fils vers le Père. C’est l’état de disposition parfait pour agir dans la personne de l’esprit saint : en mendiant d’amour, pauvre, sans aucun ayant droit. 

 

Et tout les efforts de la terre pour aimer davantage n’auront comme fruit que d’être davantage lucide sur cette incapacité à pâtir gratuitement d’un autre, à vivre à cause de l’autre. L’amour est toujours l’effet en nous de celui qui nous attire et réclame de vivre donc à cause de lui. 

Et là c’est difficile pour la femme d’accepter que l’homme est et sera toujours incompétent dans l’amour. Parce que dès les origines, l’homme ne lui a pas été donné pour être compétent, mais pour être cette fragilité qui va la désarçonner. Et les femmes ont un moyen de ne pas se laisser désarçonner, c’et de traiter la fragilité de l’homme maternellement.

 

Or Jésus à la croix n’est plus un tout petit. Il est dans la fragilité d’un homme mur. Même si sa petitesse est plus radicale que celle d’un enfant qui vient de naitre. Ça va encore un homme fragile comme un enfant, là une femme s’en occupe comme une mère. Mais un homme fragile comme homme, là une femme ne sait plus quoi faire.

 

Et c’est donc en recevant Jésus crucifié, dans cet état d’extrême fragilité, sans défense, sans aucune explication que cette vie nouvelle se déverse en nous et nous rend fécond de la vie de Dieu. Parce que bizarrement à la résurrection Jésus a toujours les marques de la crucifixion ! Pour bien nous montrer que cette fragilité extrême vécue à la croix, est au-delà de la souffrance vécue, de la violence qu’il porte et dont il se sert pour dire jusqu’au bout comment est son coeur pour le Père et pour nous, dans quel état de vulnérabilité il se trouve en nous étant livré.

 

Ce n’est qu’en apprenant à recevoir Dieu dans la fragilité du Christ que l’homme peut apparaitre aux yeux de la femme sous un tout autre regard. Comme étant plus un cadeau dans sa fragilité consentie que dans les qualités qu’on rêverait qu’il ait, qu’il n’a pas et qu’il n’aura jamais. 

 

Recevoir et vivre sous la motion de l’Esprit Divin, réclame la décision de se soumettre à la fragilité de l’homme et non à son pouvoir. C’est même en quelque sorte plus facile de se soumettre à son pouvoir. C’est plus facile parce que pour tout un chacun le rapport dialectique, d’opposition, de lutte est plus facile que de laisser la bonté gratuite, aveugle, naïve couler l’incompétence abyssale de celui qui sous un autre rapport manifeste l’assurance  protectrice, le pouvoir et la force.

Et la bonne nouvelle qu’apporte Jésus est dans le fait que nous sommes fait fragile, et que dans cette fragilité peut jaillir quelque chose qui n’est pas dans notre prolongement.

 

Alors que 90% des sociétés sont basées sur la domination de l’homme dans l’espace public et visible, et la manipulation de la femme dans l’espace privé, c’est à dire la maitrise de l’homme par sa fragilité. Et là, c’est précisément ce qui rend le couple imperméable à la présence de Dieu. Parce que ce n’est pour l’homme que dans le consentement humble à sa fragilité et à sa pauvreté, qui permet à Dieu de le confier à la femme, comme quelque chose du Christ à la croix. Être servante de cette vie qui se manifeste dans le crucifié, c’est d’abord en accueillant cette fragilité de l’homme qui essaye d’aimer mais qui ne sait pas, et qui finalement peut faire une chose : se livrer. A défaut de savoir aimer ou même de savoir ce qu’il faut faire, il peut se livrer.

à suivre ...

Grégoire +

Voir les commentaires

Il répandit l’intensité de son amour en se répandant lui-même comme de l’eau… (3)

31 Mai 2020, 00:12am

Publié par Grégoire.

Il répandit l’intensité de son amour en se répandant lui-même comme de l’eau… (3)

Jésus dit : « C’est achevé » et inclinant la tête, il remit l’Esprit.

 

 

Le Père nous veut consacré à l’absolu de l’amour. C'est en Marie que nous le voyons. C’est en elle que nous comprenons l’oeuvre que l’Esprit-Amour veut réaliser en nous. 

En effet, l'amour ne se dit pas, il se vit. Il nous faut donc ouvrir les yeux sur celle qui a été habitée par l'Esprit Divin et à travers qui il nous parle. 

Les Pères de l'Eglise aiment dire que Dieu ne parle pas seulement en se servant de la parole humaine, mais aussi en se servant des hommes. L’amour échappe aux grosses têtes : ce ne sont pas les intellectuels, les professionnels, les savants qui le comprennent le mieux : ce sont les tout-petits, les amoureux, les poètes. 

L'Esprit Saint est l’Amour -tout amour vient de Dieu. Or, on ne peut pas faire d’étude, d’exégèse de l'amour. Impossible. L'amour est un secret qui noue de l’intérieur ceux qui s’aiment. Ce n’est jamais un évènement extérieur, il échappe à la succession du temps, il nous mets presque comme au-delà du devenir, il nous donne des ailes, il nous rend comme fou, ou peut-être vraiment humain.. 

Pour la parole, on peut en saisir quelque chose, on peut l'interpréter ; mais quand il s'agit de l'amour, c’est toujours inaccessible aux raisonneurs, à ceux qui n’aiment pas en acte, parce c’est toujours de trop pour notre intelligence. Ça la déborde. C’est pour cela que l’amour n’impliquant pas d’abstraction, réclame de se manifester : il se dit avec tout ce que nous sommes, en prenant tout en nous.

 

Telle est cette déclaration que Dieu, comme Père, nous fait en nous donnant Marie. Il a voulu que Marie, la femme, celle qui est la plus créature, la plus pauvre, la plus dépouillée, soit celle qui vive le plus intensément son secret, ce qu’Il est. Et cela lui est donné pour elle, mais aussi pour nous : tout ce qu’elle vit nous appartient. Elle nous donne à voir, ce qu’est vivre de l’Esprit-Amour. On pourrait presque dire que Marie est comme la parole de l'Esprit Saint.

 

L’apôtre Paul dit déjà « Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit ? » après avoir dit que nous sommes les membres du Christ. Le Christ est la tête, et nous sommes ses membres. Autrement dit, nos corps sont Jésus continuant à être présent sur terre, dans lequel l'Esprit Saint habite et veut vivre pleinement. 

 

C'est donc à travers le corps de Marie, qui est éminemment temple de l'Esprit Saint, que l’on peut voir cette inhabitation divine et ses effets : ce que l’Esprit-Amour nous donne à vivre lorsqu’il fait sa demeure en nous. Inhabitation : parce qu’il n’occupe pas les lieux, mais il fait corps avec celui qu’il habite.

 

L’amour réclame toujours de se manifester comme un don total, donc par le corps, et pour l’Esprit-Amour, il se fait par Marie. C'est à travers elle que l'Esprit Saint est le plus vivant, c'est là que cela « brûle » le plus. Marie est celle qui brûle le plus de ce feu de l'Esprit Saint : « elle partie en hâte vers la maison de sa cousine… » «… ils n’ont plus de vin… »

Elle est complètement LA femme : celle qui réveille l’amour, qui lui donne de toujours garder son ardeur, son jaillissement premier, qui hâte l’heure de Dieu de Cana à la Résurrection, dont les audaces sont celle de l’épouse du Cantique cherchant son bien-aimé ! « Où est celui que mon coeur aime ? »

 

L'Esprit Saint, est ultime dans la Trinité : on ne peut pas aller plus loin. Il y a une fécondité de l’amour en Dieu, et c’est l’Esprit-Amour. Il est à la fois ultime et aussi à la racine de tout : parce qu’il est ultime il est aussi ce qui est premier. Il est à la fois celui qui ‘féconde’ Marie, et en même temps celui qui est ’répandu’ à la Croix… 

 

Il est ainsi celui qui nous conduit à l’Agneau « voici Celui que tu ne connais pas, l’Agneau de Dieu » révèle-t-il à Jean-Baptiste, et celui qui permet de voir -dans l’Agneau immolé, le secret du Père : « Ils regarderont celui qu’ils ont transpercés ». L'Esprit est source de l’incarnation du verbe, de l’enfant-Jésus et il est aussi le fruit de l’amour vécu en Jésus immolé, offert… 

 

Qu’est-ce que cela veut dire ? Il est à la fois source cachée de cette reprise radicale, comme celui qui est source du secret donné à l’Annonciation, -réalité qui est vrai pour chacun : à la racine de notre foi il y a un secret d’amour personnel entre nous et Dieu; et il est aussi au terme où il est encore plus caché, puisque à la Croix il est ce nouvel amour -entre nous et Dieu, en plein coeur de la lutte.

 

C'est cela que dit Marie lorsqu’elle dit « Je suis l'Immaculée Conception ». Elle montre cette reprise radicale à partir d’un amour substantiel qui nous devance, un amour personnel, gratuit, inconditionnel, qui nous fait être quelqu’un pour lui.

Et en même temps, l’Immaculée c’est aussi le fruit de l’oblation gratuite de Jésus à la Croix. Elle est la première sauvée, c’est à dire revêtue, héritière de celui qui s’offre en même temps au Père et à chacun de nous comme un Agneau. Il est celui qui pour nous « se répand comme l’eau qui s’écoule, et dont les os se disloquent, dont le coeur fond au milieu des entrailles… » Ps 21, 15.

 

Ainsi, l’Esprit-Paraclet c’est l’amour même de Dieu dans la chair humaine. C’est un feu divin qui reprend sa créature abimée pour la posséder, pour nous donner d'aimer de l’amour même de Dieu. Le don de l’Esprit Saint c’est Dieu qui nous adapte à Lui : Dieu qui vient nous mettre à son rythme, à sa taille, qui nous fait vivre sa vie par nous-mêmes ! 

L’Esprit-Paraclet c’est ce feu à la Croix qui transforme tellement tout en feu que les témoins de la Croix se 'liquéfient' pour devenir Celui qu'ils contemplent, recevant son Esprit et devenir avec Lui secret du Père, Feu d'Amour « ils regarderont vers celui qu’ils ont transpercés ».

Il est comme un tremblement de terre qui fait que, chez ceux qui sont là debout, tout est  -selon le monde- apparemment détruit, dévastés, ruines « détruisez ce temple ». Ils sont devenus blessure du coeur, morsure substantiel, feu intérieur qui fait d’eux ces enfants qui crient dans le désert  « Père » !

à suivre…

Grégoire +

 

Voir les commentaires

Une femme extraordinaire dans un quotidien complètement ordinaire

13 Mai 2020, 01:47am

Publié par Grégoire.

Stéphane Bern nous emmène dans la Normandie du XIXe siècle à la découverte de Thérèse Martin, plus connue sous le nom de Sainte Thérèse de Lisieux, l'une des saintes les plus populaires des catholiques, connue et aimée dans le monde entier. Née en 1873 à Alençon, en Normandie, la petite Thérèse Martin est animée par une ambition peu commune : devenir une grande sainte ! À 15 ans, elle remue ciel et terre pour entrer au Carmel de Lisieux, un couvent des plus austères. Au point d'aller jusqu'à Rome, au Vatican, pour solliciter le pape en personne ! Devenue religieuse, Thérèse est confrontée aux défis de la vie au sein d'une communauté cloîtrée, confinée pour la vie !

 

 

« Ce qui plaît au bon Dieu, c'est de me voir aimer ma petitesse et ma pauvretéc'est l'espérance aveugle que j'ai en sa miséricorde... Voilà mon seul trésor ».

« Pour aimer Jésus, être sa victime d'amour, plus on est faible et misérable, plus on est propre aux opérations de cet amour consumant et transformant... Le seul désir d'être victime suffit; mais il faut consentir à rester toujours pauvre et sans force, et voilà le difficile, car le véritable pauvre d'esprit, où le trouver? Il faut le chercher bien loin, dit l'auteur de l'Imitation... Il ne dit pas qu'il faut le chercher parmi les grandes âmes, mais bien loin, c'est-à-dire dans la bassesse, dans le néant... Ah ! restons donc bien loin de tout ce qui brille, aimons notre petitesse, aimons à ne rien sentir; alors nous serons pauvres d'esprit, et Jésus viendra nous chercher, si loin que nous soyons ; il nous transformera en flammes d'amour!...C'est la confiance et rien que la confiance qui doit nous conduire à l'Amour... »

Je dois donc m'aimer telle que je suis, avec toutes mes imperfections"

Thérèse de l’enfant-Jésus

Voir les commentaires

Il y a la vie qui est là, miraculeusement là ...

12 Mai 2020, 00:49am

Publié par Grégoire.

Il y a la vie qui est là, miraculeusement là ...

"Le mot confinement contient l’adverbe finement. Le confinement pourrait donc signifier « être ensemble finement », voire « vivre ensemble finement ». Inutile de consulter un dictionnaire : qui dit finement veut dire penser ou faire des choses avec finesse. Quelles sont les choses qu’on peut et doit faire avec plus de finesse ? Notre réponse : mais tout ! Nous n’oublions pas que nous sommes venus au monde en parfait ignorant et que nous avons dû apprendre les usages terrestres à partir de zéro. À commencer par apprendre à nous tenir debout, puis à avancer pas à pas vers l’espace qui s’ouvre devant nous. Sauf chez les plus doués d’entre nous, d’une façon générale, nos postures et nos comportements, autrement dit notre manière d’être, sont empreints de gaucherie et de maladresse ; il y manque trop de la grâce pour que nous soyons à même d’entrer en résonance avec l’invisible Souffle rythmique qui anime l’univers vivant. Nous sommes en quelque sorte d’éternels apprentis, d’éternels amateurs. Il y a toujours lieu d’améliorer notre approche de la vie, avec plus de lucidité et de finesse. Le confinement obligatoire nous en donne l’occasion.


D’abord, dans notre rapport avec les choses qui nous entourent. Il fut un temps où l’humanité était plus humble, plus patiente. Elle chérissait les choses qui étaient à son service. Elle en connaissait le prix, éprouvait à leur égard de la gratitude. Il s’établissait entre les humains et les choses un lien de sympathie, pour ne pas dire de connivence. On gardait les choses le plus longtemps possible, même quand elles étaient rongées d’usure. On rapiéçait les chaussettes, on ravaudait les chemises, on réparait les porcelaines fêlées, on entretenait avec vénération les meubles légués par les aïeux. Ainsi traitées, les choses prenaient un aspect personnel, revêtaient un coloris intime.


Mais depuis une ou deux générations, nous assistons à l’avènement du jetable. Du coup, nous n’entretenons plus le même rapport avec les choses. Les traitant de haut, nous ne leur portons ni attachement ni affection. Elles sont usées par nous, dans l’indifférence. Arrive le moment où elles se montrent moins efficaces, nous les fourrons sans ménagement dans le sac-poubelle. Hop là, un bon débarras ! Ni vu, ni connu. Tout cela ne nous éduque pas dans le sens de l’attention du respect, encore moins de la douceur et de l’harmonie. Il arrive bien souvent qu’inconsciemment, aux heures de nos désœuvrements, nous nous agacions de la présence des choses, parce qu’elles nous renvoient l’image de nos propres désarrois.


Le confinement est l’occasion de réapprendre la valeur des choses qui nous entourent. Celles-ci, nous le savons, ont une âme, même un bout de ruban, même une épingle. Elles ont acquis une âme, pour avoir été les témoins de notre vie. Elles conservent précieusement nos souvenirs, que nous avons relégués aux oubliettes. Elles peuvent nous être d’un soutien secourable si nous consentons à en faire des interlocuteurs valables. Elles sont là, pour nous rappeler que la vie n’est pas forcément un gâchis total. Elles sont là pour nous appeler à la fidélité.


Après notre rapport avec les choses, venons-en à celui, plus complexe, que nous entretenons avec les êtres. Le confinement crée des conditions pour vivre en compagnie des êtres qui nous sont chers, nuit et jour, sans une seconde de séparation. Au lieu de nous en réjouir, nous voilà paniqués. Jusqu’ici en effet, nous n’avons pas conçu la vie ainsi ; chacun a ses occupations, jouit des possibilités d’évasion. On découvre, effarés, qu’un tête-à-tête permanent est un casse-tête, que trop de promiscuité tue la vraie intimité. On en vient à avoir la nostalgie d’une certaine distanciation. Or, justement, en même temps que le confinement, on nous recommande de garder une « distance sociale », et si possible de ne pas se toucher. Cette situation, apparemment contradictoire, nous incite à une réflexion plus fine. Dans notre société, les sentiments d’affection s’expriment par un ensemble de paroles et de gestes très démonstratifs, une effusion ignorant les barrières. On s’adore, on s’embrasse, on baigne sans répit dans une mare de sentimentalité. C’est certes tout ce qu’il y a de positif. Sauf qu’en vase clos, pour peu que survienne un accroc, ces mêmes paroles et gestes, prononcées, effectués machinalement, ou devenus trop envahissants, étouffants, dégénèrent en chamailleries, quand ce n’est pas en violence.


Me revient alors en mémoire l’injonction de Confucius qui prônait dans les relations humaines, le « li », terme qu’on peut traduire par « le rituel du respect mutuel », un rituel fondé sur le principe de la distance juste. Selon le sage, seul ce principe permet de rendre durable l’attachement le plus profond. À partir de ce principe d’ailleurs, ses disciples conseillaient d’introduire dans le lien conjugal une forme d’amour courtois où chaque conjoint traite l’autre en hôte d’honneur. Les circonstances actuelles, pleines de paradoxe, me poussent ici à rappeler ce que Confucius avait proposé, 2 500 ans auparavant ; mais je mesure parfaitement ce qu’il peut y avoir d’inconcevable pour les gens d’aujourd’hui.


Après le rapport avec les choses et les êtres, comment ne pas aborder enfin le rapport avec soi-même. Dans le confinement, le sentiment qui domine chez chacun est la peur de se trouver seul à seul avec son ombre. Inévitablement, nous pensons à notre cher Pascal qui déplore que l’homme ne sache pas demeurer dans une chambre ; en proie au divertissement, il cherche à se fuir pour ne pas dévisager le destin, le sien. Entre quatre murs où rien d’inespéré ne peut advenir, quel mortel ennui ! Pourtant, la chambre peut contenir plus de présence et de richesse qu’on imagine. Il y a la mémoire de notre passé chargé d’orages, de remords, mais également de moment de félicité, il y a le présent à méditer et à métamorphoser, un présent bouleversé cette fois-ci par les actes héroïques des soignants et de tous ceux qui aident ; par les SMS reçus, qui donnent lieu à un authentique partage dans l’épreuve ; il y a le futur à préparer, un futur ouvert qui ne sera plus comme avant.


À ce point de réflexion, l’idée me vient d’évoquer un épisode dans la vie de Jakob Böhme, le grand mystique du XVIIe siècle. Un après-midi de solitude dans son sombre logis, il voit un rayon de lumière qui entre par la fenêtre et qui s’attarde sur un ustensile en étain. L’humble objet renvoie des reflets irisés. Soudain, il est ému jusqu’aux larmes et, empli de gratitude, il tombe à genoux. Un matérialiste pur et dur viendrait nous expliquer doctement que tout cela relève de la loi physique, qu’il n’y a vraiment pas de quoi s’émouvoir là-dessus. Mais Böhme voit autre chose, il voit qu’au sein de l’éternité, en ce coin perdu de l’immense univers apparemment muet et indifférent, un instant de miracle a lieu, ce rayon de lumière qui vient iriser l’après-midi terrestre où un humain anonyme, poussière d’entre les poussières, a pu capter la scène et, avec son œil ouvert et son cœur battant, être submergé par l’émotion. Qui peut expliquer cet insondable mystère ? Il n’y a peut-être rien à expliquer. Il y a la vie qui est là, miraculeusement là, à recevoir comme un don inouï. Chacun dans sa chambre, à sa manière unique, doit se tenir prêt à accueillir le rayon de vie qui se donne là, comme un ange annonciateur, comme un hôte d’honneur."

FRANÇOIS CHENG

 

Voir les commentaires

Que rien ne te trouble ..

10 Mai 2020, 00:16am

Publié par Grégoire.

Que rien ne te trouble ..

« Que votre cœur ne se trouble pas ! Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. »

En nous parlant, Jésus se dit, se donne à vivre, actuellement. Et Jésus ne cesse de nous dire « Que votre cœur ne se trouble pas ! Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. » Il veut qu’aucun trouble, qu’aucune angoisse, qu’aucune agitation ne nous ébranle ! Et pour cause : il dit ceci après avoir annoncé à Pierre sa trahison : "tu vas me trahir, mais surtout ne t'en trouble pas, je le sais, je le porte, et je l'assume ! " Tel est le regard de Jésus sur nos trahisons, nos médiocrités et nos crimes ! Jamais celui d'un juge inquisiteur ou d'un accusateur ! Jamais ! C'est l'oeuvre du démon que de remuer la boue, répandre dans les médias et à la meute des chacals les supposés actes déviants de tel ou tel, relus à l'aune des théories freudiennes ! 

Que votre cœur ne se trouble pas ! Cette parole est tellement importante, qu'elle est devenu la prière quotidienne de Thérèse d’Avila « Que RIEN ne te trouble, que rien ne t’épouvante, tout passe, Dieu ne change pas, la patience obtient tout, celui qui possède Dieu ne manque de rien. Dieu seul suffit ! ». 

Et le grand moyen de ne plus être troublé, c’est de croire en lui; c’est-à-dire revenir et demeurer dans ce contact actuel, immédiat avec lui : car il n’y a jamais aucune distance entre lui et moi !

Et dans ce contact, mendier qu'il nous donne de recevoir jusqu'au bout ce qu'il nous dit là : « Je te prépare une place… et de nouveau je viens pour te prendre près de moi ». Il nous faut le lui mendier que lui-même nous donne de ne pas réduire ses paroles, car le premier drame humain c'est de soi-même se faire mesure, et d'écouter selon nos petits désirs, nos petites attentes, et donc de réduire l'ambition actuelle de Dieu sur nous. 

Entendre -Je vais te préparer une place… c’est cela qui nous permet de ne pas être troublé, délivré de toutes angoisses : Jésus se sert de tout ce qui nous arrive : rien de notre vie ne lui échappe ; et il se  sert de tout pour nous faire entrer dans son repos, nous faire monter à la première place, à cette place de choix que Lui veut pour moi : La sienne ! Jésus n'a pas d'autres ambitions sur moi que de me donner à vivre ce que Lui vit, sa place ! On dépasse toutes inquiétudes, angoisses, repliements sur soi en cherchant à vivre de cette place unique que Jésus nous a acquis. Cette place c'est « là où moi je suis » c'est à dire : sa place !

Jésus nous aime bien plus que nous-même : Il nous aime à sa mesure, selon son don. Il nous regarde, chacun, comme celui à qui il donne tout, puisqu’il est totalement pour moi ! Et c'est pour cela que Le Père est à nous : « Qui me voit, voit le Père ! » Celui qui est TOUT, Celui qui est LA REALITE est à nous, personnellement, immédiatement !!! Et le chemin qui nous fait déjà vivre de ce terme, c’est Jésus !

Ne plus être atteins par aucun trouble, c’est donc inscrire dans sa vie cet amour qui assume tout, pour lequel rien n’est vain, dépendre radicalement de Celui qui m’unit à lui dans sa personne, en m’attirant. 

L’amour qui, naturellement nous rend accueil, attente, relatif, nous fait, là, être radicalement dépendant. Le chemin c'est d’être obstinément relatif à Jésus, de chercher à vivre de Lui en tout, de ne pas lâcher sa main. Et Jésus nous donne la charité fraternelle, ces liens personnels privilégiés, pour nous apprendre concrètement à vivre de lui, par ceux qu’il met auprès de nous. 

Le trouble vient toujours de ce qu’on est relatif à notre efficacité, aux résultats, à nous-même. La grande libération c’est d’aimer, de toucher qu’un autre est pour nous dans tout ce qu’il est, et alors de tout attendre de lui : que notre joie soit l’autre dans sa personne !

Jésus, c’est l’ami divin qui déjà me prend près de lui, et est en attente que je m’éveille à ce don qu’il me fait de lui-même. Il veut qu’on donne tout ce qui est encore nous, nos œuvres, nos grandeurs, nos qualités, nos jugements, nos tristesses, nos soucis, et tout nos trucs pétés, tordus, bizarres, pour leur donner une nouvelle signification, une nouvelle dimension, une nouvelle existence : « Maintenant je viens et je vous prend près de moi, afin que, là où je suis, vous aussi, vous soyez »

Grégoire +

 

Voir les commentaires

Divinisé ?

19 Avril 2020, 02:58am

Publié par Grégoire.

Divinisé ?

 

 

Absence 

 

À Pâques, la joie manifestée empêche souvent d’être face à ce qui apparait de prime abord : l’absence. Absence de témoins, de signes ou de traces visibles. Rien d’éclatant ! Rien de manifeste ! Plus de présence physique ! Bref, apparemment un non-évènement : le monde continu comme il était, avec ses cruautés, ses guerres, ses épidémies …

 

Et pour les femmes qui, dans l’évangile, couraient au tombeau, c’est la claque : « Vous cherchez Jésus ? Il n’est pas ici ! » 

 

La résurrection n’est pas une victoire éclatante, ni un évènement manifeste. Jésus ressuscité n’est plus de ce monde : il n’est pas visible ou localisable, et en même temps, il est comme encore plus de ce monde : il est présent à tout l'univers ! Il n’est plus à un certain endroit dans le monde physique : il échappe au lieu et au temps ! Il n’est donc plus selon notre conditionnement ou notre psychologie à la recherche d’équilibre ou de guérison intérieure, ou la réalisation d’un état de paix, d’amour et de joie idéale, atteint au terme de célébration religieuse ou de pratique spirituelle !

 

 

Absorbé

 

La résurrection, c’est quelqu’un ! C’est Jésus, qui jusque dans sa chair divinisée s’impose à tout l’univers ! Jésus ressuscité, c’est donc cette chair subtile, divinement délicate qui comme un parfum, un souffle, une brise, imbibe tout ce qui existe : il se donne à vivre, à sentir, à respirer depuis l’absorption en Dieu de cette chair et de tout ce qu’elle a vécu de violence, de trahison, de mort. Sa chair brisée et martyrisée, s’unie, épouse et imprègne tout ce qui existe sans aucune conscience de notre part : il échappe à notre conscience. Mais, par la foi -cette lumière d’en haut qui éclaire notre réel- nous savons que nous sommes introduits en lui, immédiatement, sans distance aucune.

 

S’il nous imprègne, cela signifie que nous sommes devenus autres que ce que nous voyons de nous-même ! C’est à dire, nous sommes en Lui comme une seule personne : ce qu’il a acquis est nôtre, son héritage nous appartient de facto ! Et cela c’est tout de suite ! Sans préparation !

 

Sa résurrection, c’est donc déjà maintenant la mienne : LA REVELATION N’EST PAS UNE VITRINE : la résurrection c’est Jésus, plus réel que tout le réel qui m’entoure et m’appartenant !

Ne respirant plus que du Jésus, je peux dire que malgré les apparences extérieures, je suis ressuscité ! Toutes mes petites morts, trahisons, inhumanités sont assumés, reprises, utilisées !

 

 

Imprégné

 

Tout l’univers est imprégné de sa présence. Chacun, là où il est, est marqué par Celui qui est jusque dans sa chair La Vie Éternelle. On ne peut plus faire sans. Et c’est pour cela que rien sur terre ne peut combler cette empreinte qui nous marque.

 

Aussi tout les petits prêchi-prêcha, sermonages et volonté de reprise en main à coup d’efforts, d’efficiences et de nouvelles déterminations, sont du temps perdu, du désespoir organisé et une hypocrisie sans nom ! Se mobiliser, faire des efforts etc… c’est encore me faire passer devant ! Moi, moi, moi ! Ce n’est pas le laisser s’imposer jusqu’au bout en cherchant à ouvrir les yeux sur ce que Lui a fait pour moi !

 

C’est tellement plus facile de remettre un coup d’efficience : au moins on se sent vivre, au moins on prouve qu’on vaut quelque chose par nous-mêmes !

 

Et, précisément, c’est la pire attitude, celle qui fait le plus obstacle à son don et à sa victoire ! Car la victoire : c’est la sienne ! Et elle réclame d’accepter que Lui s’impose à nous, et qu’il ressuscite tout nos lieux inhumains.

 

Sinon, c’est du replâtrage, du rafistolage qui entrainera toujours violences et trahisons; car rien de notre activité ne peut être adéquat à la noblesse reçue, à la signification que notre vie à pour lui, à l’abîme creusé en nous et auquel Lui seul peut répondre.

 

 

Émerveillé

 

La résurrection, c’est donc taire toutes critiques, tout regards réflexifs, tout ces faux espoirs de résultats que nous attendons de nous-même.

 

La résurrection, c’est croire en sa victoire qui s'impose malgré le retard complet de toute l'humanité sur cet apparent non-événement. Que l'humanité soit en retard n’est pas un drame : il suffit qu'une seule personne y adhère pleinement, accepte d'être débordée par ce mystère, et cela c'est Marie. Marie répond pour nous : sa réponse est mienne, elle m’appartient !

 

C'est ça la joie de Pâques : Lui est victorieux et sa victoire s’empare même de nos retards, nos sommeils et nos absences.

 

Aussi, on ne peut plus se regarder de la même manière : on doit tout réapprendre auprès de Lui. Nous sommes déjà habitants du ciel tout en étant sur la terre.

Nous sommes en Lui et Il veut, dès maintenant, nous apprendre à vivre cette vie de Fils qui coule en nous, pour se l’approprier, la vivre de façon personnelle, la marquer de notre touche propre.

 

 

Secret

 

C’est cela que les femmes qui ont courus au tombeau doivent annoncer. Comment ? Pas par des mots, des consolations, des raisonnements ou des chocolats !  C'est vrai, on aimerait tellement prouver aux autres -et en fait à soi-même- qu'on a ‘raison’ de croire à la résurrection ! Et pourtant, même Jésus n'a pas cherché à le prouver. Il aurait pu apparaitre à Hérode, à Pilate ou aux grands-prêtres au matin de Pâques: imaginez ces grands prêtres, dormant avec leurs phylactères, plein de leurs projets liturgiques bien pieux, de quête de perfection toute humaine et bien moralisante, réveillés par une apparition de Jésus ressuscité: la cata pour eux...!  Non, Jésus ne s'impose pas de l’extérieur, il ne vient pas nous faire des reproches ou la morale. 

 

La résurrection, cette présence victorieuse qui réordonne tout, cette attraction substantielle qui nous a recréé, est une victoire cachée. Sans aucune évidence.

 

Elle ne nous rend donc pas d’abord fort mais encore plus dépendant, puisque devant vivre d’un don tellement gratuit qu’on doit réapprendre tout les jours que nous sommes recréés, divinisé et sans aucune possibilité de jamais mettre la main sur cet état nouveau. 

 

 

Vivre du terme

 

C'est une victoire réclame d’être vécue comme ce qui transfigure nos liens personnels, nos liens fraternels : Jésus est présent dans chacun de ceux qui me sont donnés ! Ce qui signifie que tout ce qui est en dehors de liens personnels est faux, contraire à ce qu’est la résurrection. L’humanité de Jésus, vivant la vie du Verbe, est devenue secret du Père : jusque dans sa chair, il est au plus intime du Père. Il est silence qui coule vers lui. Et nous aussi avec Lui.

 

On est encore mort lorsqu’on en reste à notre générosité, à ce que l'on fait, à ce qui vient de nous, nos méthodes, nos trucs, et de ce que l'on ne n’a pas accepté d’apparaitre avec nos brisures, nos fragilités, nos pauvretés, nos états d’échecs permanents ! La résurrection est une nouvelle vie,  donnée et dont on est incapable ! 

 

Accepter tout nos états de pauvretés, par lesquels il s’empare de nous, le laisser être la solution de nos échecs, nos loupés, nos morts, c’est s’interdire définitivement de se juger, se critiquer, se regarder. Parce qu’il a déjà tout achevé. Tout. 

 

« Il a fait toutes choses nouvelles » Même si ce n’est pas manifesté, c’est fait.

 

Tout est achevé.

 

Grégoire +

 

Voir les commentaires

Cette victoire dans l'obscurité ..

11 Avril 2020, 13:16pm

Publié par Grégoire.

Cette victoire dans l'obscurité ..

* Samedi Saint *

 

 

Condamnation

 

Jésus a été condamné, rejeté par les grands prêtres ! 

 

Pourquoi ? Il est coupable de trop d’amour : il ne respecte pas les Lois, il n'obéit pas aux autorités en charge, s'engage trop dans la vie des personnes, les accompagne sans respecter la juste distance, ... !

 

C'est nécessairement un manipulateur,  un séducteur, un abuseur que la populace semble canoniser un peu vite .. !

 

Son amour est insupportable pour des yeux étriquement religieux, médiocrement puritains et pas assez humains. 

 

Et, il dérange : cet amour excessif n'est-ce pas du relativisme face à l’absolu de la loi ?! Faisons respecter l'ordre ! Il faut quand même éduquer les gens bon sang !!

 

Un homme, ami des pécheurs, mangeant avec les publicains et les prostituées ?? mais voyons, n'aurait-il pas .. une double vie ? C'est trop louche... faisons une enquête !

 

 

 

 

 

 

Et cela demeure toujours. L’humanité d’aujourd’hui condamne Jésus. Les opinions des hommes, la conscience éveillée des experts et les jugements des grands prêtres qui, eux, 'savent', ont le prestige et le pouvoir spirituel, tous ont bien discerné son petit jeu !

 

Et puis, dame : il n’y a pas de fumée sans feu : s’il est condamné, c’est qu’il y a faute .. ! Mêmes les médias le disent : ça ne peut donc être que vrai !

 

 

 

Silence

 

Jésus a accepté de se taire et de prendre la dernière place pour montrer, dévoiler  l'attraction silencieuse, substantielle qu'est Le Père, source actuelle tout ce qui existe. 

 

Jésus accepte d'être présumé coupable, de passer pour un tordu, un pervers, et d'être crucifié pour révéler -en creux- Celui dont il se reçoit et en qui il trouve son repos : le Père, pure bonté, Celui qui est LA Réalité, plus présent à nous même que nous même et caché derrière les apparences.

 

Le pardon, la miséricorde ne sont qu'un moyen en vue de dire Celui qui est Amour. Mais on ne peut s'arrêter à la miséricorde. L'amour seul est la cause et le 'ce en vue de quoi' s'exerce le pardon !

 

Et Jésus choisit de disparaitre. Il se sert du jugement des grands prêtres et de la trahison  de ses apôtres. Il donne alors à la mort, à toutes violences, une nouvelle signification.

 

 

 

Compassion

 

Mort, le cadavre de Jésus est alors remis, confié à la terre. Il n’y a plus de corps visible, plus de souffrance pour compatir. Il n’y a plus rien. C’est l’absence, le vide.

 

Séparée du cadavre de son Fils, Marie vit cette absence, cette négation mortelle, cette échec total. Elle vit cette brisure, cet état cadavérique, ce silence de mort.

 

Il n’y a plus que l’abandon, il n’y a plus que la brutalité des faits : c’est la violence de la mort, de la mise au tombeau, qui plongent ceux qui restent dans une solitude totale : être là, comme inutile, dans un pâtir à l’état pur.

 

 

 

 

 

Chacun vit ce moment du sépulcre : c’est l'ultime étape. Cette étape, on peut dire que le monde l’a toujours vécu, comme il a toujours vécu l’Agonie et la Croix. 

 

Mais il y aura un moment - et nous y sommes peut-être - où l’Église, corps mystique- devra vivre, d’une manière toute particulière, de ce moment du Sépulcre.

 

 

 

Actualité

 

Cette séparation de l'âme et du corps de Jésus, ne serait ce pas aujourd'hui cette absence de tout culte, ces églises vides, ce corps de Jésus confiné dans les maisons,  les hôpitaux et les ehpad ? C'est le corps séparé de son âme, de sa vie propre, de cette communion vitale avec le reste du monde.

 

Et, Jésus, ce cadavre divin qui repose, c'est mystérieusement qu'est réalisé le salut et que s'opère la recréation : car alors, dans le cadavre, le corps subsiste directement dans le Verbe ! c'est à la mort, la séparation de l'âme et du corps, que le Verbe est devenu CHAIR ! 

 

La chair est alors habitée par le Verbe -et même elle est, à ce moment là, devenue le Verbe, Dieu !! La chair du Christ est Dieu. Cette matière inerte qu'est le cadavre de Jésus est divinisé..  

 

La passivité du cadavre de Jésus dit alors immédiatement l'amour substantiel, cette attraction substantielle qu'est Dieu !

 

 

 

 

"Et la terre vint au secours de la Femme " apoc 12.

 

C'est la Chair devenu verbe qui fait que Marie, que tout ceux qui veulent -consciemment ou inconsciemment,  être à l'école de Jésus, qui cherchent la lumière, vivent alors comme le secret du Père dans le monde !

 

Nous sommes faits dans notre corps Terre Sainte, Terre promise, Temple nouveau, Arche d'alliance.. dans notre personne, dans notre chair avec tout ce qu'elle comporte de lourdeur et d'obscurité.. nous le sommes fais à ce moment là !

 

Ce n'est pas manifeste, mais cela est ! Gratuitement ! Cela s'impose à nous ! Nous sommes recréés, là, maintenant, comme sa chair est alors imbibé par le  Verbe éternel !

 

Et là, il nous faut alors tout réapprendre : comment vivre de cette victoire cachée , non encore manifestée ? Comment les jugements actuels sont-ils là pour permettre de toucher  ce que Lui fais de nous ? Comment dans une active passivité, laisser toujours plus cette attraction silencieuse Père s'exercer sur nous ?

 

Lui qui, maintenant nous a pris en Lui, et ne cesse de nous secréter, au plus intime de Lui-même, comme son unique, son secret, son bien-aimé !

 

 

Grégoire +

 

 

 

 

 

 

Voir les commentaires

Seul le silence permet à l’amour de se dire jusqu'au bout

9 Avril 2020, 14:00pm

Publié par Grégoire.

Seul le silence permet à l’amour de se dire jusqu'au bout

 

Dieu, Celui qui, depuis toujours, est, lumière et pur amour, se fait matière : pain et vin ! Solide et liquide ! la détermination du pain et la passivité du liquide ! Tel est l’Eucharistie ! L’abaissement de Dieu devant moi, se faisant mon esclave, se mettant à mon service pour m’introduire en Lui, et me faire vivre ce qu'il a en propre ! Directement ! sans préparation ! 

 

Et ce don est la règle de vie toute simple, la nouvelle loi : être tendu vers lui, offert comme le pain, et en même temps passif, liquide, pure réceptivité comme le vin !

 

Car le terme de l'Eucharistie, ce pour quoi Jésus l'invente, c'est de nous faire devenir Lui ! Pas moins ! Et c'est immédiat !! actuellement réalisé ! Et toute notre vie chrétienne c'est d'apprendre à vivre en Fils, comme un Dieu, découvrir le rythme et l'attente propre, personnelle, du Père sur nous, qui veut que l'on continue et achève l'oeuvre de Jésus ! Pas moins ! Et ça, c'est vrai pour chacun ! C'est donné ! Gratuitement !

 

C’est pour cela que ce don est tellement inouïe qu’on veut l’enfermer dans des codes, des lois, des rites, un culte. Parce que c'est too much pour nous !! C'est éprouvant, on met même tellement de temps à y croire !! Pourquoi? Parce qu'on se regarde trop, et surtout par nos petits cotés ! Et pour un marxiste -c'est à dire quelqu'un qui ne voit que ce qui est extérieur, matériel, mesurable- l'amour, don personnel gratuit, c'est juste insupportable !  « Dieu qui se donne à vivre ?! Mon Dieu, où va-t-on ?? » 

 

Par son don, je suis introduit en Lui, dans ce qu'il a de plus intime, pour vivre ce qu'est Dieu ! Or, l’amour, qui en Dieu est son être même, ce qu’il est, ne peut-être dit dans un rite, un culte, des chants. Il ne peut que se vivre. Et dans un abîme de pauvreté spirituelle : notre désir de connaitre butte complètement sur ce truc ! C’est pour ça que Jean n’en dit rien dans son évangile ! Rien !

 

La parole permet de nommer les choses, mais elle garde un caractère universel, abstrait : on peut la répéter. Or l’eucharistie, cette offrande réalisé à la croix et dont la victoire est manifestée dans la résurrection c’est en tout premier lieu un don radicalement personnel, unique, qui ne peut se dire. Qui ne peut que se vivre : c’est Dieu pour moi, relatif à moi, qui veut m’introduire en Lui, au plus intime de ce qu’il est !

 

Je suis totalement incapable d’entrer dans ce don : « là où moi je vais vous ne pouvez venir » Notre nature humaine explose face à ce don, et c’est bien ce qui est montré à la Croix. Sauf, nos misères qui nous rendent assez pauvres pour être introduit dans cette vie qui est Dieu même !

 

 

Et c'est bien de cela qu'il s'agit : par son don, nous sommes déjà, là maintenant, introduits dans la vie intime même de Dieu ! Nous en vivons dans l'obscurité de la foi, mais c'est réel ! et ce, grâce à ces blessures qui sont sa porte d'entrée ! sans condition !

 

Ô Bienheureuse pauvreté alors ! Ô Bienheureuses fautes, chantons-nous durant la Vigile pascale ! Et peut-être devrions nous le chanter tout les jours pour sortir définitivement de ce puritanisme maladif, ce pharisaïsme hypocrite qui ronge tant d’ecclésiastiques ou paroissiens satisfaits d’eux-mêmes ! Ce regard moralisant de petits juges est bien plus destructeur que tout ce qui ronge la nature ou pollue notre monde !

 

La pollution spirituelle, le pharisaïsme des bien-pensants, de ceux qui s'auto-proclament juges de leurs frères est la pire des pollutions ! mais malheureusement on s'en accommode très bien. C'est pour celle-là que Jésus est mort.

 

 

Ce don c’est l’invention géniale de que Jésus laisse à chacun… Le testament de Dieu, de l’ami divin et humain, l’héritage qui m’est remis, dont je peux user comme bon me semble;

 

Ce qui est définitivement acquis pour moi, qui est ma propriété, mon bien propre : c’est Jésus –le Verbe- livré au Père et à chacun comme chacun attend d’être aimé ! Et ça c’est mien comme quelque chose d’acquis ! Sans aucune justification à donner de ma part pour avoir accès à ce don ! Celui qui est La Réalité se fait relatif à moi dans tout ce qu’il est, pour se donner à vivre, et me permettre dès maintenant de répondre à son don avec toutes mes ingéniosités !

 

Ce que Jésus réalise n’est pas dans le prolongement de l’Ancien testament, de nos désirs d’homme religieux, prudents, morals, pour l’épanouissement de ce qui est le plus humain en nous, ou pour épanouir nos capacités. C’est quelque chose qui vient d’en haut, quelque chose de complètement nouveau et c’est pour cela que nous sommes perdus, déroutés et même scandalisés : gratuité pure !

 

Comment dire à chacun ce secret personnel ? pure attraction divine, substantielle, qu’aucun culte rite liturgique ou vécu intérieur ne pourra manifester ?

 

Et, parce que c’est un pur don d’amour, il est silencieux. Il est là pour moi comme un nouveau soleil ou un nouveau ciel qui n’aurait pas de but en soi sinon d’être là! Rien de séduisant non plus : l’amour ne peut-être compris que de ceux qui aiment : les enfants, les simples, les amoureux et les handicapés…

 

C’est une rupture que Jésus réalise et qu’il réalise à travers un geste : «  Au cours d’un repas, Jésus sachant que le Père lui avait tout remis entre les mains et qu’il était venu de Dieu et qu’il s’en allait vers Dieu, il se lève de table, dépose ses vêtements, et, prenant un linge, il s’en ceignit. Puis il met de l’eau dans un bassin et il commença à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge dont il était ceint ».

 

Jésus –qui est Dieu, se fait le serviteur et il lave les pieds à ses disciples. C’est un passage, « la Pâque », celui d’une nouvelle ‘connaissance’, personnelle, intime, de Dieu dans ce geste de Jésus. Dieu qui se fait l’esclave ! Voici le nouveau passage de Dieu ! C’est Dieu qui se fait totalement relatif à nous !

 

Le geste manifeste un lien que l’on voudrait personnel. L'amour réclame cette sortie de soi, de nos schèmes d'homme prudent, de nos raisonnements. Ne faut-il pas découvrir là -d’une façon tangible- que l’amour est au-dessus de tout ordre, règles et lois ?Parce que Dieu est amour : rien n’est au-dessus de l’amour ! Il n’y a pas de « juste place » « juste respect » Il faut aimer point barre ! Et on commence toujours maladroitement, en aveugle et en mode handicapé ! Mais l’amour est au-dessus de tout ! C’est l’amour qui fait connaitre, c’est l’amour qui nous fait voir Dieu, c’est l’amour qui réalise l’unité !

 

Il y a là quelque chose que l’on doit regarder avec crainte et qui révèle la grandeur de tout amour : l’amour humain est toujours l’appel, l’attente du don personnel de Dieu pour nous ! On ne peut donc jamais formaliser, juger de l’extérieur, ou donner un ordre d’obéissance à propos d’un lien personnel ! Il n’y a rien au-dessus, car tout lien dans l’amour est un appel et touche déjà quelque chose d’éternel !

 

Et c’est le lavement des pieds a ouvert Jean à cette nouvelle relation auprès de Jésus. Dans le lavement des pieds, Jésus fait le geste de l’esclave, donc du serviteur par excellence. C’est le geste qui conduit à l’Eucharistie, ou Jésus nous donne son Corps comme aliment sous le signe du Pain. L’aliment le plus simple, le plus commun. L’aliment c’est le serviteur du vivant. Serviteur d’une façon radicale, puisque il perd ce qu’il est, pour celui qui s’en nourrit.

 

 

Et donc, Jésus veut nous crier là combien Il se met à notre service. C’est vrai, ce n’est plus du pain, c’est son corps, sa chair,  Lui : « Ceci est mon Corps ». On comprend que c’est aller jusqu’au bout, on ne peut aller plus loin. Dieu se donne comme pain. C’est le don que seul Dieu peut faire ! C’est sa toute puissance qui est au service de son amour, et elle est toujours au service de son amour.

 

 

Jean veut mettre en pleine lumière cet ordre nouveau : que Celui qui est le Maître, Celui qui est le seigneur, n’hésite pas de faire le geste de l’esclave. Donc de bouleverser cet ordre hiérarchique et de faire comprendre qu’il y a un ordre d’amour beaucoup plus profond, beaucoup plus radical, ce qui au niveau hiérarchique ce n’est pas compréhensible ;

 

Et on comprend la réaction de tous les talibans de l’ordre hiérarchique, adorateurs de traditions ou culte : non, non et non ! Ne fais pas ce geste-là, il faut que tu restes, vraiment Maître et Seigneur ! Or, Jésus nous demande de dépasser cet ordre-là, humain, pour être pris par son don. La nouvelle alliance, c'est une reprise totale dans l’amour, ou chacun, petites créatures, êtres seconds qui trouvons avec peine ce qui est à notre portée, sommes élevés à la dignité de Dieu ! Dieu se fait pain pour qu’introduit en Lui, on vive à son rythme, à sa taille !

 

 

Marie, est celle qui a reçu chaque initiative de Dieu comme un secret, dans l'amour, et qui nous montre comment en vivre : par l'amour et la pauvreté. L'amour nous fait être accueil et don, et la pauvreté nous cache, nous garde de tout retour sur nous mêmes, nous empêche de posséder l'amour, et nous fait accepter de pouvoir être comme ignoré.

 

 

L’Eucharistie, silence d’amour de Dieu pour nous, réclame cela. C’est le geste éternel -actuel- de Dieu qui est don dans tout ce qu'il est; cela c’est -au-delà des apparences extérieures- ce que nous devenons substantiellement, réellement. 

 

Grégoire

Voir les commentaires

La crainte du très-bas

7 Avril 2020, 00:19am

Publié par Grégoire.

La crainte du très-bas

 

«Aucune divinité, nul autre qu’un envieux ne se réjouit de mon impuissance et de ma peine, et nul autre ne tient pour vertu nos larmes, nos sanglots, notre peur, et toutes ces manifestations qui sont le signe d’une impuissance de l’âme. » Spinoza a toujours décapé ma conception trop étriquée de Dieu. Mais de là à intégrer cette liberté d’esprit dans la vie, il y a un pas que je n’ai jamais franchi. Le bonheur me fait peur, le plaisir m’est souvent un tantinet suspect et, quand tout va bien, je m’attends presque toujours à ce qu’une tuile me tombe sur la gueule. En bref, je crois servir Dieu uniquement en serrant les dents et en traversant les épreuves tant bien que mal.


Il y a peu, je séjournais dans un monastère près de Jérusalem. Une fois par jour, je me promenais accompagné d’un moine qui me prêchait une retraite sur mesure. Il a eu l’audace de me comparer à Dieu, suggérant que lui comme moi étions toujours pris pour un autre. Et que dans cette fragilité, je pouvais me rapprocher du très-bas – pour le dire avec les mots de Christian Bobin. Pour la première fois, je me suis découvert un point commun avec le divin créateur. Il n’était pas un potentat inflexible ni un juge intransigeant, mais un être infiniment proche. Peut-être est-ce là son absolue transcendance. Être si proche et d’une manière telle qu’elle dépasse toutes catégories et pulvérise l’entendement. Tandis que nous nous baladions sur les collines de Sion, je m’ouvrais à lui de la peur d’être jugé, de ma culpabilité à être heureux. Auparavant, j’avais entendu à la messe du matin une expression qui me terrorisait: la crainte de Dieu. Je n’avais pas encore compris que la crainte signifie le respect et la confiance en Dieu qui précisément congédient toute peur. Et mon jeune frère de dire: « La crainte de Dieu, c’est ne pas prendre Dieu pour un con. »


Dès lors, une conversion a vu le jour. J’ai perdu peu à peu cette illusion que le Roi du Ciel et de la Terre va me rattraper au contour pour m’infliger mille supplices si je défaille. La crainte de Dieu, c’est l’émerveillement devant ce qui me dépasse et ce que je veux figer. Je prends Dieu pour un idiot lorsque je joue un rôle devant lui, quand, tels Adam et Ève, je dissimule mes travers pour faire le beau. Je le crois imbécile lorsque je pense qu’il épie chacun de mes actes, qu’il cherche en moi la faille et qu’il désire à tout prix me punir. Dès lors, la crainte de Dieu, c’est cesser de l’enfermer dans une psychologie à dix sous, dans mes névroses. Depuis, je crains de ne réduire le Père Céleste autant qu’autrui. Je crains de m’enliser dans des rôles. Mais loin de me terrifier, cette crainte m’allège et me pousse à laisser là toute affectation.


À côté de ce frère, j’ai appris à ne pas avoir peur de Dieu ni de soi, à découvrir véritablement ce que je suis, à voir que je dépasse largement toutes ces blessures psychologiques. Dieu est neuf à chaque instant, comme mon prochain et moi d’ailleurs.Souvent, à cause de mon insistance, de mes petits manquements, j’avais peur de décevoir le frère. Sa réponse m’aide encore: « Tu ne peux pas, quoi que tu fasses, me décevoir. » L’idolâtrie, c’est peut-être avoir l’outrecuidance de croire pouvoir décevoir Dieu, le fâcher. La crainte de Dieu, c’est peut-être quitter la peur d’être jugé comme je juge. Depuis mon retour, je veux nourrir et transmettre cette crainte de Dieu à ma famille, à mes enfants. Comment? En jugeant moins et en montrant à mes proches un amour inconditionnel

 

Alexandre Jollien 

 

Voir les commentaires

J'ai téléphoné juste pour entendre une voix .. je suis déjà tombé amoureux d'un sourire ..

31 Mars 2020, 06:59am

Publié par Grégoire.

J'ai téléphoné juste pour entendre une voix .. je suis déjà tombé amoureux d'un sourire ..

 

Je suis désolé, mais je ne veux pas être empereur, ce n'est pas mon affaire. Je ne veux ni conquérir, ni diriger personne. Je voudrais aider tout le monde dans la mesure du possible, juifs, chrétiens, païens, blancs et noirs. Nous voudrions tous nous aider si nous le pouvions, les êtres humains sont ainsi faits. Nous voulons donner le bonheur à notre prochain, pas lui donner le malheur. Nous ne voulons pas haïr ni humilier personne. Chacun de nous a sa place et notre terre est bien assez riche, elle peut nourrir tous les êtres humains. Nous pouvons tous avoir une vie belle et libre mais nous l'avons oublié.

 

L'envie a empoisonné l'esprit des hommes, a barricadé le monde avec la haine, nous a fait sombrer dans la misère et les effusions de sang. Nous avons développé la vitesse pour nous enfermer en nous-mêmes. Les machines qui nous apportent l'abondance nous laissent dans l'insatisfaction. Notre savoir nous a fait devenir cyniques. Nous sommes inhumains à force d'intelligence, nous ne ressentons pas assez et nous pensons beaucoup trop. Nous sommes trop mécanisés et nous manquons d'humanité.

 

Nous sommes trop cultivés et nous manquons de tendresse et de gentillesse. Sans ces qualités humaines, la vie n'est plus que violence et tout est perdu.

 

Les avions, la radio nous ont rapprochés les uns des autres, ces inventions ne trouveront leur vrai sens que dans la bonté de l'être humain, que dans la fraternité, l'amitié et l'unité de tous les hommes.

 

En ce moment même, ma voix atteint des millions de gens à travers le monde, des millions d'hommes, de femmes, d'enfants désespérés, victimes d'un système qui torture les faibles et emprisonne des innocents.

 

Je dis à tous ceux qui m'entendent : Ne désespérez pas ! Le malheur qui est sur nous n'est que le produit éphémère de l'habilité, de l'amertume de ceux qui ont peur des progrès qu'accomplit l'Humanité. Mais la haine finira par disparaître et les dictateurs mourront et le pouvoir qu'ils avaient pris aux peuples va retourner aux peuples. Et tant que des hommes mourront pour elle, la liberté ne pourra pas périr.

 

Soldats, ne vous donnez pas à ces brutes, à une minorité qui vous méprise et qui fait de vous des esclaves, enrégimente toute votre vie et qui vous dit tout ce qu'il faut faire et ce qu'il faut penser, qui vous dirige, vous manœuvre, se sert de vous comme chair à canons et qui vous traite comme du bétail.

 

Ne donnez pas votre vie à ces êtres inhumains, ces hommes machines avec une machine à la place de la tête et une machine dans le cœur.

 

Vous n'êtes pas des machines.

 

Vous n'êtes pas des esclaves.

 

Vous êtes des hommes, des hommes avec tout l'amour du monde dans le cœur.

 

Vous n'avez pas de haine, sinon pour ce qui est inhumain, ce qui n'est pas fait d'amour.

 

Soldats ne vous battez pas pour l'esclavage mais pour la liberté.

 

Il est écrit dans l'Evangile selon Saint Luc « Le Royaume de Dieu est au milieu de vous », pas dans un seul humain ni dans un groupe humain, mais dans tous les humains, mais en vous, en vous le peuple qui avez le pouvoir, le pouvoir de créer les machines, le pouvoir de créer le bonheur. Vous, le peuple, vous avez le pouvoir, le pouvoir de rendre la vie belle et libre, le pouvoir de faire de cette vie une merveilleuse aventure.

 

Alors au nom même de la Démocratie, utilisons ce pouvoir. Il faut tous nous unir, il faut tous nous battre pour un monde nouveau, un monde humain qui donnera à chacun l'occasion de travailler, qui apportera un avenir à la jeunesse et à la vieillesse la sécurité.

 

Ces brutes vous ont promis toutes ces choses pour que vous leur donniez le pouvoir : ils mentaient. Ils n'ont pas tenu leurs merveilleuses promesses : jamais ils ne le feront. Les dictateurs s'affranchissent en prenant le pouvoir mais ils font un esclave du peuple.

 

Alors, il faut nous battre pour accomplir toutes leurs promesses. Il faut nous battre pour libérer le monde, pour renverser les frontières et les barrières raciales, pour en finir avec l'avidité, avec la haine et l'intolérance. Il faut nous battre pour construire un monde de raison, un monde où la science et le progrès mèneront tous les hommes vers le bonheur.

Soldats, au nom de la Démocratie, unissons-nous tous !

 

Charlie Chaplin 

 

 

"J'ai pardonné des erreurs presque impardonnables, j'ai essayé de remplacer des personnes irremplaçables et oublié des personnes inoubliables. J'ai été déçu par des gens que j'en croyais incapables, mais j'ai déçu des gens aussi. J'ai tenu quelqu'un dans mes bras pour le protéger. Je me suis fait des amis éternels. J'ai ri quand il ne le fallait pas. J'ai aimé et je l'ai été en retour, mais j'ai aussi été repoussé. J'ai crié et sauté de tant de joies, j'ai vécu d'amour et fait des promesses éternelles, mais je me suis brisé le coeur, tant de fois !

J'ai pleuré en écoutant de la musique ou en regardant des photos. J'ai téléphoné juste pour entendre une voix, je suis déjà tombé amoureux d'un sourire. J'ai déjà cru mourir par tant de nostalgie. J'ai eu peur de perdre quelqu'un de très spécial (que j'ai fini par perdre). Mais j'ai survécu ! Et je vis encore ! Et la vie, je ne m'en lasse pas. Et toi non plus tu ne devrais pas t'en lasser. Vis ! Ce qui est vraiment bon, c'est de se battre avec persuasion, embrasser la vie et vivre avec passion, perdre avec classe et vaincre en osant... parce que le monde appartient à celui qui ose ! La vie est beaucoup trop belle pour être insignifiante!"

Charlie Chaplin 

 

 

Voir les commentaires

«Ecrire sur la fin d’un monde»

30 Mars 2020, 00:50am

Publié par Grégoire.

«Ecrire sur la fin d’un monde»

 

Une fois prononcé, le mot devient une parole. Une voix, ou même une langue. Une fois dit, le mot évolue. Il se transforme, s’adapte, transmue. Il se propage. Tout simplement le mot devient un virus de communication. Un virus qui a besoin de l’oreille de quelqu’un pour prospérer. Mais une fois écrit, le mot peut devenir tout et n’importe quoi: la déclaration des droits de l’homme, Don Quichotte, une recette «simplifiée» de tartiflette, une lettre d’amour, Magna Charta Libertatum ou un rapport policier… Une chose est sûre. Posé sur le papier, le mot reste. Tel un signe graphique de notre émotion. Une fois écrit, notre mot sort du silence et de sa solitude. Il devient alors une expérience collective, appelée aussi lecture.

 

***

J’ai 55 ans et par un malentendu géopolitique je suis né en Yougoslavie. Je ne suis pas mort à la guerre, ni dans les camps. Je suis survivant. Réfugié. J’ai eu la chance d’échanger la fin du communisme pour le crépuscule du capitalisme. De passer de l’éducation collective à l’individu. Du nous au moi. A posteriori, je me demande quelle aurait été la réaction du pouvoir yougoslave face à la propagation du Covid-19. Pour les pays, disons, démocratiques, les résultats sont aussi discutables. Avouons-le, c’est très compliqué en France, comme en Suisse. Je simplifie un peu mais il me semble que pour la première fois l’homme occidental doive réfléchir collectivement. Faire le chemin opposé au mien, du moi aller vers le nous.

Notre société si moderne et connectée est très, très fragile. Arrêtée net par le coronavirus. Un grand coup de pied dans notre univers peuplé de citoyens du monde. Une société dans laquelle, soudainement, le mot partager commence à devenir synonyme de contagion. Le Village Global de Marshall McLuhan est fiévreux et éternue. Et nous n’avons pas l’antidote, pour l’instant.

***

 

Les différences entre totalitarisme et démocratie sont essentielles. Dans un pays totalitaire, nous n’avons aucune information sur rien. En démocratie, nous en avons, mais trop. Sous les dictatures, la réponse à toute question politique ou sociale est: je ne sais rien. Ici en Occident: tout le monde sait tout. Quel enfer est-il plus insupportable? Vivre sans ou avec trop d’informations? Dans le silence et les non-dits ou dans la cacophonie? Le vrai ou faux?

Notre monde est à l’arrêt. Démocratie et pandémie sont-ils compatibles? La sacro-sainte liberté – de sortir, de circuler, d’aller voter – ou le confinement dur à la chinoise? Ici, nous avons l’impression que nos élites nous mentent. En attendant, notre macrocosme et notre macroéconomie sont confinés. Les requins de l’ultralibéralisme triomphant et sans bornes sont claustrés dans un tout petit bocal d’aquarium. Chez nous en Bosnie, on dit: un petit marécage et beaucoup de crocodiles.

Avec un vrai danger.

Que notre mémoire ne devienne celle des poissons rouges.

Une dizaine de secondes environ.

***

Alors, certes, il nous reste la littérature. Mais comment écrire en temps de pandémie? Un blog, un post sur Facebook, un tweet, un journal (au secours!!!!) d’écrivain confiné? Quoi dire?

Par sa forme et son essence la littérature refuse la modernité. Les vrais écrivains demandent du temps et du silence tandis que l’écriture dans l’urgence ou sur la Toile réclame immédiatement la scène, la foule, le bruit et la fureur, le sang et les larmes, les likes et les dislikes… Faire une littérature grossiste qui distille les émotions collectives, les peurs, les joies. Une écriture d’affirmation et pas de questionnements.

Celui qui croit en tout est fou. Identique à celui qui ne croit en rien. Les temps cruels nous imposent un vocabulaire particulier, urgent et sérieux. Les grandes pensées et les mots savants. Les phrases «définitives». Dans le genre: la fin de l’humanité ne signifie pas la fin du monde. Ou: la repentance est bonne, mais l’innocence est encore meilleure.

Il n’y a rien de pire que la prise de conscience ultérieure. Alors écrire ou pas dans un monde malade? Rester romancier ou devenir chroniqueur? S’inscrire dans le durable ou l’éphémère?

Tant de questions sans réponses pour un «homme de lettres».

Une chose est certaine.

Les histoires durent plus que les hommes.

***

Le monde malheureusement, dixit l’aveugle clairvoyant Borges, est réel, et moi malheureusement je suis Borges. La pandémie actuelle ne nous apprend rien de nouveau. L’homme est un être étonnant. Il a besoin des mots et d’un vaccin en même temps. De se sentir bien et d’une voix rassurante qui lui dise: eh oui, tout va bien.

Plus que jamais, un écrivain a une tâche responsable. Trouver le bon, le vrai mot. Tout en sachant qu’il n’y a rien de plus discutable que nos certitudes. Souvenons-nous, pendant plusieurs siècles l’homme marchait sur une terre plate. Et c’était une certitude, claire et sûre, de celles que vous n’avez pas besoin de vérifier.

Comme nous tous, j’ai plus souvent regretté la parole que le silence. Tout est possible sauf deux choses. Remettre le dentifrice dans le tube. Et retirer la parole prononcée. Ce qui a été dit.

Il faut alors, dans les limites de notre intelligence et de nos possibilités, faire attention aux mots. A la parole. Les manipuler comme quelque chose de beau et de précieux. Et de dangereux comme de la nitroglycérine. Avec précaution. Mais pas avec peur. Juste de la Prudence.

Sur la Toile comme dans la vraie vie.

Devant les êtres vivants et encore plus devant un écran.

La prudence ne signifie pas nécessairement l’intelligence. Juste faire attention. Et ne jamais oublier que la littérature ne peut pas être meilleure que la planète. Plus belle, mieux conçue et mieux «réalisée» oui. Mais pas meilleure. Le monde, malheureusement, est réel.

Enfin, même le bon Dieu a écrit deux fois son testament.

Velibor Čolić

P.-S.: C’est une femme qui dit à son mari: «Ecoute Raymond, on va poster sur Facebook qu’on a le coronavirus. Comme ça les voisins vont croire qu’on est allé à Venise.»

Velibor Čolić est né en Bosnie en 1964. Il vit en France depuis 1992. Il a écrit plusieurs romans en bosniaque avant de choisir le français. «Manuel d’exil, réussir son exil en 35 leçons» lui a valu un large succès. Dernier titre paru: «Le Livre des départs» (Gallimard, 2020).

https://veliborcolic.wordpress.com

Voir les commentaires

 Vous me connaissez ? Vous savez d’où je suis ? 

28 Mars 2020, 11:06am

Publié par Grégoire.

 Vous me connaissez ? Vous savez d’où je suis ? 

 

« Vous me connaissez ? Vous savez d’où je suis ? » Jean 7, 28

 

Ces interpellations de Jésus à ceux qui l’écoutent, face à leurs murmures, c’est un cri, une tristesse, une blessure qu’il manifeste. Ces interrogations adressées à ceux qui sont ses frères, son peuple, ses apôtres, il faut les laisser descendre en nous.. et essayer de toucher la manière dont il interrompt son enseignement pour dire sa vulnérabilité face aux jugements hâtifs dans lesquels ils l’enferment.

 

C’est au Temple, à l’occasion d’un enseignement donné avec autorité que Jésus interroge ainsi les siens, manifestant là l’obstacle premier qui les empêche de le recevoir : croire le connaitre ! Juger de l'extérieur ce qui anime sa vie, ramener son intention profonde à un résultat visible et mesurable !

 

Parce qu’ils sont pris par le quand dira-t-on, l’opinion commune, ce qu’en disent les médias de l’époque, il n’y a plus chez ces juifs d’attente.. ou plutôt ils n’attendent plus qu’un salut humain, à leur taille, selon un regard juridique, s’empêchant ainsi d’aller plus loin qu’eux mêmes !

 

Or, Jésus ne vient pas d’abord résoudre nos problèmes terrestres, ni nous rétablir dans l’ancienne Alliance, ni être un gendarme scrupuleux d’une loi religieuse ou liturgique ! Il vient nous mettre face au Père et nous en faire vivre. Tout de suite. Là. Maintenant.

 

C’est pour cela qu’il n’est pas à notre portée : rien en nous n’est adéquat ou proportionnel à son don, à sa lumière ! Et ça, on l’oublie tellement vite ! Autrement dit, Dieu est toujours de trop pour nous ! Alors que très vite, pour le croyant, Dieu fait partie des meubles, et on croit, en toute modestie, qu’on peut, par soi-même, en conscience, répondre librement à ce qu’il propose ! Mais NON ! C’est une horreur de croire que « Dieu propose, et que la personne humaine répondrait librement, si elle veut.. »

 

Pourquoi ?

 

Premièrement parce que l’amour s’impose ! L’amour ne nous laisse pas libre ! Et ça, c’est insupportable pour nos mentalités modernes, d’avoir à accepter que quelque chose s’impose à moi avant que je l’ai décidé, accepté, choisit ! Que je ne suis pas d’abord le fruit de mes choix.

 

Et, malheureusement, la petite bestiole qui, aujourd'hui, met à mal la moitié de l’humanité est un exemple criant que nous ne sommes pas premièrement décideurs de nos vies !

 

Ensuite, devant Dieu, nous ne sommes pas d'abord libre ! Il ne nous a pas demandé la permission pour savoir si on voulait où non vivre.. et apparaitre dans tel pays, à telle époque... 

 

Plus profondément, Jésus vient -et c'est une initiative gratuite- pour nous donner de vivre d’une lumière qui est, pour nous, de trop, qui nous excède et même qui nous éprouve, au point que je ne suis pas capable de la recevoir par moi-même ! Dieu n’est pas dans le prolongement de nos projets humains ou religieux; de nos désirs affectifs, matériels ou même spirituels ! 

 

Il nous fait entrer par son initiative, dans sa vie la plus intime ! C'est en cela que rien sur terre ne peut répondre à la soif qui est en nous ! Et cette vie, y répondre par oui ou non, reviendrait à dire qu'on peut mesurer son don.. Or, Dieu est de trop pour nous !!! Il nous excède ! Croire qu’on peut répondre par nous-même à son don, à sa présence, à sa lumière, c’est se croire capable de lui… c’est se croire capable de devenir Dieu, de se mettre à sa taille par nous-même !

 

Ça à l’air de rien de dire ça, mais c’est capital : on ne peut qu’être en attente de son don et aussi de sa grâce pour lui répondre !! Et là, c'est dans le choix de cette attitude de se reconnaitre pauvre, non capax, qu'on est libre ! Libre de reconnaitre notre radicale petitesse ! Notre totale incapacité de le recevoir et lui répondre ! Libre de mendier qu’il vienne non seulement nous éclairer, mais encore de ne pas faire obstacle à son don !

 

Jésus en effet vient nous entraîner dans un don auquel on ne peut pas se préparer ! C’est une oeuvre de résurrection qu’il vient opérer, pas du rafistolage ou un replâtrage ! On a facilement cette tentation de croire qu'il est venu pour qu’enfin on soit autonome, épanouie, sans plus rien de ce qui nous agace et nous empêche de vivre ce petit bonheur au sommet duquel sont nos congés payés, notre capital santé et une succession d'émotions creuses et stupides !

 

Aussi, attendre de lui des choses très précises, c’est croire le connaitre et c’est s’empêcher d’être attirer hors de soi.. C’est le problème des pharisiens,  des biens-pensants et de tout les ‘spirituels’ qui veulent y arriver par eux-même, et qui croient répondre librement : c.a.d en « connaissance de cause », comme si l’évangile était une recette de cuisine à appliquer, au terme de laquelle je ne sais quelle perfection serait acquise !

 

Et, précisément, Jésus enseigne au Temple, lieu de la rencontre avec Dieu, pour redonner le vrai sens du sacrifice offert à Dieu; on ne peut être vers Dieu, l’attendre, qu’en choisissant de tout brûler : tout nos acquis, toutes nos certitudes, tout ce qu’on croit savoir, toutes nos qualités et ce sur quoi on s’appuie ! Autrement on s’aveugle et on se rend incapable de recevoir ses initiatives d’amour ! « vous dites ‘nous voyons’ c’est pourquoi votre péché demeure ! » Jean 9

 

On ne peut se présenter devant Dieu que comme un pauvre; Mais un pauvre comme Jésus s’en fait le signe : à la croix, où il est ‘ver non point homme, objet de rebut et de mépris devant lequel on se voile la face…’

Or ça, par nous-même, on est loin d’en être capable ! Ou bien alors dans cette version doloriste qui a pu exister et qui a trop souvent été une copie très matérielle et extérieure de son don..

 

La croix est le signe d’un amour qui ne peut se dire, sinon dans le silence, pour qu'il n'y ait plus que l'attraction de sa bonté ... il est substantiellement bon, et son effet propre est de creuser en nous un abîme de pauvreté, élargir l’espace de notre tente intérieure…

 

On ne commence à le connaitre que lorsqu'on se laisse toucher, dans le secret de notre coeur par cette présence ineffable qui nous dit : « mon amour pour toi est plus silencieux que le silence… »

 

Grégoire

Voir les commentaires

Il y a un instant où le monde est laissé seul. Abandonné.

27 Mars 2020, 02:46am

Publié par Grégoire.

Il y a un instant où le monde est laissé seul. Abandonné.

 

Un éclair de l’au-delà traverse mon cerveau. C’est une pie, ou un geai, qui vient de passer en rase-mottes dans le pré. Je n’ai pas eu le temps de bien voir ce que c’était, juste celui de savourer la joie du pur éclair. C’était l’entame de ma journée. Après, il y a eu la lumière qui franchissait l’obstacle des rideaux sales et tombait sur le carrelage de la cuisine.

 

La lumière est une lettre ouverte. Elle me dit chaque fois le plus urgent: « Tiens, puisque tu me vois, puisque tu me prêtes attention et que tu m’aimes, c’est que tu es vivant. » Qu’est-ce que « voir »? Aujourd’hui, je dirais: c’est être cueilli; voilà, « cueilli »: quelque chose – un événement, une couleur, une force – vous fait venir à lui, comme les petits enfants prennent une marguerite par le cou, et tirent. La beauté nous décapite. Un oiseau non reconnu et un rideau sale m’emmènent au ciel.

 

Vous êtes derrière cette lettre que je vous écris. Vous êtes très difficile à atteindre. Il me semble que si je prends le plus banal, le secret que nous avons en commun d’avoir à mourir un jour, si j’empoigne un peu de lumière sale et que je la jette sur la page, vous serez là soudain, nous serons réunis par la même joie simple.

 

L’oiseau, c’était un geai, je crois. Quand je mets mes yeux dans les yeux des bêtes, tous les anges défilent devant moi. Plus tard, vers le milieu de l’après-midi, un silence s’est fait partout dans le pré. Plus d’oiseau, pas de vent, rien. Je pensais à cette lettre. Elle n’avançait pas. Le ciel soudain a pâli comme quelqu’un à qui on vient d’annoncer une mort. Les lumières ont tourné au gris, suffoquées. Il n’y avait plus rien. Des pensées, oui, mais des pensées sans force, aucune qui arrache le temps comme une vieille affiche pour découvrir la lumière éternelle par-dessous. Et puis le ciel s’est rallumé, tout a repris son cours.

 

C’est quelque chose qui arrive très souvent, vers le milieu de l’après-midi. On s’en aperçoit peu. Il faut être prisonnier ou malade, ou assis devant une table, en train d’écrire, pour s’en apercevoir: l’étoffe du jour est trouée. Par les trous, on voit le diable – ou, si vous préférez ce mot plus calme, le néant.

 

Il y a un instant où le monde est laissé seul. Abandonné. C’est comme si Dieu reprenait son souffle. Un intervalle de néant entre deux domaines de la lumière.

Oui, cette fois, j’en suis sûr, c’était un geai. Je reconnais ces oiseaux à leur lourdeur qui fait leur grâce. Quand ils déploient leurs ailes, on dirait un jeu de cartes en éventail avec que des as. J’ai entendu un paysan se plaindre d’eux, de leurs larcins. Les geais et les mendiants appartiennent à la même confrérie décriée.

 

L’oiseau avait traversé le néant, était ressorti de l’autre côté, faisant le lien entre deux domaines lumineux. Et comme le travail du geai ne suffisait pas et que la nature contrairement à Dieu ne nous abandonne jamais, la lumière est venue à la rescousse dans la cuisine, la lumière périssable a traversé le rideau sale de mon âme et m’a parlé de la lumière éternelle afin qu’à mon tour, je vous en parle, à vous.

 

Christian Bobin.

Voir les commentaires

Les contemplatives, «maîtresses de la vie cachée et heureuse»

24 Mars 2020, 15:28pm

Publié par Grégoire.

Les contemplatives, «maîtresses de la vie cachée et heureuse»

Dans une lettre adressée aux religieuses contemplatives italiennes, l'évêque d'Avellino rappelle leur rôle essentiel dans cette période difficile de confinement, même si elles vivent loin des regards.

 

 

Lettre écrite depuis le désert

 

«Nous nous tournons vers vous, sœurs « en clôture », pour demander votre prière, pour soutenir vos bras levés, comme ceux de Moïse sur la montagne, en ce temps particulièrement dangereux et pénible pour nos communautés éprouvées : notre résilience et la victoire future dépendent de votre résistance dans l’intercession.

 

Vous êtes les seules Italiennes à ne pas remuer un muscle facial devant la pluie de décrets et de dispositions restrictives qui nous tombent dessus en ces jours parce que ce qui nous est demandé pour quelque temps, vous le faites déjà depuis toujours et ce que nous subissons vous l’avez choisi.

 

Enseignez-nous l’art de vivre contentes de rien, dans un petit espace, sans sortir, et cependant engagées dans des voyages intérieurs qui n’ont pas besoin d’avions ni de trains.

« Donnez-nous de votre huile » pour comprendre que l’esprit ne peut pas être emprisonné, et que plus l’espace est étroit, plus large s’ouvre le ciel. Rassurez-nous : on peut vivre de peu et être dans la joie, rappelez-nous que la pauvreté est la condition inéluctable de chaque être parce que, comme disait Don Primo Mazzolari, « il suffit d’être homme pour être un pauvre homme ».

 

Redonnez-nous le goût des petites choses, vous qui souriez en voyant un lilas fleuri devant la fenêtre de votre cellule et saluez une hirondelle qui vient annoncer que le printemps est de retour, vous qui êtes émues face à une douleur et qui exultez encore devant le miracle d’un pain qui dore au four.

 

Dites-nous qu’il est possible d’être ensemble sans être amassés, de correspondre de loin, de s’embrasser sans se toucher, de s’effleurer par la caresse d’un regard ou d’un sourire, simplement… de se regarder.

 

Rappelez-nous que la parole est importante si elle est pensée, tournée et retournée dans le cœur, si elle a pris le temps de lever dans la huche à pain qu’est notre âme, si on l’a vue fleurir sur les lèvres d’un autre, dite à voix basse sans être criée et aiguisée pour blesser.

 

Mais, encore plus, enseignez-nous l’art du silence, de la lumière qui se pose sur le rebord de la fenêtre, du soleil qui se lève « comme un époux qui sort de la chambre nuptiale » ou qui se couche « en colorant le ciel de feu », l’art de la quiétude du soir, de la bougie allumée qui projette de l’ombre sur les murs du chœur.

 

Racontez-nous qu’il est possible d’attendre pour se serrer dans les bras même toute la vie car « il y a un temps pour s’embrasser et un temps pour s’abstenir » dit Qohélet.

 

Le Président Conte a dit qu’à la fin de ce temps de dangers et de restrictions, nous nous embrasserons encore dans un climat de fête… pour vous il y a encore peut-être vingt, trente, quarante ans à attendre !

 

Apprenez-nous à faire les choses lentement, avec solennité, sans courir, en faisant attention aux détails  car chaque jour est un miracle, chaque rencontre un don, chaque pas une avancée majestueuse vers la salle du trône, un mouvement de danse ou une symphonie.

 

Murmurez-nous qu’il est important d’attendre, de remettre à plus tard un baiser, un don, une caresse, une parole, parce que l’attente d’une fête en augmente la lumière et « le meilleur doit encore advenir ».

 

Aidez-nous à comprendre qu’un accident peut être une grâce et qu’une contrariété peut cacher un don, qu’un départ peut accroître l’affection et qu’un éloignement peut finalement préparer une rencontre.

 

A vous, maîtresses de la vie cachée et heureuse, nous confions notre embarras, nos peurs, nos remords, nos rendez-vous manqués avec Dieu qui nous attend toujours, vous prenez tout dans votre prière et nous le rendez en joie, en bouquets de fleurs et en jours de paix.

Amen »

 

Mgr Arturo Aiello

Voir les commentaires

La joie naît de la rencontre de notre néant avec la lumière qui nous en sauve ..

22 Mars 2020, 23:14pm

Publié par Grégoire.

La joie naît de la rencontre de notre néant avec la lumière qui nous en sauve ..

 

La joie que Jésus apporte n’est pas le fruit d’un comportement moral ou religieux, d’un suivi scrupuleux de la loi.. non ! Elle est actuellement donnée, elle nous attend, puisqu'elle est l’effet de sa parole, sa propriété.

Son amour pour moi, réclame en effet d'être dit, que j’entende dans le secret de mon coeur ce secret dont chacun peut dire en vérité qu'il n’est dit qu'a lui : « je t’aime parce que c’est toi !» L’évangile ne dit pas autre chose ! Et, lorsque cette lumière personnelle de Jésus s’empare de notre intelligence, nous sommes dans la joie !

 

Mais nous sommes aveugles ! Et c’est le grand reproche de Jésus : « C'est pour un discernement que je suis venu en ce monde, pour que ceux qui ne voient pas, voient, et que ceux qui croient voir deviennent aveugles (…) Vous dites: 'nous voyons' -nous savons, c'est pourquoi votre péché, votre tristesse, votre désespoir demeure ». Jn 9, 41.

 

Nous sommes tellement remplis de bruits, de jugements sur nous-même, de paroles vaines ou inutiles, d’opinions, de projets à notre taille ... que nous sommes incapables d’entendre Celui qui, maintenant, me parle, et qui, en se disant, se donne à moi !

 

Jamais Jésus n’a donné d’informations, de méthode à suivre ou un enseignement universel, général, abstrait. Sa parole est toujours personnelle, amicale, amoureuse. Elle est la première manière pour lui de se donner à nous et il est vulnérable à la manière dont on l’écoute. Est-ce que notre manière de l’écouter lui permet de se donner à nous jusqu’au bout ? C'est la question.

 

Il y a en chacun, cette pollution du monde, plus terrible que toutes pollutions, qui transpire spécialement dans les médias, cette nouvelle inquisition, qui déborde aujourd’hui un peu partout, celle de se comporter en pharisiens, de se croire capable de juger des choses ou des gens, de pouvoir mesurer sa vie, pleins de bon sentiments et satisfaits de nous-mêmes !

 

Cette méga-tentation ou l'homme se fait sa propre mesure, fait qu’on devient immédiatement juge et justicier des personnes ! C'est cela la faute la plus terrible; LA faute, c'est bien ce jugement ou l'on est sûr de soi-même ; cette arrogance de la bien-pensance qui se pose en mesure de ce que fait l'autre, et qui voudrait chercher par soi-même à séparer le bon grain de l'ivraie !

 

C'est le propre des bien pensants, de ceux qui se croient dans le camp du BIEN, tolérants,  'ouvert à l'autre' et à la différence... mais intolérants envers ceux qui ne pensent pas comme eux!

 

Or, la joie divine, celle qui ne passe pas, ne peut s’emparer de nous, que si l’on se reconnait pauvre, aveugle et mendiant. Ce qui, de fait, est l’état de la personne humaine face au réel comme le disaient les Grecs : « nous sommes dans le réel comme l’oiseau de nuit face à la lumière du jour.. ». Et cela c’était juste la sagesse naturelle des anciens !

 

Or le drame du monde contemporain est d'avoir réduit la connaissance à ce qu’on peut mesurer, calculer, comparer ! Comment voulez vous alors pouvoir vous réjouir d’une simple fleur ? d’un chant d’oiseau ? d'un ciel ombrageux ? Et alors, combien plus, si c’est une lumière qui vient d’au-delà de notre monde, et réclame donc un étonnement radical, celui de l’enfant qui vient de naitre : « si vous ne devenez pas comme des tout-petits, vous n’entrerez pas dans le royaume…! »

 

Ainsi, face aux luttes, aux lézardes, aux paresses que nous portons, ne pouvant en connaitre la signification, nous ne pouvons nous en remettre qu’à Dieu seul, en mendiant sa lumière !

C'est donc bien choisir la pauvreté spirituelle, celle qui fait qu'on suspend son jugement et qu'on demeure dans un état de manque, d'obscurité du coté de la connaissance qui nous permet de recevoir cette lumière.

 

C'est choisir de ne pas savoir pourquoi par nous-mêmes, et demeurer dans une obscurité certaine face à des états qui semblent parfois désespérés ou sans solution apparente...

 

Cela c'est s'en remettre à Celui qui, dans sa personne, est la lumière ! Et désirer qu'Il nous la donne ! Mais la lumière de Jésus est une vie : ce ne sont jamais des explications ou une méthode à appliquer ! Il est dans sa vie lumière du monde : cela réclame pour nous d'entrer dans cette vie, la vivre avec lui et croire qu'il nous fait être sa présence : « vous êtes la lumière du monde » 

 

Nous ne sommes pas lumière pour nous-même. Lui seul -et surtout à la croix curieusement- nous dit -en nous le faisant vivre, qui nous sommes pour lui et pourquoi nous vivons tel ou tel état; Là il est lumière pour nous, et alors nous touchons, dans la foi qui nous sommes : enfants bien-aimés du Père, appelé à le donner en faisant nôtre toutes les paroles de Jésus puisqu'elles nous sont adressées « la vie éternelle c'est de te connaitre, toi.. telle est le commandement que j'ai reçu de mon Père.. qui me voit voit le Père»

C’est en étant mendiant de sa lumière et de sa bonté substantielle, grâce précisément à nos failles qui appellent cet excès de lumière, d’amour, son don inconditionnel, que nous sommes alors fils dans Le Fils !

 

Grégoire.

Voir les commentaires

Pourquoi Joseph, cet homme dont on ne sait rien ?

19 Mars 2020, 12:33pm

Publié par Grégoire.

Pourquoi Joseph, cet homme dont on ne sait rien ?

Voir les commentaires

Mon Dieu, je ne crois pas en toi, je voudrais te parler tout de même...

19 Mars 2020, 02:39am

Publié par Grégoire.

Mon Dieu, je ne crois pas en toi, je voudrais te parler tout de même...
Voilà que je me surprends à t’adresser la parole,
Mon Dieu, moi qui ne sais encore si tu existes
Et ne comprends pas la langue de tes églises chuchotantes.
Je regarde les autels, la voûte de ta maison,
Comme qui dit simplement:
Voilà du bois, de la pierre,
Voilà des colonnes romanes.
Il manque le nez à ce saint.
 
Et au-dedans comme au-dehors, il y a la détresse humaine.
Je baisse les yeux sans pouvoir m’agenouiller pendant la messe,
Comme si je laissais passer l’orage au-dessus de ma tête.
Et je ne puis m’empêcher de penser à autre chose.
Hélas! j’aurai passé ma vie à penser à autre chose.
Cette autre chose, c’est encore moi.
C’est peut-être mon vrai moi-même.
C’est là que je me réfugie.
C’est peut-être là que tu es.
 
Je n’aurai jamais vécu que dans ces lointains attirants.
Le moment présent est un cadeau dont je n’ai pas su profiter.
Je n’en connais pas bien l’usage.
Je le tourne dans tous les sens,
Sans savoir faire marcher sa mécanique difficile.
 
Mon Dieu, je ne crois pas en toi, je voudrais te parler tout de même.
J’ai bien parlé aux étoiles, bien que je les sache sans vie,
Aux plus humbles des animaux, quand je les savais sans réponse,
Aux arbres qui, sans le vent, seraient muets comme la tombe.
Je me suis parlé à moi-même, quand je ne sais pas bien si j’existe.
Je ne sais si tu entends nos prières, à nous les hommes,
Je ne sais si tu as envie de les écouter.
Si tu as, comme nous, un coeur qui est toujours sur le qui-vive
Et des oreilles ouvertes aux nouvelles les plus différentes.
Je ne sais pas si tu aimes à regarder par ici.
Pourtant je voudrais te remettre en mémoire la planète terre
Avec ses fleurs, ses cailloux, ses jardins et ses maisons,
Avec tous les autres et nous qui savons bien que nous souffrons.
Je veux t’adresser sans tarder ces humbles paroles humaines
Parce qu’il faut que chacun tente à présent tout l’impossible.
Même si tu n’es qu’un souffle d’il y a des milliers d’années,
Une grande vitesse acquise,
Une durable mélancolie
Qui ferait tourner encore les sphères dans leur mélodie.
Je voudrais, mon Dieu sans visage et peut-être sans espérance
Attirer ton attention parmi tant de ciels vagabonde
Sur les hommes qui n’ont pas de repos sur la planète.
Ecoute-moi! Cela presse.
Ils vont tous se décourager
Et l’on ne va plus reconnaître les jeunes parmi les âgés.
Chaque matin, ils se demandent si la tuerie va commencer.
De tous côtés,
L’on prépare de bizarres distributeurs de sang, de plaintes et de larmes,
L’on se demande si les blés ne cachent pas déjà des fusils.
Le temps serait-il passé où tu t’occupais des hommes?
T’appelle-t-on dans d’autres mondes, médecin en consultation,
Ne sachant où donner de la tête
Laissant mourir sa clientèle?
 
Ecoute-moi! Je ne suis qu’un homme parmi tant d’autres.
L’âme se plait dans notre corps,
Ne demande pas à s’enfuir dans un éclatement de bombe.
Elle est pour nous une caresse, une secrète flatterie.
Laisse-nous respirer encore sans songer aux nouveaux poisons,
Laisse-nous regarder nos enfants sans penser tout le temps à la mort.
Nous n’avons pas du tout le coeur aux batailles, aux généraux.
Laisse-nous notre va-et-vient, comme un troupeau dans ses sonnailles,
Une odeur de lait frais se mêlant à l’odeur de l’herbe grasse.
 
Ah! si tu existes, mon Dieu, regarde de notre côté.
Viens te délasser parmi nous.
La terre est belle, avec ses arbres, ses fleuves et ses étangs,
Si belle, que l’on dirait que tu la regrettes un peu.
Mon Dieu, ne va pas faire la sourde oreille
Et ne va pas m’en vouloir si nous sommes à tu et à toi,
Si je te parle avec tant d’abrupte simplicité.
Je croirais moins qu’en tout autre en un Dieu qui terrorise.
Plus que par la foudre, tu sais t’exprimer par les brins d’herbe
Et par les jeux des enfants et par les yeux des ruisseaux.
Ce qui n’empêche pas les mers et les chaînes de montagnes.
Tu ne peux pas m’en vouloir de dire ce que je pense,
De réfléchir comme je peux sur l’homme et sur son existence
Avec la franchise de la terre et des diverses saisons,
Et peut-être de toi-même dont j’ignorerais les leçons
Je ne suis pas sans excuses.
Veuille accepter mes pauvres ruses.
Tant de choses se préparent sournoisement contre nous.
Quoi que nous fassions, nous craignons d’être pris au dépourvu
Et d’être comme le taureau
Qui ne comprend pas ce qui se passe.
Le mène-t-on à l’abattoir,
Il ne sait où il va comme ça
Et juste avant de recevoir le coup de mort sur le front
Il se répète qu’il a faim et brouterait résolument,
Mais qu’est-ce qu’ils ont ce matin avec leurs tabliers pleins de sang
A vouloir tous s’occuper de lui?
 

Jules Supervielle, La fable du monde 

Voir les commentaires

Transformer chaque minute en un siècle

17 Mars 2020, 01:22am

Publié par Grégoire.

Transformer chaque minute en un siècle

 

« … Mais il vaut mieux que je vous raconte ce que m’a dit un autre homme que j’ai rencontré l’année dernière. Il y avait là une circonstance très étrange, étrange en ce que, finalement, ce genre de cas est rarissime.

 

Cet homme avait déjà été traîné, avec d’autres, sur l’échafaud, et on lui avait lu sa sentence de mort : fusillé, pour crime politique. Une vingtaine de minutes plus tard, on lui a lu sa grâce, sa peine de mort venait d’être commuée ; et néanmoins, tout l’intervalle entre ces deux verdicts, ces vingt minutes, disons, à tout le moins, ce quart d’heure, il l’a vécu avec la conviction inébranlable que, d’ici quelques minutes, il allait brusquement mourir.

 

J’avais une envie terrible d’écouter quand il se ressouvenait, parfois, de ces impressions de ce moment-là, et, plusieurs fois, j’ai recommencé à lui poser des questions. Il se souvenait de tout avec une clarté extraordinaire et il disait qu’il n’oublierait jamais rien de ces minutes. […]

 

Il s’avérait donc qu’il ne lui restait à vivre qu’à peu près cinq minutes, pas plus. Il disait que ces cinq minutes lui paraissaient un délai infini, une richesse incroyable ; il lui semblait que, pendant toutes ces cinq minutes, il pourrait vivre tant de vies qu’il n’y avait encore aucune raison de penser à son dernier instant, au point qu’il a pris différentes dispositions : il a calculé le temps qu’il lui faudrait pour faire ses adieux à ses camarades, il s’est donné pour cela quelque chose comme deux minutes, ensuite il s’est donné deux autres minutes pour réfléchir une dernière fois sur lui-même, et puis pour regarder autour de lui. Il se souvenait très bien d’avoir pris ces trois dispositions précises, et d’avoir bien calculé ainsi.

 

Il mourait à vingt-sept ans, en pleine santé, en pleine force ; en faisant ses adieux à ses camarades, il se souvenait qu’à l’un d’entre eux il a posé une question même assez indifférente, et qu’il s’est beaucoup intéressé à la réponse. Après, quand il a eu fini de faire ses adieux à ses camarades, ont commencé les deux minutes qu’il s’était calculées pour penser à soi-même ; il savait d’avance à quoi il allait réfléchir : il cherchait tout le temps à s’imaginer, le plus vite et le plus clairement possible, cela – comment cela se faisait-il donc : là, en ce moment, il existe et il vit, et, d’ici trois minutes, déjà, il sera autre chose, quelqu’un, ou quelque chose – mais qui donc ? où donc ? Tout cela, il pensait le résoudre pendant ces deux minutes !

 

Non loin de là, il y avait une église, et le sommet de la coupole, avec son dôme doré, luisait sous un soleil brillant. Il se souvenait que c’était avec une terrible obstination qu’il regardait cette coupole et ces rayons : il lui semblait que ces rayons étaient sa nouvelle nature, que, d’ici trois minutes, d’une façon ou d’une autre, il se fondrait en eux…

 

L’incertitude et la répulsion qu’il éprouvait à ce nouveau qui allait être et qui surviendrait là, maintenant, étaient terribles ; mais il disait que rien ne lui était plus dur à cet instant que cette pensée continuelle : « Et s’il ne fallait pas mourir ? Et si l’on ramenait la vie – quel infini ! et tout cela serait à moi ! Alors, je transformerais chaque minute en un siècle, je ne perdrais plus rien, je garderais le compte de chaque minute, cette fois, je ne gaspillerais plus rien ! » Il disait que cette pensée avait fini par se transformer en une vraie rage, et qu’il voulait déjà qu’on le fusille, et le plus vite possible. »

 

F. Dostoievski, L'Idiot

Voir les commentaires

Chers cousins français,

15 Mars 2020, 02:06am

Publié par Grégoire.

Chers cousins français,

Chers cousins français,

 

Si on arrive à survivre, le problème, en Italie, sera de comprendre si les couples, avec ou sans enfants, les femmes et les hommes seuls, résisteront à l’enfermement dans leur maison, s’ils réussiront à rester ensemble, à jouir encore de la compagnie réciproque ou de la solitude choisie, après une convivance forcée et ininterrompue d’un mois entier. Le décret du gouvernement dit que nous pouvons sortir pour faire une promenade, mais seulement avec ceux qui vivent déjà avec nous, pas d’amis ou d’amies, pas même de visites à des parents qui vivent dans d’autres maisons. Seule la famille proche, ou personne si nous sommes seuls. Pas de cinémas, pas de théâtres, pas de concerts, musées, restaurants, bureaux, écoles, universités. Seul un membre de la famille peut aller faire les courses. Devant les supermarchés, il y a des queues silencieuses de gens portant le masque, chaque personne doit être à 1 mètre de distance d’une autre, qui attend la sortie de quelqu’un pour pouvoir entrer à son tour. Même chose devant les pharmacies. Dans la rue, on fait un écart quand on croise un autre passant.

 

Beaucoup d’entre nous ont pensé au Décaméron de Boccace. Vers l’an 1350, fuyant la peste, un groupe de jeunes, sept femmes et trois hommes, se réfugient hors les murs de Florence, et, pour passer le temps, se racontent des nouvelles, substituent un monde imaginé au monde réel, en train de s’écrouler. D’autres relisent la Peste d’Albert Camus ou les pages des Fiancés d’Alessandro Manzoni qui décrivent une autre épidémie de peste, celle de 1630, au cours de laquelle tous les nobles qui pouvaient le faire fuyaient Milan, comme cela s’est passé ces jours-ci, dès que la ville a été classée «zone rouge». Comme si on pouvait fuir sans apporter les dégâts dans les lieux où l’on se réfugie, ou en considérant que le sort des autres nous est indifférent.

 

Les journalistes écrivent qu’il ne faut pas nous plaindre et nous rappellent ce qu’ont subi nos parents durant la guerre. D’autres accusent les jeunes de ne pas respecter les règles parce qu’ils sortent le samedi soir, n’ont pas peur, sont jeunes et pensent que les vieux sont les seuls qui tomberont malades. Un acteur italien d’un certain âge leur a demandé s’il était juste de faire mourir tous les grands-pères en même temps. On voudrait qu’un poète vînt à la maison pour nous raconter des histoires, et amuser nos enfants. Jamais Internet n’a été aussi important. Les tchats en ligne entre amies, sœurs, membres de la famille, sont très fréquentés. Dans les jours qui ont précédé la fermeture de tout, on s’échangeait des milliers de gifs et d’images amusantes sur le virus, des vidéos désopilantes tirées de vieux films. A présent l’atmosphère est plus lourde, nous restons dans le silence – avec l’ordre intimé par le gouvernement : ne bougez pas ! Ça a l’air facile. Dans l’un des posts drôles qui circulent, on lit : «Ça n’arrive pas tous les jours de sauver l’Italie en restant en pyjama.» On rit – mais jaune.

 

Est arrivé le moment de la vérité, pour les couples qui ne se supportent pas, pour ceux qui disent s’aimer, ceux qui vivent ensemble depuis une vie entière, ceux qui s’aiment depuis peu de temps, ceux qui ont choisi de vivre seuls par goût de la liberté ou parce qu’ils n’avaient pas d’autre choix, pour les enfants qui n’ont plus école, pour les jeunes qui se désirent mais ne peuvent pas se rencontrer… Nous sommes tous appelés à nous inventer une nouvelle vie, à nous sentir proches même si nous sommes éloignés, à régler nos comptes avec un sentiment que nous évitons à tout prix : l’ennui. Et la lenteur aussi, le silence, les heures vides – ou pleines des cris des enfants enfermés à la maison. Nous avons en face de nous la vie que nous nous sommes choisie, ou que le sort nous a donnée, notre «foyer» – non celui de la maladie mais celui que nous avons construit au cours des années. Je nommerais cela une épreuve de vérité. Ces jours-ci, ce qui gagne, c’est aussi la vie virtuelle, étant donné que nous ne pouvons pas nous toucher. Les films à la télé, les séries, Netflix, Amazon, Google… Nous passons encore plus d’heures devant nos ordinateurs, ou la tête penchée sur nos portables.

 

Mais de temps en temps, on sature, on n’en peut plus de ça, on lève la tête et on découvre plein de choses. Le fils qu’on pensait être encore un enfant est devenu un jeune homme, et on ne s’en était pas aperçu ; il nous dit, en souriant : «Maintenant, t’es bien obligée de rester avec nous, hein ?» On fait frénétiquement le ménage dans les maisons, on nettoie le frigo, on met en ordre les livres – puis on fait une pause, et on remarque que dans la cour le cerisier est en fleurs, on reste une demi-heure à le regarder et on a l’impression qu’on ne l’avait jamais vu. On envoie de façon compulsive des messages pour ne pas se sentir seul, et un coup de fil peut durer une demi-heure, comme lorsqu’on était jeunes et que les temps n’étaient pas ceux d’aujourd’hui, qu’on faisait l’amour au téléphone. Il arrive aussi qu’une amie te dise : «Peut-être demain on peut faire une promenade ensemble, en se tenant à distance, qu’est-ce que tu en penses ?» Et l’idée te fait venir un frisson de plaisir interdit. Nous sommes en train de vivre de façon différente des moments de notre vie de toujours, et elle nous paraît nouvelle parce qu’elle est la même mais renversée : les objets, les personnes sont devenus visibles, et l’habitude s’est dissipée, l’«habitude abêtissante, comme l’appelle Proust, qui cache à peu près tout l’univers» (1).

 

Chers cousins, je souhaite de tout cœur que tout ça ne vous arrive pas, ou, si ça devait arriver, que ce soit une expérience à ne pas oublier. Demain, lorsque la porte de la maison se rouvrira, que nous courrons à la rencontre du temps rapide, des fragments de choses et de personnes seulement effleurées, et que les rêves, l’art, seront la seule et unique partie renversée de notre vie, souvenons-nous qu’une autre couche peut recouvrir les jours et les révéler dans le bien comme dans le mal – une fois surmontés le vide, l’ennui et la peur.

 

(1) En français dans le texte.

Le nouveau roman de Cristina Comencini, Quatre amours, traduit par Dominique Vittoz, paraît mercredi aux éditions Stock.

Traduit de l’italien par Robert Maggiori.

 

Cristina Comencini

 

https://next.liberation.fr/livres/2020/03/12/coronavirus-chers-cousins-francais-par-cristina-comencini_1781454

 

Voir les commentaires

Comment ne pas entendre cet homme dont l’honneur est de ne jamais chercher son intérêt ?

5 Mars 2020, 05:52am

Publié par Grégoire.

Comment ne pas entendre cet homme dont l’honneur est de ne jamais chercher son intérêt ?

 

La parole du pape François va plus vite que la balle qui le menace. C’est assez facile somme toute de dire ce que cet homme a d’extraordinaire. Ce n’est pas son royaume d’opérette. On dirait un éclat du rocher de Monaco en plein milieu de Rome, une miette tombée de la tartine d’un ange – de la confiture de marbre. Ce ne sont pas non plus ses ancêtres, les précédents chefs de bureau. Leur lignée, dit-on, remonte à saint Pierre. L’éternité est une gamine qui joue aux osselets avec les reliques des saints. Ce n’est pas plus ses costumes époustouflants de blancheur, ni ceux crème de framboise des cardinaux qui parfois l’encerclent, rêvant de l’étouffer.

Écartons tout pour bien voir la magie de cet homme, sa manière incroyable de mordre le réel, de nous mordre le cœur pour qu’il se remette à battre. L’Église catholique est une rentière avec à son cou plissé de jaune (trop de bons repas, trop de cholestérol) le collier des notes de Jean-Sébastien Bach, et à ses doigts les bagues de Rembrandt : ambre et mystère. Siestes théologiques, double anniversaire à Pâques et à Noël, la vieille dame est gâtée, gâteuse. Pour voir ce que l’héritier, le plus que jeune François, a de sublime, enlevons toutes ces images, faisons un feu de jardin avec toutes ces richesses. Voilà : ce qu’il reste c’est la parole de cet homme. Ce qu’elle a d’unique c’est qu’elle est humaine dans un monde qui ne sait plus ce qu’est l’humain. Le prodige est aujourd’hui d’être doué de bon sens, et d’un cœur rayonnant.

 

Au premier soir de son élection il souhaite une bonne soirée aux milliards d’incrédules qui le regardent sur leur écran. La plupart n’ont pas eu droit à une bienveillance aussi vraie (la vérité s’attrape à l’oreille) depuis leurs premiers jours sur terre. Il fait aussi cette chose héroïque : il demande qu’on prie pour lui puis se tait une minute, imposant au monde assourdissant une minute de suspension de souffle, de silence angélique. Tels furent ses débuts : un peu de calme aux enfers. Une toute petite fleur blanche sur la place Saint-Pierre. Depuis il n’arrête pas d’être ordinaire et profond – un homme très simplement, à lui seul une espèce en voie de disparition. Voyez les visages des politiques : ils fuient comme de l’eau et du mensonge. Voyez son visage à lui : un sourire un brin voyou, le treizième apôtre qui traverse un champ de blé à la suite de son maître insensé. Il a dans les yeux une joie soucieuse. Il sait que, pour obéir à l’essentiel, il faut rompre avec les lois. Une des lois puissantes de notre monde c’est la révérence envers le nombre et l’argent. La mafia italienne (et pas seulement elle : toutes les mafias de l’économie) ne veut pas seulement régner, elle veut qu’on la bénisse. Les tueurs vont à la messe cachés parmi les pauvres. Les tueurs veulent un nimbe d’or, une approbation du Dieu qu’ils imaginent tout-puissant et un peu gras – leur modèle en somme, l’architecte milliardaire du paradis. Et de passage dans une ville tuméfiée par la mafia, ce pape dit très crûment, très clairement : la mafia pue. Il n’accorde pas de bénédiction à ceux qui font rentrer la drogue dans les veines, et la peur dans les âmes. Hoquets de scandale, étouffement des mafieux. Personne ne se scandalise mieux qu’un bourgeois.

 

Un « réseau » couvre le monde. Une « toile ». Nous devrions faire plus attention aux mots. Cette « toile », est-ce celle de l’araignée ou est-ce celle de l’oiseleur qui attrape les migrateurs, les âmes de passage ? Tout parle à personne, jour et nuit. Les réseaux sont plus enflammés que des reins malades. La toile a des mailles de plus en plus serrées. La lumière passe de moins en moins. Quelqu’un qui nous parle, c’est très rare. Quelqu’un qui nous parle c’est quelqu’un qui nous arrête et soudain change notre vie. Cet homme sur son balcon, ce tout-blanc, par sa parole il déchire les écrans, les voiles. La toile. C’est inoubliable, une vraie parole. Elle seule peut changer le monde. L’Église, cette vieille dame sur sa fin, riche et puante de morale – voilà que par la gaieté de ce pape elle récupère une jeunesse, ressemble de plus en plus à une gitane deux fois millénaire, prête à danser. Des cardinaux méchants, véreux, assoupis, ont élu à leur tête un poète – car c’est être poète que toucher les cœurs par quelques mots lancés comme du pain aux moineaux. Cet homme est un poète. Ce poète est un penseur. Il parle aux enfants et aux génies. Il est de la même race dure.

Il n’y a que le pape pour être pape. Le lieu, la fonction et le nom qu’il habite sont les plus conventionnels du monde. Chaque fois qu’il parle ou même qu’il sourit, il pulvérise cette convention mortifère. Aux cardinaux congestionnés, rouges verrues sur le visage du Christ, il reproche leur « Alzheimer spirituel », la maladie de leurs « mornes visages », la lèpre de leur science inutile. Comment ne pas croire celui qui, à chaque mot qu’il prononce, fait trembler son propre pouvoir ? Comment ne pas entendre cet homme dont l’honneur est de ne jamais chercher son intérêt, sa parole qui, sur notre mort mondialisée, fait passer le souffle purifiant de Palestine, le vent léger et bleu du lac de Tibériade ? 

 

Christian Bobin

 

Voir les commentaires

1 2 > >>