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Le désenchantement, ce rétrécissement de l'esprit, cette maladie des artères de l'intelligence qui peu à peu s'obstruent et ne laissent plus passer la lumière...

29 Novembre 2018, 05:15am

Publié par Grégoire.

Le désenchantement, ce rétrécissement de l'esprit, cette maladie des artères de l'intelligence qui peu à peu s'obstruent et ne laissent plus passer la lumière...

"Lorsque j'arrive dans un endroit nouveau, c'est en bélier que j'y pénètre. Ma tête un peu courbée, mes deux cornes en avant je cherche, plus vite qu'avec mes yeux, ce que ce lieu a de sensible ou d'infernal. Je vois avec mon crâne. Je ne regarde pas les gens à la figure, je les croque. Je sais, à la première jetée des yeux, qui peut me tuer et qui me ravir, qui est mortellement infesté de lui-même et qui angéliquement s'ignore comme le coucou dans son appel. Quant aux nuages, aux fleurs, aux prés, je ne vois pas les paysages, ce sont les paysages qui s'effondrent sur moi.

 Ce qu'un acteur ressent lorsqu'il passe la ligne entre l'ombre maternante  des coulisses et la scène trempée de lumière, cette brutalité d'adaptation, de réglage millimétré entre la solitude dormante et le surpeuplement fébrile du monde, je l'éprouve à chaque seconde." 

"Les troubadours étaient ces guerriers qui avaient pour armure un poème. J'ai pris leur armure, j'ai adopté leur chant. C'est très simple, la morale des troubadours. Il s'agit d'aimer et de mourir dans son amour inaccessible."
 
Christian Bobin, la nuit du coeur.

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Il a toujours aux lèvres une espèce de sourire, pas vraiment, mais plutôt comme une trace du sourire qui était passé par là il y a très longtemps et en a laissé un peu pour toujours.

27 Novembre 2018, 02:44am

Publié par Grégoire.

Il a toujours aux lèvres une espèce de sourire, pas vraiment, mais plutôt comme une trace du sourire qui était passé par là il y a très longtemps et en a laissé un peu pour toujours.

Moi, quand je suis en présence d’un con, d’un vrai, c’est l’émotion et le respect parce qu’enfin on tient une explication et on sait pourquoi. Chuck dit que si je suis tellement ému devant la Connerie, c’est parce que je suis saisi par le sentiment révérenciel de sacré et d’infini. Il dit que je suis étreint par le sentiment d’éternité et il m’a même cité un vers de Victor Hugo, oui, je viens dans ce temple adorer l’Eternel. Chuck dit qu’il n’y a pas une seule thèse sur la Connerie à la Sorbonne et que cela explique le déclin de la pensée en Occident.

(...)

Ils me font rigoler. Si vous prenez le petit Robert, vous voyez qu’il y a à peine deux mille pages là-dedans et ça leur a suffi depuis le début des temps historiques et pour toute la vie et même après. Chuck dit que je suis le douanier Rousseau du vocabulaire, et c’est vrai que je fouille les mots comme un douanier pour voir s’ils n’ont pas quelque chose de caché.
– Vous avez un dictionnaire, mademoiselle Cora ?
– J’ai le petit Larousse. Tu veux le voir ?
– Non, c’est pour savoir avec quoi vous vivez.
Je pensais : bon, enfin, il y en a même qui réussissent à vivre avec le smic.

(...)

Je dormais chez Aline presque tous les soirs. Elle avait des cheveux qui devenaient un peu plus longs à ma demande. On se parlait peu, on n’avait pas à se rassurer. J’étais avec elle tout le temps même quand je la quittais. Je me demandais comment j’avais pu vivre avant si longtemps sans la connaître, vivre dans l’ignorance. Dès que je la quittais elle grandissait à vue d’œil. Je marchais dans la rue et je souriais à tout le monde, tellement je la voyais partout. Je sais bien que tout le monde crève d’amour car c’est ce qui manque le plus, mais moi j’avais fini de crever et je commençais à vivre.

(...)

Et quand tu es heureux, mais alors ce qu’on appelle heureux, tu as encore plus peur parce que tu n’as pas l’habitude. Moi je pense qu’un mec malin il devrait s’arranger pour être malheureux comme des pierres toute sa vie, comme ça il n’aurait pas peur de mourir. Je n’arrive même pas à dormir. C’est le trac. Bon, on est heureux, c’est quand même pas une raison pour se quitter ?
– Tu veux un tranquillisant ?
– Je ne vais pas prendre un tranquillisant parce que je suis heureux, merde. Viens ici.
– La vie ne va pas te punir parce que tu es heureux.
– Je ne sais pas. Elle a l’oeil, tu sais. Un mec heureux, ça se remarque.

(...)

J’attendais. J’avais le pressentiment. Je savais qu’avec monsieur Tapu on ne pouvait pas toucher le fond, c’est sans limites.
– Les affaires avant tout, vous comprenez. Tous les Juifs investissent en ce moment dans les timbres d’Israël. Ils se disent que lorsque les Arabes auront supprimé Israël à coups de bombes nucléaires, il ne restera plus que les timbres-poste ! Et alors… Vous pensez !
Il leva un doigt.
– Quand l’Etat juif aura disparu, ces timbres-poste auront une valeur énorme ! Alors, ils investissent !
On était en plein mois d’août mais j’en avais la chair de poule, tellement c’était profond. Chuck dit que c’est ainsi que le monde a été créé, que la Connerie soit et le monde fut, mais ce sont là des vues de l’esprit et moi je pense qu’il y a eu plutôt quelqu’un qui s’amusait sans penser à mal et c’est sorti comme ça, un gag qui a pris corps. (…) J’ai ôté ma casquette qui s’était dressée sur ma tête sous l’effet des cheveux et j’ai dit :
– Excusez-moi, majesté, il faut que je vous quitte… Je vous dis majesté parce que c’est l’étiquette et que les rois des cons, il n’y a pas plus vieux comme monarchie !

Romain Gary, L’angoisse du roi Salomon.

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Deux choses nous éclairent, qui sont toutes les deux imprévisibles : un amour et une mort. C'est par ces événements seuls qu'on peut devenir intelligents, parce qu'ils nous rendent ignorants. Ces moments, où il n'y a plus de social, plus de vie ordinaire, sont peut-être les seuls où on apprend vraiment, parce qu'ils amènent une question qui excède toutes les réponses.

25 Novembre 2018, 01:55am

Publié par Grégoire.

Deux choses nous éclairent, qui sont toutes les deux imprévisibles : un amour et une mort. C'est par ces événements seuls qu'on peut devenir intelligents, parce qu'ils nous rendent ignorants. Ces moments, où il n'y a plus de social, plus de vie ordinaire, sont peut-être les seuls où on apprend vraiment, parce qu'ils amènent une question qui excède toutes les réponses.

Un mort, c'est quelqu'un qui se lève de sa chaise et gagne la chambre du fond en disant: "je vais réfléchir". Ses yeux se ferment. Le mal du monde ne l'atteint plus. Une poignée de myosotis dans un verre d'eau, ça oui, il continue, paupières closes, à le voir.

 C  Bobin, La nuit du coeur.

 

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Le Grand bain : un petit bijou percutant !

23 Novembre 2018, 01:57am

Publié par Grégoire.

Le Grand bain : un petit bijou percutant !

Des gars en maillots apprennent avec la natation synchronisée à noyer leur mal de vivre : Le Grand Bain est la comédie trempée qui fait du bien. Un joyeux bras d'honneur adresse a l'esprit compétitif de l'époque. Tendre, désabusé, et d'une appréciable vulnérabilité mais surtout extrèmement drôle et pas vulgaire, "Le Grand bain" est une chronique minutieuse et inspirée, forte d’un casting en or massif d’où émerge l’incroyable Philippe Katerine.

 

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L'irrépressible besoin d'être sauvé

21 Novembre 2018, 01:38am

Publié par Grégoire.

L'irrépressible besoin d'être sauvé

"L'irrépressible besoin d'être sauvé " : cette phrase m'est venue au réveil, elle m'a tiré par la manche toute la journée. Elle n'était pas gaie, elle n'était pas triste. Lentement, toute la journée elle a traversé mon coeur. Quand un avion dans le ciel de nuit clignote, on le voit, puis on ne le voit plus, puis il revient. 
Quelque chose passe, avec une phrase à bord - "l'irrépressible besoin d'être sauvé ". Il faisait beau puisque j'étais en vie. J'ai mis du temps à entamer la conversation avec cette phrase. D'abord ,sauvé de quoi? lui ai-je demandé. Je trichais, je connaissais la réponse : sauvé de tout - de la grâce et de la laideur, de l'amour et du manque d'amour. Partout que des abîmes. Il y a un amour plus haut que l'amour. C'est vers lui que s'élevait timidement cette phrase, ce besoin irrépressible d'être sauvé.

C Bobin, La nuit du coeur.

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Anouar Brahem.

19 Novembre 2018, 05:22am

Publié par Grégoire.

Anouar Brahem.
Authentique "maître enchanteur" de l'oud, ce luth traditionnel oriental millénaire qui trimballe dans sa calebasse tout l'héritage musical du monde arabe et islamique, Anouar Brahem est un phénomène, un véritable concentré de paradoxes féconds : un classique suprêmement subversif ; un solitaire résolument ouvert sur le monde ; un "passeur de cultures" d'autant plus enclin à s'aventurer aux limites les plus extrêmes de lui-même, qu'il entend bien ne jamais céder d'un pouce sur des exigences esthétiques forgées au fil du temps sur un profond respect de la tradition.
Et c'est sans doute parce qu'il a su reconnaître d'emblée cette complexité qui le fonde comme une force, parce qu'il a toujours cherché à faire de ce fourmillement d'influences et de passions disparates la matière même de son travail et de sa création, qu'Anouar Brahem, depuis près de quarante ans maintenant, invente une musique à son image, libre de toute "assignation à résidence". 
Qu'il fasse ainsi résonner la poésie envoûtante de son oud dans les contextes les plus variés, du jazz dans tous ses états (des musiciens aussi prestigieux que John Surman, Dave Holland, Jan Garbarek ou encore Jack DeJohnette ont succombé aux charmes de ses mélopées), aux différentes traditions musicales orientales et méditerranéennes (de sa Tunisie natale aux horizons lointains de l'Inde ou de l'Iran), sa musique tendre et rigoureuse ne cesse de redéfinir un univers poétique et culturel savamment composite, oscillant sans cesse entre pudeur et sensualité, nostalgie et recueillement.

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Sceller l’instant.

17 Novembre 2018, 02:56am

Publié par Grégoire.

Sceller l’instant.

Ils avaient couru dans la fournaise de ce tunnel. Au départ éclairés par les phares de la motrice. Puis juste avant d’entrer dans le noir absolu, il avait trouvé la main de sa sœur. Le wagon entier courait follement sur le ballast. Dans la tête de chacun une seule certitude : « Ils vont tirer ». Le train avait été arrêté par un faux barrage. Contrôlés, interrogés, puis sommés de descendre et de s’engager dans le tunnel, les passagers s’étaient mis à courir, attendant le coup de grâce. Entendre le claquement des armes automatiques semblait inéluctable, dans sa tête de petit garçon, comme dans celle de tous. La même peur, comme une balle à blanc, les avait déjà traversés. Ils s’étaient donc mis à courir comme se lance un train ; poussivement d’abord, paralysés dans la fonte immobile du cauchemar puis lentement avec hésitation sur leurs jambes de coton ; enfin dans un emballement que rien ne semblait pouvoir arrêter. Enfin, au bout du noir, du silence et d’une course folle, surgit la clarté du jour puis le battement sourd du cœur dans les tympans et ce brasier crépitant des poumons, naissance inattendue après une mort attendue. Il lui avait fallu 25 ans et l’enterrement d’un proche, présent ce jour de fournaise et de terreur, pour oser parler de cet épisode de la décennie noire algérienne. Un long tunnel d’un quart de siècle de silence succédant à celui de la voie ferrée dans lequel sa gorge s’était altérée de peur et de soif. Dans toutes les situations où l’on risque de perdre la vie, un détail est là pour ne pas risquer de perdre la mémoire de cette situation. Il avait réussit à aligner cinq mots, jetés dans un souffle à sa sœur. Cinq mots qu’aucune autre circonstance ne pouvait justifier et qu’il ne pouvait toujours pas expliquer, après toutes ces années. « Crache-moi dans la bouche ». Ce qu’elle fit, avec toutes les difficultés du monde pour réunir elle même un peu de salive. Il est des circonstances où la vie, ou le sentiment d’être en vie, doit sans doute être craché. Un crachat, réhabilité… Pour sceller la véracité d’une promesse d’enfant ou comme une réanimation, pour rappeler à la vie… la vie.

Jean-François Debargue

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La quête égocentrique de développement personnel serait-elle le leitmotiv de l’époque ?

15 Novembre 2018, 01:15am

Publié par Grégoire.

La quête égocentrique de développement personnel serait-elle le leitmotiv de l’époque ?

 

En amour, en famille, et même au travail : nous nous devons de réussir et d’être heureux. La marchandisation des émotions est en plein essor et nous ne comptons plus les ouvrages qui nous enseignent toutes sortes de méthodes pour atteindre le graal. Se lever à quatre heures du matin, se lancer dans une litanie de mantras et de phrases d’auto-louanges : « Je suis un chef-d’œuvre, j’incarne le succès… ».Faire de la visualisation positive en restant profondément ancré dans le présent (sic), enlacer les arbres. Après tout, pourquoi pas ? Chacun peut y trouver son compte, quitte à souvent devoir sortir son portefeuille. Le prêt-à-réussir n’a pas de prix.

En toile de fond, une injonction sournoise nous est lancée. Et les insatisfaits encourent le risque d’apparaître comme incapables de tirer le meilleur parti d’eux-mêmes. Quant au manque de nuance de l’époque, il a tendance à mettre au pilori ceux qui échouent ou s’égarent.

La marchandisation du bonheur et de son corolaire, la réussite, tendent à apparaître comme les symptômes de la difficulté à s’épanouir dans un monde en pleine mutation où, à tout moment, nous devons être capables de mettre en place un plan B et de se découvrir résilient.

Au cœur de cette époque incertaine, les maîtres de la félicité et autre éminences grises de la psychologie positive, sont là pour nous guider et faire figure d’autorité. Célébrés par beaucoup de médias, ils possèderaient « le secret » pour être heureux et réussir dans la vie !

La plupart d’entre eux ont traversé dépression, chômage, et autres drames personnels  avant de trouver le « sens » de leur existence  qui les conduira directement en tête de gondole, après une épiphanique « transformation intérieure.»

La rédemption par le pire en somme.

Une forme de néo-christianisme moderne (où le rapport à l’autre est souvent nié) et dont le bénéfice est de susciter chez les consommateurs, par le biais de l’identification et de la catharsis, le désir de « réussite à la carte ». Du pain béni.

Le culte de la toute-puissance de la performance

Et ce n’est pas Mo Gawdat, l’ancien numéro 2 de X, la branche très « confidentielle » du géant californien Google qui me contredira.

En février dernier, « Mo » a démissionné de GoogleX pour se consacrer au projet suivant, je cite : « Rendre un milliard de gens heureux sur Terre en cinq ans.» L’ex dirigeant du département des projets les plus fous du mastodonte numérique explique avoir trouvé l’équation qui rend heureux. #Eureka ! Voici sa trouvaille : « Le bonheur est supérieur ou égal à votre perception de la vie, moins vos attentes. » Donc, plus vos attentes sont basses et plus votre bonheur sera élevé.

Ok Google. Et après ? Je suppose qu’il ne nous reste plus qu’à acheter son livre ou nous inscrire à l’un de ses séminaires.

À travers ce culte de la toute-puissance de la performance (c’est bien de cela dont il s’agit), la fragilité n’est plus de mise. Or nier notre fragilité amoindrit tout ce qui est la preuve que nous avons nécessairement besoin les uns des autres.

Quand l’individualisme tend à remplacer les structures collectives, cela réduit les solidarités, l’altruisme, ultimement la fraternité, dans un monde qui, paradoxalement en est plus que jamais assoiffé.

Que souhaitons donc nous pousser à faire ? Entreprendre, créer son entreprise, ne rien attendre des Etats, ne pas se reposer sur un emploi hérité ou encore une quelconque subvention, est louable.

Cependant, à travers ce volontarisme prescrit, nous encourrons peut-être le danger de devenir des hamsters s’agitant dans la roue hédoniste de la vie. Et c’est à celui qui sera le plus rapide bien sûr.

L’art de vivre à la « bonne heure » procède du renoncement

Pour le philosophe et économiste Patrick Viveret, auteur du livre Le bonheur en marche*, nos sociétés en pleine transition sont ivres de vitesse. Dans ce contexte, c’est principalement notre rapport au temps qui est bouleversé.

« Elles (nos sociétés) sont dans la course alors qu’il est urgent de se poser et de s’interroger sur le devenir de la terre, du frater qui signifie notre famille humaine. »

Loin de la glorification du moi, du repli sur soi et de l’encouragement au narcissisme actuel qui n’a pas d’équivalent dans l’histoire, Patrick Viveret défend l’idée que l’art de vivre à la « bonne heure » procède du renoncement.

Il s’agit pour le philosophe d’accepter de ne pas tout vouloir vivre. Ce faisant, autrui ne devient plus un rival menaçant mais un compagnon de route.

« Si je veux tout vivre, démontre-t-il, je vais être dans le zapping permanent et partout je vais trouver des rivaux potentiels. Si j’accepte de ne pas tout vivre mais de vivre intensément ce que je vis, de vivre « à la bonne heure », à ce moment-là, c’est grâce à autrui que je vais connaître d’autres saveurs de vie, alors le rapport à la rivalité se transforme en compagnonnage. »

Faire d’autrui un compagnon de route en acceptant la logique de vivre « à la bonne heure » est un pari subtil. Le seul, semble-t-il, susceptible de nous affranchir de l’impératif moral de cette nouvelle tyrannie. Car poussée à l’extrême, la course effrénée au dépassement de soi et à la réussite s’inscrit dans une logique quantitative éminemment guerrière, absolument contre-productive.

En outre, pour les auteurs et professeur d’économie Carl Cedeström et André Spicer, « Le Syndrome du bien-être* » est l’autre nom de l’effondrement des espoirs collectifs de changement social.

Pour eux, dans ce monde inquiétant, le désir de transformation de soi remplace la volonté de changement social, la culpabilisation des récalcitrants est l’un des grands axes des politiques publiques, et la pensée positive tend à empêcher tout véritable discours critique d’exister.

De plus, au moment où les professionnels, censés nous débarrasser de nos angoisses pullulent, l’anxiété générale elle, augmente. Apparaît un nouvel état de détresse qui fait son lit dans le sentiment de ne pas être à la hauteur de l’injonction à devenir soi-même.

Alors, peut-être est-il temps de prendre un peu de recul avec notre propre enthousiasme ?

S’il semblait acquis que la recherche du développement personnel mène à une amélioration de soi et de la société, cette quête semble se muer peu à peu en obsession narcissique accompagnée du cortège de misère que peut engendrer une tyrannie.

Améliorer notre employabilité, maximiser nos capacités, gérer notre carrière, dissimuler nos peurs et renvoyer en permanence une image positive de nous-même, adopter une morale hygiéniste, c’est aussi prendre le risque de nous conformer à une vision publicitaire de la vie et donc définitivement inatteignable du bonheur.

Ce que les marchands de rêve, eux, ont bien compris.

Annabelle

https://annabellebaudin.net/2018/10/24/la-tyrannie-du-bonheur/

Ouvrages cités dans le texte :

Patrick Viveret et Mathieu Baudin, Le bonheur en marche, Ed. Guérin, 2015.

* Carl Cedeström et André Spicer, Le Syndrome du bien-être, Ed. L’échappée, 2016.

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L’émerveillement malgré tout.

13 Novembre 2018, 01:47am

Publié par Grégoire.

L’émerveillement malgré tout.

 L'émerveillement, cette capacité enfantine de s’arracher à la terreur du monde... C’est le petit sauvage en nous qui nous sauve, c’est l’enfant intuable en nous, celui qui garde une lumière de berceau, rejoindre la part enfantine que le quotidien peut bousiller..  un secours vient toujours, du dehors, étrangement du dehors, pour réveiller ce qui le plus enfoui, en dedans, vous n’avez pas à le chercher, ça vient, ça vient.. C’est un drôle de matériau la vie, c’est comme quelque chose ou quelqu’un qui vient vers vous et qui de temps en temps vous pose une main sur l’épaule, de temps en temps vous donne une claque, de temps en temps vous montre son dos, et qui s’éloigne et qui s’en va même dans des ténèbres dont vous ne connaissez plus le nom, et puis qui tout d’un coup se retourne et vous envoie le feu d’artifice d’un sourire. Personne n’est abandonné, dans le fond. Je ne peux pas le prouver, j’espère que je ne blesse personne en disant cela, parce qu’il y a des personnes qui traversent un enfer parfois depuis des dizaines d’années, mais il faut bien que je dise ce que je sens, parler vraiment c’est s’appuyer sur sa vérité, et ce n’est pas religieux, mais il faut que je dise : personne dans le fond n’est abandonné. 

C Bobin. 

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L'enfance est dans le rire qu'elle nous donne...

11 Novembre 2018, 01:41am

Publié par Grégoire.

L'enfance est dans le rire qu'elle nous donne...

 "Deux arbres artificiels accueillent la clientèle de la banque. La vie est dans ce lieu si maltraitée que même les faux arbres ont l'air d'y dépérir."

 
"Mon grand père aimait dans le civet du lapin manger la tête, mais comme son père adorait le même morceau, il a dû attendre d'être orphelin pour savourer son mets favori : ma mère me raconte cette histoire que j'entends comme une parabole infernale de la vie en société où chacun guette la mort de l'autre pour enfin dévorer la tête du lapin cuit."


"J'ai vu une fourmi monter sur une ortie, hésiter aux embranchements des feuilles, prendre un à un tous les chemins possibles, s'agripper quand le vent grondait, puis redescendre. Toutes les vies sont vécues par Dieu que rien n'épuise."

"Je me demande pourquoi les frelons sont si méchants, peut être ont- ils eu une enfance difficile ?"


"Nous sommes des aveugles dans un palais de lumière. Des serviteurs dont nous ignorons le nom se précipitent devant nous, écartant les meubles pour nous éviter toute blessure grave."


C Bobin, Les Ruines du Ciel.

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C’est toujours quelque chose de l’invisible qui nous soigne...

9 Novembre 2018, 03:03am

Publié par Grégoire.

C’est toujours quelque chose de l’invisible qui nous soigne...

" Il s'assied tôt le matin devant la porte du bureau de tabac,  la main tendue pour une aumône.  Son visage est tanné comme du vieux cuir par le soleil. Le bleu délavé de ses yeux fait penser à quelque chose d'aussi ancien et perdu que la petite enfance. Aujourd'hui je l'ai rencontré à une place inhabituelle. Il  était assis, paisible, sur un banc devant l'école communale. Il regardait le mouvement des passants et des voitures, les oiseaux dans les platanes. Nous avons échangé des cigarettes et quelques mots sans mystère. Comme je m'apprêtais à lui donner une pièce,  et avant même que j'en aie  esquissé le geste, il me dit : " Non, aujourd'hui je ne travaille pas".

Christian Bobin.

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Par des mots enterrés dans des livres, on peut raviver une source, rafraîchir un jardin..

7 Novembre 2018, 01:19am

Publié par Grégoire.

Par des mots enterrés dans des livres, on peut raviver une source, rafraîchir un jardin..

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« La vie a un sens que les grandes personnes détiennent » est le mensonge universel auquel tout le monde est obligé de croire.

5 Novembre 2018, 02:54am

Publié par Grégoire.

« La vie a un sens que les grandes personnes détiennent » est le mensonge universel auquel tout le monde est obligé de croire.

« Qu'importe l'instrument pourvu qu'il y ait la musique.
- Proverbe d'ivrogne ! Cela importe énormément au contraire, car le génie de la musique est déjà dans l'instrument et le plaisir de jouer commence dans le jouet. Avant de naviguer il y a le bateau ; le bateau vivant, neuf ou d'occasion, nouveau né d'illustre lignage, bâtard ou enfant trouvé, mais qui porte en lui toute la mémoire de sa race, dans son âme ou dans sa chair, dans son bois, son goudron, son chanvre, sa toile et son étoupe qui ont déjà mille et mille choses à raconter. Vos produits à la gomme synthétique, un peu jeunes, pas grand chose à dire, inaltérables et sans mémoires, les histoires leur glissent dessus. »

Jacques Perret, Rôle de Plaisance

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Je ne reconnais l'éclat du vrai que dans la joie et dans cette conscience de nous-mêmes qui l'accompagne toujours, cette conscience radieuse de n'être rien...

3 Novembre 2018, 02:10am

Publié par Grégoire.

Je ne reconnais l'éclat du vrai que dans la joie et dans cette conscience de nous-mêmes qui l'accompagne toujours, cette conscience radieuse de n'être rien...

"S'il y a un lien entre l'artiste et le reste de l'humanité, et je crois qu'il y a un lien, et je crois que rien de vivant ne peut être créé sans une conscience obscure de ce lien là, ce ne peut-être qu'un lien d'amour et de révolte. C'est dans la mesure où il s'oppose à l'organisation marchande de la vie que l'artiste rejoint ceux qui doivent s'y soumettre : il est comme celui à qui on demande de garder la maison, le temps de notre absence. Son travail c'est de ne pas travailler et de veiller sur la part enfantine de notre vie qui ne peut jamais rentrer dans rien d'utilitaire."

Christian Bobin, l'épuisement .

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Qu'est-ce que le sacré, sinon le souffle que chacun porte en soi jusqu'au bout, donnant à ses yeux cette lueur d'infini ?

1 Novembre 2018, 01:39am

Publié par Grégoire.

Qu'est-ce que le sacré, sinon le souffle que chacun porte en soi jusqu'au bout, donnant à ses yeux cette lueur d'infini ?

" J., que beaucoup appelaient " mademoiselle " alors qu'elle avait déjà soixante ans,  travaillait comme bibliothécaire dans un centre culturel, recouvrant de plastique de lourds livres d'art qu'aucun lecteur ne venait emprunter. Ses goûts , son  humour et les teintes de ses robes : tout en elle semblait fragile et quelque peu désuet comme une aquarelle où la couleur rose eût dominé.  Une douceur et une bienveillance cernaient les yeux de celle qui, parce qu'elle n'avait jamais causé de mal, aura traversé cette vie sur la pointe des pieds sans que nul ne la voie, sa mort ne faisant pas plus de bruit que de la  neige tombant sur de la neige. Peut- être le monde est-il continuellement sauvé de l'anéantissement auquel il tend par de tels êtres que personne, jamais, ne remarque. "

Christian Bobin.

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