Redécouvrir ma source, Celui qui est, là, pour moi...
Découvrir le sens de notre personne, notre identité personnelle, implique nécessairement de dévoiler -pour nous-même- Celui que les traditions religieuses appellent communément ‘Dieu’; c’est à dire dévoiler Celui qui est La Réalité, en poussant jusqu'au bout, et de manière actuelle, ce qui fait notre personne dans son sommet, cet état d’émerveillement, d’étonnement, de sortie de soi, de contemplation de Celui qui est présent à tout : « Si l’intelligence est quelque chose de divin en l’homme, la vie selon l’intelligence est également divine comparée à la vie humaine. Il ne faut donc pas écouter ceux qui conseillent à l’homme, parce qu’il est homme, de borner sa pensée aux choses humaines, et, mortel, aux choses mortelles, mais l’homme doit, dans la mesure du possible, s’immortaliser, et tout faire pour vivre selon la partie la plus noble qui est en lui ; car même si cette partie est petite par sa masse, par sa puissance et sa valeur elle dépasse de beaucoup tout le reste. On peut même penser que chaque homme s’identifie avec cette partie même, puisqu’elle est la partie fondamentale de son être, et la meilleure... » Aristote. Ethique à Nicomaque Livre X, chap 7.
Nous sommes en attente constante de toucher et par bref moments Celui qui nous dépasse, qui n'est extérieur à rien, qui est présent à tout ce qui est, plus réel que ce que nous en voyons ou ressentons : « Il est et, il ne peut pas ne pas être » dit Parménide. « Je suis Celui qui est » est-il-dit à Moïse.
Ce toucher, c’est ‘voir comme l’oiseau de nuit perce l’obscurité et discerne une présence’ « de même que les yeux de l’oiseau de nuit sont aveuglés par la lumière du jour, de même notre intelligence est aveuglée par ce qui est le plus réel. » Aristote. Métaphysique. Livre a.
C’est une erreur terrible que de faire de la dimension religieuse la fin ultime de la personne humaine, c.a.d l’adoration, le sens du ‘sacré’, et ainsi de mettre la personne à une distance quasi infranchissable face au « Tout-autre », et de ne plus voir que sa « Majesté », sa « Toute-puissance » : c’est, là encore, le mettre relatif à nous, à notre mode humain. L’adoration, la liturgie, la louange, les chants, les temples, etc… sont des dispositions, un conditionnement, quelque chose de l'ordre de la manifestation extérieure, souvent communautaire, qui oriente il est vrai, dispose, mais qui, jamais n'est une fin, jamais ce pour quoi nous sommes faits.
Seul ce qui est vécu et choisi personnellement comme ce qui est là pour moi, peut réaliser ce que nous sommes le plus profondément. C’est pour cela que nombre de nos contemporains se sont détournés de l’aspect religieux, liturgiques, normatif, formel… Ils attendent quelque chose de plus profond que ce qui est communautaire, que ce qui relève du ‘troupeau’.. Notre monde en cela, à cette qualité d'attente, de rencontrer ou découvrir Celui qui va les nourrir, les reposer : connaitre et aimer personnellement Celui qui est ma source. C’est moi face à ma source. Découvrir que je suis par lui, quelque chose de Lui, que je ne suis pas sans qu'il pense actuellement à moi. On ne peut donc là rester spectateur, ou en rester à un niveau communautaire : c’est éminemment personnel !
Et cela commence avant la foi, avant la révélation chrétienne. La personne humaine est, dans ce qu’elle a d’ultime, dans son sommet, naturellement faite pour connaitre et aimer sa Source. Et chacun selon le chemin qui est le sien. Elle ne peut avoir de vrai repos qu’en Lui. Quand je le découvre, Lui pour moi. Avant cela, on ne se repose encore qu’en soi-même’. Et cela, c’est naturel mais cela ne pousse pas en nous « naturellement » : cela réclame le plus grand des efforts, de sacrifier ce qui peut être immédiatement un repos légitime. Sacrifier, autrement dit, je rends sacré en immolant, en offrant ce qu’il y a de légitimement humain, pour exercer, dévoiler ce qu’il y a de divin en moi, ce qui en moi est le plus moi-même et lié à ma source.
La Foi, la révélation chrétienne, nous fait entrer dans l’amitié du Fils lui-même, dans ce que Dieu vit de l’intérieur. La grâce chrétienne n’est pas donnée en proportion de la nature humaine, c’est un don excessivement gratuit, qui nous met à la hauteur de Dieu, à sa taille..
Mais, avant ça, déjà naturellement, toute personne humaine à la capacité et le désir de vivre de ce lien natif, premier, avec sa Source, qui est plus fort que celui d’un enfant pour sa mère. Car si l’enfant se sépare de sa mère, nous ne sommes jamais séparé de Celui qui nous porte dans notre existence. Là est notre repos.
fr. Grégoire