Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
QUE CHERCHEZ-VOUS ?

Seules les grandes épreuves, les grandes chutes, les grandes réussites et les grandes chances font un homme grand.

31 Août 2018, 00:45am

Publié par Grégoire.

Seules les grandes épreuves, les grandes chutes, les grandes réussites et les grandes chances font un homme grand.

« Ce que je crois de toute mon âme c'est que, se voyant mourir comme il l'avait voulu, après avoir vécu comme il l'avait fait, libre de toute compromission, pur de toute souillure, n'ayant fait qu'aimer, combattre, rire et souffrir, [...] Jean Mermoz connut le sacre de la vérité. On ne peut être certain d'elle que sur le pas de la mort."

« La puissance de l'argent, la fausseté des salons, la félonie des hommes en place, l'avaient terrifié et surtout, chez la plupart des êtres, l'indifférence, l'atonie, le manque de passion, le contentement d'une existence de ruminants.
Mais dans ce marécage, il avait aussi surpris quelques belles lueurs, quelques tristes et nobles voix. Même là on pouvait trouver du désintéressement, du sacrifice, de l'amitié, de la douleur. Même chez les plus secs et les plus avides et les plus peureux, perçait tout à coup un feu vraiment humain. Le monde n'était pas à aimer ou à rejeter d'un bloc. La vie n'était ni transparente, ni facile[...] Il fallait l’étudier honnêtement, la comprendre, se révolter contre elle pour l'embellir, mais en gardant pour tous ceux qui en portaient le joug une indulgence, une pitié infinies. »

« Mais je sais que seules les grandes épreuves, les grandes chutes, les grandes réussites et les grandes chances font un homme grand. Une vie nourrie par elles ne peut tout de même pas être considérée comme une série de hasards heureux. La foudre ne tombe pas toujours à la même place. Pour l’attirer, il faut une substance propice. Le danger et le triomphe ne vont qu'à des têtes choisies et c'est elles seules qu'ils couronnent. »

Joseph Kessel, « Mermoz »

 

 

Voir les commentaires

La fête est finie

29 Août 2018, 01:55am

Publié par Grégoire.

La fête est finie

Céleste (Clémence Boisnard) est une tête brûlée de 19 ans. Lorsqu’un médecin lui demande d’énumérer ce qu’elle prend pour se droguer, la liste est longue : « J’avale, je fume, je sniffe, je shoote, ça dépend des fois, ça dépend de ce que c’est », dit-elle. Sihem (Zita Hanrot), 26 ans, est son opposée. Elle est plus mûre et plus calme. Mais son rapport à la drogue est le même. Le hasard fait qu’elles arrivent en même temps dans le centre de désintoxication où leur amitié fusionnelle va naître, contre le reste de l’univers. Livrées à elles-mêmes après avoir été renvoyées du centre, elles tentent d’affronter un monde de tentations permanentes pour se construire une vie, ensemble ou séparées.

CÉDER OU RÉSISTER, CHOISIR ENTRE SA RAISON ET SON ADDICTION...

En s’inspirant de sa vie personnelle, Marie Garel-Weiss insuffle à son film une sincérité déconcertante en s’emparant à bras-le-corps, sans timidité ni complaisance, de la difficulté de sortir de la toxicomanie. À l’écran, pas de scènes morbides, pas de dealers, pas d’hallucinations, mais deux jeunes femmes qui essayent de résister à leurs propres démons, par le biais d’un processus douloureux de réhabilitation qui ne tient qu’à un fil. « Parfois, la drogue ou l’alcool ne sont pas le symptôme d’une envie de mourir, mais au contraire d’une telle envie de vivre que tu as du mal à la canaliser », explique la réalisatrice lors des entretiens qu’elle donne en accompagnement du film. Qu’importent les raisons de leur prise de substances. La fête est finie se focalise sur leur désir de s’en sortir et la peur de rechuter, qui s’entremêlent. Leur expulsion du centre, qui les oblige à assumer leur liberté et à affronter seules la vie, révèle ce qu’elles sont : deux véritables bombes à retardement, prêtes à exploser à tout moment. Céder ou résister, choisir entre sa raison et son addiction, sa zone de confort ou l’inconnu… Marie Garel-Weiss fait vivre aux spectateurs les souffrances des personnages qui ne luttent pas contre les autres, mais contre elles-mêmes et contre leur dépendance… Cette tension permanente instaure un suspense qui empêche de deviner comment elles s’en sortiront et si leur amitié résistera.

La puissance de ce premier long métrage de la scénariste d’Atomik Circus n’aurait pas été possible sans le jeu extraordinaire de Zita Hanrot et Clémence Boisnard, toutes les deux récompensées par le prix d’interprétation féminine aux festivals de Sarlat et de Saint-Jean-de-Luz. La première nous avait déjà montré sa douceur et sa beauté dans le film de Philippe Faucon Fatima, pour lequel elle remporta le césar du meilleur espoir féminin en 2016. Avec La fête est finie, son talent atteint à un degré supérieur, avec l’aide de Clémence Boisnard, qui a su insuffler une forte charge émotionnelle à son personnage. Ensemble, elles apportent l’authenticité et l’intensité qui rendent le film si percutant. Le spectateur ne peut être qu’hypnotisé par les visages de Céleste et Sihem, reflets de leur détresse et de leur fragilité. Mais aussi de leur rage de vivre. Céleste ne cesse de dire qu’elle veut mourir au début du film. Pourtant, son énergie, son humour et son caractère explosif révèlent au fur et à mesure le contraire. Elle veut vivre, mais a la sensation de ne pas pouvoir y arriver toute seule, sans son amie. Sihem paraît plus indépendante, mais cache en vérité une vulnérabilité qui la rend presque plus dépendante de Céleste. Leur amitié est tellement fusionnelle qu’elle est considérée par le thérapeute du centre comme une nouvelle forme d’addiction, cette fois-ci affective et qui les menace. À leur exclusion, c’est pourtant tout ce qui leur reste. N’est-elle qu’un substitut de la drogue ou un lien sincère ? Va-t-elle les détruire ou les aider à se relever ? Le film nous fait pencher d’un côté puis d’un autre, nous laissant ainsi maître de décider.

Tout sauf tragique, La fête est finie est porteur d’une énergie, celle qui pousse à se battre pour vivre. Qu’importe la durée d’abstinence, celle de Céleste et Sihem est applaudie avec la même force, car elle reflète le désir d’une renaissance.

 

Voir les commentaires

" Archange glorieux, neurasthénique profond, mystique résigné, païen éblouissant, amoureux de la vie, incliné vers la mort, enfant et sage, tout cela était vrai chez Mermoz, mais tout cela était faux si l'on isolait chacun de ces éléments. Car ils étaient fondus dans une extraordinaire unité. "

27 Août 2018, 00:28am

Publié par Grégoire.

" Archange glorieux, neurasthénique profond, mystique résigné, païen éblouissant, amoureux de la vie, incliné vers la mort, enfant et sage, tout cela était vrai chez Mermoz, mais tout cela était faux si l'on isolait chacun de ces éléments. Car ils étaient fondus dans une extraordinaire unité. "

" Quand j’étais triste, découragé, sans goût ni estime pour personne et surtout pour moi-même, quand j’étais prêt à renoncer à l’effort, à me laisser vivre facilement, petitement, bassement, je me disais : « Il y a Mermoz … il va revenir par-dessus l’Atlantique… De lui, de lui seul, j’aurai honte, Il va revenir, il ne me refusera pas un peu de sa vertu. » 
Et je recommençais la sourde bataille que tout homme se doit de mener, jusqu’à sa mort, contre lui-même… "

 

" J'ai demandé une fois à Mermoz s'il avait peur dans ses luttes avec la mort.
- Peur ?avait-il répété pensivement.Non ça ne peut pas s'appeler ainsi. Je ne peux pas te l'expliquer. Les camarades seuls pourraient comprendre. C'est une affaire entre nous.
Il réfléchit quelques secondes et ajouta :
- Vois tu la vraie peur, la sale peur, je l'ai éprouvé sur le pavé de Paris, quand j'étais clochard, à l'idée de ne plus pouvoir voler, c'est à dire vivre ma seule vie possible."

 

Joseph Kessel, Mermoz.

 

 

Voir les commentaires

L’éternité reçue

25 Août 2018, 00:34am

Publié par Grégoire.

L’éternité reçue
Le fil rouge qui traverse ce livre tient en quelques lignes. La mort est inéluctable, mais c’est la vie qui est première. Comment alors y donner sens à la mort? Les «petites morts» qui jalonnent la vie – échecs, maladies, limites de toutes sortes – peuvent être le lieu d’une croissance, d’un surplus de vie, d’une ouverture à un réel qui nous dépasse. Et la mort, par laquelle notre vie s’achève, peut alors être comprise comme le franchissement de la limite ultime, au-delà de laquelle nous pouvons recevoir ce que Dieu seul peut donner: la vie en plénitude.
 
Cependant, résumer ainsi le propos de l’auteur, c’est perdre la riche réflexion à travers laquelle il nous conduit. Essayons de voir comment, en quatre étapes, il propose «une autre lecture de notre finitude». La démarche de Martin Steffens est philosophique, inspirée par la phénoménologie, mais elle est aussi éclairée par la foi en un Dieu-amour. Il cite ou évoque de nombreux auteurs, en particulier Simone Weil, dont les intuitions trouvent chez lui un large écho.
 
Vivre d’abord
 
Un constat, au départ: «La mort est pour la vie chose impossible, certes, mais elle est. Nous n’avons d’autre choix que d’apprendre ce que nous pouvons en faire». Aussi, pour pouvoir dire quelque chose de la mort, il faut «vivre d’abord», mais sans évacuer cette «impossibilité» de la mort. Dans la première partie du livre, Martin Steffens évoque diverses attitudes possibles face à la mort, et il en montre les limites. La sagesse «stoïcienne» des philosophes pas plus que la «sagesse de camomille (…) que les hommes concoctent pour obtenir, dès cette vie, un sommeil (…) pour s’habituer à mourir et laisser pénétrer la mort au cœur de la vie» ne sont une vraie réponse. Car, «de même que justifier le mal, c’est contaminer le bien, de même tenter de comprendre la mort, cela ne se peut sans prendre le risque de contaminer la vie».
 
Aux consolations un peu faciles de certains discours pieux, il faut préférer la douleur révoltée de Rachel, «qui pleure ses enfants et ne veut pas être consolée» (Jr 31,15 et Mt 2,18). Martin Steffens récuse également les pensées qui voient dans la mort d’une personne une sorte de mécanisme «naturel», qui s’inscrit dans un «Tout» cohérent. «Puisque ce n’est jamais une partie du Tout qui meurt, mais toi, lui, moi, alors toute mort est unique (…) La mort révèle le caractère insubstituable de la personne. A la lettre, chaque mort est inconsolable».
 
Mourir parfois
 
Ayant ainsi «marché à reculons» devant diverses manières insatisfaisantes d’expliquer ou comprendre la mort, Martin Steffens fait vers elle «un premier pas qui [est] celui d’un vivantOr, ce que le vivant va rencontrer, bien avant la mort qui le tuera, ce sont des ‘petites morts’, épreuves et blessures. Le paradoxe étant que, plus il est vivant, moins les épreuves lui seront épargnées». Dans cette deuxième étape, l’auteur se demande ce que l’homme, qui est «fait pour la vie» peut faire de ces «petites morts», en repérant, dans notre vie, «ces épreuves qui, n’étant certes pas encore la mort, ont d’elle le trait distinctif d’être ‘comme une chose impossible’».
 
Cet impossible, nous le rencontrons d’abord dans le rapport à autrui et, en particulier, dans l’amour. «Quand, par exemple, j’aime un être de toute ma force, je le veux pour moi (…) tout entier… mais l’absorption de cet être par l’amour que je lui porte serait aussi sa négation (…) Aimer, c’est en même temps aspirer et renoncer à posséder». De sorte que la relation avec l’être aimé est sans cesse, bien qu’inconsciemment, «travaillée par le deuil de sa perte».
 
C’est aussi dans notre rapport au monde que nous sommes mis face à nos «petites morts». Ainsi «le désir de faire de sa vie quelque chose rencontrera l’imprévu qui, indésirable et inconnaissable comme tel, est pourtant déjà inscrit dans le projet». En effet, le réel «résiste à ce qu’on veut en faire». Cette limite se manifeste de manière particulièrement évidente dans le projet politique. Enfin, le rapport à soi-même n’échappe pas à ses limites. L’auteur cite ici le mystique rhénan Angelus Silesius qui écrit: «Ce que je suis, je ne le sais pas. Ce que je sais, je ne le suis pas».
 
Ainsi, l’homme est confronté à de continuels renoncements, à des contradictions, à des obstacles, qui sont autant de «petites morts». «La question n’est pas de savoir comment [les] éviter, mais ce qu’on peut en faire…». Car ces impossibilités auxquelles se heurte notre désir sont «l’occasion d’une plus grande ouverture de la vie au réel». Mais la Modernité, dont nous sommes partie prenante, ne voit en la vie qu’une lutte pour l’existence, une affirmation de soi. Au contraire, «l’usage de la contradiction» nous fait percevoir qu’il y a dans notre vie plus que ce que nous nous efforçons d’y enfermer.
 
Nous ne sommes pas tout, et en prendre conscience est «un bienfait». Faire l’expérience de la beauté, par exemple, est consentir à se laisser traverser par plus grand que soi, «à recevoir, mais sans jamais pouvoir posséder ce qu’on a reçu». Ou, dans un autre registre, «patienter au cœur de la souffrance – ce qui ne signifie pas se rendre insensible à elle –, c’est faire dans le ‘moi’ une incise pour qu’il lui arrive autre chose que soir ».
 
Mourir
 
Nos «petites morts» sont donc l’occasion de s’ouvrir à un réel que nous ne comprenons pas mais que nous pouvons apprendre à aimer. Alors, «la mort n’est-elle pas aussi, elle surtout, l’avènement à une vie d’autant plus parfaitement donnée qu’elle sera plus radicalement déprise d’elle-même?» Prendre ce chemin, c’est, pour Martin Steffens, «posséder par la dépossession», car «on ne reçoit que ce qui ne nous appartient pas». Evoquant Maître Eckhart, il ajoute: «Si donc, d'une part, aimer c'est laisser être une chose pour elle, ou bien savoir que la jouissance que j'ai d’elle ne m’est jamais ni acquise ni due; si d'autre part mourir, c'est être empêché de toute jouissance et laisser le monde aller sans moi; alors peut-être y a-t-il un lien entre l'amour et cette mort ultime qui nous enlèvera tout».
 
Mourir serait donc être vide pour tout recevoir, «posséder la totalité de l’objet aimé, parce qu’on le reçoit d’ailleurs». Les petits renoncements, les petites morts, sont de «petites grâces» qui nous préparent au dessaisissement total, qui sera une «grâce parfaite». «Quand ma vie ne m’appartiendra plus, elle pourra m’être absolument redonnée. Je pourrai ressusciter (…) je serai pour Dieu l’occasion de faire de moi ce qu’Il veut. Or, ce que Dieu veut, c’est ce qu’Il est. Et ce qu’Il est, c’est la Vie».
 
Ressusciter
 
Accueillir la résurrection comme une promesse, c’est aussi découvrir que l’éternité commence «à l’instant où nous commençons de distinguer ce qui, en notre vie ne mourra pas». Mais en quoi consistera notre résurrection? On peut d’abord dire ce qu’elle ne sera pas: «ni un commencement absolu, ni la parfaite continuité de la vie présente, ni l’advenue d’un monde totalement différent de notre ici-bas». Martin Steffens développe alors ce qui constitue la partie la plus originale de l’ouvrage. Pour lui, le «jugement» par lequel s’inaugure la résurrection n’est autre que le «récit que Dieu fera de la vie que, par ma mort, je lui ai remise». Cette mort, il l’a accueillie comme un cri que je lui adresse. Alors, «me ferait-il ressurgir de la mort si c’était seulement pour mettre au jour mes secrets minables?» Car le jugement de Dieu est un jugement de salut. Il sera «rencontre de moi-même à travers l’écoute de Celui qui me sauve».
 
Refermons le livre sur ce que nous dit l’auteur du regard nouveau que nous ouvre la résurrection: «Quand alors on sera définitivement libéré de cette peur de perdre, quand devant soi il n’y aura plus que la vie reçue en Dieu, on prendra doucement le temps d’y regarder de plus près: ces liens invisibles qu’on appelle amitié, amour, affection, confiance, on verra comme ils soutenaient discrètement le monde. On s’émerveillera. Voyant enfin à l’endroit ce qu’on voit ici-bas à l’envers, on s’étonnera: malgré tout le mal qu’on introduit dans le monde, comme tout cela est bien fait!»
 
Fiodor

Voir les commentaires

Franchir un talus

23 Août 2018, 00:33am

Publié par Grégoire.

Franchir un talus

 J’ai ouvert cette page blanche. J’y ai vu au bord de la marge un mot échappé d’un petit troupeau de phrases, telle une brebis  broutant goulûment l’herbe des talus. La brebis ne s’éloigne que pour un meilleur ; dans cette échappée belle  le plus souvent de courte durée, il faut concentrer un appétit de vie dont seule une brebis est capable.

 Les bergers savent  qu’elle doit « trouver sa vie » dans chaque journée de pâturage. L’herbe du talus est bien plus que de la cellulose quotidienne, c’est déjà  deux pieds en dehors du monde autorisé et la tête dans un paradis de graminées et de fleurs. Cet instant, cet endroit, cet instant dans l’endroit, c’est la 24eme minute du Requiem de Fauré, ce passage prophétique de l’Agnus Dei à Lux Aeterna.

 Nous ne nous échappons pas assez, nous n’osons pas suffisamment nous approcher du talus, nous ne trouvons pas tous les jours nos vies dans chaque journée. Et surtout pas suffisamment «une vie de talus ».

 Le talus est une frontière, un chemin de contrebande, une petite crête qu’il faut suivre chaque jour. En le longeant on lui trouve des ruptures ; d’une coulée braconnière discrète au passage charretier officialisé d’une barrière. Les talus, comme les frontières ont une histoire. On les a tenus, comme des tranchées, on s’y est abrité, on s’y est reposé, embrassé, parfois. La brebis se régale de cette mémoire de tiges et de pétales, parfois protégée de quelques ronces. En échange de quoi parfois, quelques brins de laine en gage donnés.

 Et de l’autre côté, l’herbe y est forcément meilleure. Juste le temps qu’il faut pour se rendre compte qu’après tout, non… Au-delà du talus, le plus souvent, la déception…

C’est la simple démarcation du talus, qui suscite l’imagination, la volonté d’aller plus loin, la transgression, la joie piégée qu’on respire dans l’air au passage des cols.

 

Un mirage de quelques  dizaines de centimètres

de flores et de senteurs nouvelles, découvert par une meneuse

ou un mot d’ordre aventurier que rejoindra dans une grégarité bêlante le troupeau

ou la piétaille des mots, pour peu qu’un berger-poète soit lui-même perdu sur un talus, en marge de ses pensées.

 

Jf Debargue (Procédures & modes d’emploi-inédit)

                                 

Voir les commentaires

Ciel d'Acier

21 Août 2018, 00:33am

Publié par Grégoire.

TRADUCTION IRON SKY - PAOLO NUTINI

Ciel d'acier 

Nous sommes fiers, des individus vivant pour la ville, 
Mais les flammes ne pouvaient pas aller beaucoup plus haut. 
Nous trouvons Dieu et les religions pour, 
Pour nous peindre de salut. 
Mais personne 
Non personne 
Ne peut vous donner le pouvoir 

De vous élever au-dessus de l'amour 
Et au-dessus de la haine 
À travers ce ciel d'acier 
Cela devient rapidement nos esprits 
Par-delà la peur et dans la liberté. 

Oh c'est la vie 
Qui dégouline le long des murs 
D'un rêve qui ne peut respirer 
Dans cette dure réalité 
Une confusion de masse, a nourri les aveugles 
Et sert maintenant à définir notre froide société 

De laquelle nous nous élèverons sur l'amour 
Par-delà la haine 
Au-delà de ce ciel d'acier 
Cela devient rapidement nos esprits 
Par-delà la peur et dans la liberté. 

On doit juste tenir bon! 
On doit juste tenir bon! 

Ohhh ohhhh oh oh... 

 

À ceux qui peuvent m'entendre, je dis de ne pas désespérer 
Le malheur qui est sur ​​nous n'est que le produit éphémère de l'avidité, 
l'amertume de ceux qui craignent la voie du progrès humain. 
La haine des hommes passera, et les dictateurs mourront, 
et le pouvoir qu'ils avaient pris au peuple retournera au peuple. 
Et tant que des hommes mourront, la liberté ne pourra pas périr. 
Ne vous donnez pas à ces êtres inhumains - 
hommes machine avec des esprits machine et des coeurs de machine! 
Vous n'êtes pas des machines, vous n'êtes pas du bétail, vous êtes des hommes! 
Vous, le peuple, avez le pouvoir de faire que cette vie soit belle et libre, 
de faire de cette vie une merveilleuse aventure 
Servons-nous de ce pouvoir! 
Unissons-nous tous!

- Discourt de Charlie Chaplin dans son film des années 1940, Le Grand Dictateur-

Et nous nous élèverons sur l'amour 
Et au-delà de la haine 
À travers ce ciel d'acier 
Cela devient rapidement nos esprits 
Au-delà de la peur 
Dans la liberté 
Dans la liberté! 

De laquelle nous nous élèverons sur l'amour 
Par-delà la haine 
Au-delà de ce ciel d'acier 
Cela devient rapidement nos esprits 
Par-delà la peur et dans la liberté. 
La liberté! 

Oh! 
Qu'il pleuve sur moi!

Paroles2Chansons dispose d’un accord de licence de paroles de chansons avec la Société des Editeurs et Auteurs de Musique (SEAM)

Voir les commentaires

« Le cléricalisme est une composante de la crise des abus sexuels dans l’Église »

18 Août 2018, 11:02am

Publié par Grégoire.

« Le cléricalisme est une composante de la crise des abus sexuels dans l’Église »

Le Père Stéphane Joulain, psychothérapeute, décrypte le cléricalisme, régulièrement dénoncé par le pape François, et qui a conduit les diocèses de Pennsylvanie à nier et à dissimuler pendant des années des crimes commis par des prêtres.

Spécialisé dans le traitement des abus sexuels, ce père blanc a suivi en thérapie près de 200 pédophiles et donne dans différents pays de nombreuses formations en matière d’éducation et de prévention.

 

La Croix: Le cléricalisme, que le pape François ne cesse de pourfendre depuis le début de son pontificat, est-il en cause dans la faillite de l’Église catholique en Pennsylvanie?

Père Stéphane Joulain: Oui, c’est une de ses composantes. Comme tous les groupes sociaux, les prêtres partagent une même culture, avec ses codes, ses valeurs. Le cléricalisme commence lorsque cette culture cléricale dérive en corporatisme: lorsque les prêtres s’accordent des privilèges, et lorsque la protection des intérêts de leur groupe prend le pas sur celle de l’intégrité physique et psychologique des enfants.

Ce que dénonce le pape, ce sont ces prêtres qui mettent leur pouvoir et leur autorité à leur profit, qui se reconnaissent une sorte de supériorité en tant que pasteurs les mettant sur un piédestal. Lorsque l’on commence à se sentir spécial, on est vite tenté de s’accorder des privilèges spéciaux… Or, pour le pape, c’est l’inverse: l’autorité et le pouvoir ne sont confiés par l’Église à ses pasteurs que pour qu’ils se mettent au service de la communauté, jusqu’à « connaître l’odeur de leurs brebis ».

Le problème ne vient-il pas aussi des laïcs et de l’autorité qu’ils reconnaissent aux prêtres?

S. J.De fait, le cléricalisme ne peut s’instaurer que s’il est imposé par des prêtres et accepté par les laïcs. Traditionnellement, les prêtres jouissent d’une forme de respectabilité liée à la conviction, entretenue chez les fidèles, qu’ils travaillent à leur sainteté. Mais ce respect ne vaut que pour les prêtres dans leur ensemble, pas individuellement.

Considérer que, parce que l’on a été ordonné, on a droit à une forme de révérence est une erreur, dont certains n’hésitent pas à abuser… La culture d’un pays, son histoire jouent un rôle là-dedans: aux États-Unis, mais aussi en Afrique où je travaille en ce moment, les laïcs sont dans une grande soumission aux prêtres. Certains fidèles – cités dans le rapport – racontent que lorsqu’un prêtre venait chez eux, c’est comme si Dieu lui-même entrait…

Comment bien comprendre le sacrement de l’ordre dont on dit qu’il « configure » le prêtre au Christ?

S. J.: La transformation « ontologique » de la personne par le sacrement de l’ordre est une formule à manier avec prudence. D’abord parce que cette transformation n’est pas biologique: les désirs qui étaient présents avant restent présents après: il ne s’agit pas, pour les prêtres, de nier leur humanité.

Par le sacrement de l’ordre, le prêtre s’ouvre à la présence du Christ pour devenir à son tour un signe de sa présence; pas un autre Christ. Et pour comprendre cette « spécificité » du prêtre, il suffit de revenir à l’Évangile: « Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir », dit Jésus (Matthieu, 20-28).

Comment faire pour lutter contre le cléricalisme?

S. J.Comme toujours, il faut allier prévention, sanction et éducation. Pour prévenir, la première chose à faire est d’encadrer le pouvoir des clercs, de les obliger à rendre des comptes sur la manière dont ils font usage de leur autorité. Un pouvoir qui n’est pas encadré devient dictatorial et le risque est encore accru quand il est d’origine divine.

La convocation des évêques chiliens à Rome, l’acceptation par le pape de la démission de certains d’entre eux mais aussi du cardinal McCarrick, archevêque émérite de Washington, sont des signes forts qui montrent que cette autorité que leur confie l’Église ne les rend pas intouchables.

Quant aux sanctions, il est évident qu’un évêque doit réagir dès qu’il est alerté et ne pas se contenter d’attendre ou de déplacer le prêtre. À mes yeux, c’est une erreur que de créer des centres de traitement spéciaux pour les prêtres auteurs d’abus sexuels car on entretient le symptôme: ils doivent être traités comme les autres délinquants sexuels.

Enfin, les futurs prêtres doivent être éduqués à une bonne gestion de leur sexualité et de leur autorité. L’idéal serait que tout ceci s’appuie aussi sur un travail théologique, en ecclésiologie – comment l’Église se perçoit-elle: comme un corps parfait ou comme une communauté humaine qui essaie d’être fidèle à l’appel de son Seigneur? –, en théologie morale, etc.

Recueilli par Anne-Bénédicte Hoffner, La Croix.

https://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/Monde/Le-clericalisme-composante-crise-abus-sexuels-lEglise-2018-08-17-1200962394

 

https://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/Monde/Abus-sexuels-la-conversion-spirituelle-ne-suffit-plus-2018-08-17-1200962388?id_folder=1200819732&from_univers=lacroix&position=0

Voir les commentaires

 A genoux 

17 Août 2018, 00:51am

Publié par Grégoire.

  A genoux 

-Elle dessine avec un charbon de bois sur le mur extérieur de la pièce. Petite fille à genoux dans la poussière, elle marque les contours de son ombre puis finit par poser sur la frêle silhouette un petit coeur et une grosse tête de monstre triste. La Belle et la Bête perdues dans le décor minimaliste d’un camp de réfugiés, sans château, sans royaume. Petite fille à genoux devant la bête, devant sa vie d’otage. Pour toute signature j’ai vu ses doigts charbonneux dessiner à leur tour sous ses yeux noirs une piste de suie qu’une caravane de larmes traversait. 

-Maigre sur des jambes de coton tordues, une serviette sale autour du cou, il bave ; c’est son unique langage, adressé à sa seule solitude. De place en place il jette son amarre liquide, agenouillé tel un petit priant. Passager d’une barque dérivant avec pour seules rames ses jambes tordues et un gouvernail perdu, il peut avoir cinq à six ans et va sans succès d’un groupe d’enfants à un groupe d’adultes. Il pleure rarement mais quand il pleure c’est jour et nuit, jusqu’à l’épuisement. Le reste du temps par le coin de son sourire s’échappe une salive sans fin. Chaque jour une fuite dans sa tête s’essore dans la sècheresse d’un camp oublié. 

Les milliers d’enfants nés depuis trois générations dans les camps sahraouis ont quelque chose de plus. Parce qu’ils n’ont rien. Sortis du ventre de mères anémiées pour le ventre vide du désert, passant d’une apesanteur insouciante à une gravité suffocante, nés reclus, nés exclus, mis à genoux parce que nés là. Une part de liberté non confisquée vogue encore au fond de leurs yeux noirs, un mélange de reproche, d’interrogation, de colère aussi. 

Dès qu’ils sont en âge de se mettre debout ils apprennent qu’ils ne sont pas d’où ils sont nés. Qu’ils sont fils de nuages aux semelles de vent. Et que les nuages ne vivent pas à genoux. 

Leur seul bien est de le savoir. Et de le transmettre. A d’autres qu’à leurs enfants… 

Jean-François Debargue 

Août 2018 

 

Voir les commentaires

Notre corps : pour faire quoi et pour être qui ?

15 Août 2018, 00:34am

Publié par Grégoire.

Nous rêvons nos vies et brodons des histoires aux franges de nos désirs, nos corps eux sont là au présent, silencieux, innocents et disponibles. Et s'ils étaient le chemin vers ce que nous sommes, voués à l'aventure de la rencontre d'autrui ... et pourquoi pas de Dieu ?

https://parvis-avignon.fr/

https://twitter.com/parvisavignon

Voir les commentaires

On peut parler des heures sans dire un mot...

13 Août 2018, 23:08pm

Publié par Grégoire.

On peut parler des heures sans dire un mot...

" Je n'aimais pas le monde. Je ne l'avais jamais aimé. J'avais passé mon enfance à le fuir, reclus dans ma chambre entre quatre murs de papier peint sur lesquels le même cygne sauvage, volant à des dizaines d'exemplaires, portait sur son dos deux enfants, un garçon et une fille. Mon esprit s'enfonçait pendant des heures dans ce ciel de papier que jamais ne réussirent à traverser les deux enfants, autant que dans le ciel vrai et bleu, découpé par la fenêtre.


Mais plus que tout, les livres étaient ma ligne de fuite. Je les ouvrais avec une lenteur religieuse et, vite, je me glissais dedans comme un petit animal traqué bondit dans son terrier. Chaque phrase m'était l'amorce d'une galerie où je m'enfonçais avec délice.


Au fond de la terre, à l'extrémité du livre, il y avait une salle où je savais trouver mon chagrin le plus pur avec son antidote, deux flacons posés l'un à côté de l'autre sur une table d'air. Mais peut-être n'y avait-il qu'un seul flacon : nommer au plus près l'inconsolable - ce que devaient faire tous les livres - n'est-ce pas la formule même de la consolation ? Je lisais donc beaucoup - trop, jugeaient mes parents qui, pour réduire cette sauvagerie qui croissait en moi et habillait mon cœur de vigne vierge, m'envoyèrent plusieurs étés de suite, dès que j'eus sept ans, dans des colonies de vacances, J'y découvris ce que l'école avait commencé de me montrer : l'horreur absolue de toute société. "


Christian Bobin, Louise Amour

Voir les commentaires

Ile aux Moines : entre autel et planches, Frère Grégoire bouscule les codes de l'Eglise

10 Août 2018, 16:26pm

Publié par Grégoire.

Ile aux Moines : entre autel et planches, Frère Grégoire bouscule les codes de l'Eglise

A midi, il célèbre la messe. Le soir venu, il revêt ses habits de comédien. En quête du pourquoi de la vie, de la mort ou du mal, Frère Grégoire, vicaire de l'Ile-aux-Moines, bouscule avec succès le formalisme dans l'Église. 
 

Par SANDRA FERRER/ AFP

Publié le 10/08/2018 à 14:31 Mis à jour le 10/08/2018 à 14:34

Cheveux bouclés, nez droit, lèvres charnues, menton volontaire: le prêtre semble tout droit venu de la Grèce antique. La sérénité qu'il dégage est de celle des kalos kagathos, ces athlètes représentant le citoyen grec beau de corps et sain d'esprit. De nos jours, on dirait de lui que c'est un beau gosse. Vêtu d'un bermuda beige, d'une chemise noire en lin et de sandales, c'est en vélo qu'il arrive en ce début d'août caniculaire à l'église de la petite île du Golfe du Morbihan où il dit la messe.

 

"Si tous les curés étaient comme lui, il y aurait plus de monde dans les églises"

"Il m'a ramené à l'Église, comme il ramène beaucoup de gens", assure Ponové Saliga, originaire de Nouvelle-Calédonie. "Ses sermons sont extraordinaires. Il sort du carcan et puis on rigole", enchaîne Maurice Bellego, son mari, natif de l'île. "Il est de son temps, vivant, naturel. Si tous les curés étaient comme lui, il y aurait plus de monde dans les églises", poursuit ce non-croyant. 

 

De la messe à la scène

La célébration eucharistique terminée, Frère Grégoire enfourche à nouveau son vélo pour revenir au presbytère, où, le soir venu, il joue les textes du poète, romancier et essayiste Christian Bobin, chaque année un nouveau qu'il prépare longuement. Car si l'homme a décidé sa vocation religieuse il y a 23 ans, il n'est acteur que depuis 2012. "Je me suis formé avec un ami comédien", explique-t-il, savourant un tartare, avant une courte sieste et un bain de mer.

 

De l'ennui des études à l'Église   

Grégoire Plus naît en 1971 à Lisieux, d'un père graphiste et d'une mère au foyer. Avec ses sept frères et sœurs, il reçoit une éducation catholique classique qui forge son caractère "rebelle".  A l'école il s'ennuie, et à 14 ans est envoyé en internat. Après le bac, il étudie les relations internationales, sort, voyage, mais s'ennuie encore. Alors qu'il

prépare des concours de la fonction publique dans le calme de la communauté Saint-Jean --qu'il fréquentait étant enfant-- il est frappé par "l'extrême liberté" des frères qu'il y côtoie. 

 

Enseignement de la philosophie

Avide de la "lumière" qui "éclaire les questions existentielles", ce "cherchant-Dieu", comme il se définit, décide de "tout lâcher", alors qu'il n'a jamais imaginé devenir un jour prêtre. "Je suis assez rebelle par rapport au formalisme dans le monde chrétien qui détourne les gens de Dieu", explique-t-il. Six ans plus tard, il prononce ses vœux perpétuels.

Il va étudier la philosophie qu'il enseignera pendant une dizaine d'années en France, Pologne, Allemagne, Etats-Unis, Philippines et Malaisie, dans des universités, séminaires ou congrégations.

 

Découverte de "l'Homme-joie" de Christian Bobin

Puis, dans un aéroport, il y a six ans, il découvre l'oeuvre de Christian Bobin et son "Homme-joie". Il remplace alors ses cours de philo par des seuls en scène, au festival d'Avignon notamment, et depuis un an à l'Ile-aux-Moines. "La seule tristesse qui se rencontre dans cette vie vient de notre incapacité de la recevoir sans l'assombrir par le sentiment que quelque chose en elle nous est dû. Rien ne nous est dû dans cette vie, pas même l'innocence d'un ciel bleu", déclame le religieux à la lumière d'une bougie, sa voix entrecoupée de silences méditatifs. 

 

  

Des textes qui parlent à tout le monde

Dans la petite salle à manger du presbytère aménagée en théâtre, une vingtaine de personnes, jeunes et moins jeunes, boivent ses paroles. "On peut rester dix ans célibataire dans un mariage, on peut parler des heures sans dire un mot, on peut coucher avec la terre entière et rester vierge", enchaîne le comédien, pieds nus, dans une mise en scène épurée intitulée: "Cette vie merveilleusement perdue à chaque seconde qui va". Les textes de l'auteur du "Très-Bas" "parlent à tout le monde", assure le comédien, reconnaissant se cacher derrière les mots du poète. 

Annie Bourgoin, 71 ans, sort "bouleversée" par l'"incroyable profondeur"qui se dégage du comédien qu'elle dit vouloir désormais voir lors d'une messe à l'église ou sur une plage, où il a également l'habitude de célébrer. L'Ile-aux-Moines, où n'aurait en réalité jamais vécu aucun moine, porte enfin bien son nom.

 

https://www.lexpress.fr/actualites/1/styles/entre-autel-et-planches-frere-gregoire-bouscule-les-codes-de-l-eglise_2030272.html

https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/morbihan/ile-aux-moines-entre-autel-planches-frere-gregoire-bouscule-codes-eglise-1524770.html

 

 

QUESTIONS AU FRERE GREGOIRE PLUS

interview du Journal La Savoie.

 

1/Comment devient-on moine et ensuite comédien ?

 

Je vais vous faire un aveu: je ne sais pas ce que c’est un moine… D’abord, on ne devient pas moine comme on devient boulanger ou médecin ! Puisque c’est se cacher pour vivre de l’attraction d’une personne complètement cachée -Jésus- et se laisser toujours plus prendre par lui. ça prends donc des formes extrêmement diverses. 

Et le comédien, c’est tout sauf jouer un rôle ! C’est être porteur d’une parole qui nous dépasse, que moi je redécouvre de plus en plus en la disant, et la ‘vivre’ en étant le plus vrai, le plus simple possible; cela suppose donc de l’avoir mangé et d’avoir été porté par elle longtemps. C’est pour moi être allaité par une parole vivante, qui vient nous façonner de l’intérieur, qui imprime sa vie propre et qui rejoint nécessairement notre vie la plus intime… 

 

2/ Etre moine suppose un lourd accès au silence, avec la nécessité de la prière et du retrait, un peu l’inverse justement du comédien qui lui doit faire face à un public en s’exposant ?

 

Oui, mais le silence n’est pas nécessairement matériel : c’est d’abord une question d’amour : il faut beaucoup aimer pour être silencieux et se laisser rencontrer par le Tout-Autre; comme pour le comédien : il ne quitte pas son intériorité ni son silence intérieur en donnant son texte; c’est pour cela qu’on peut très bien en fait « jouer un rôle » dans son monastère ou sur scène si on est pas pris par un amour fervent, un amour d’enfant, actuel, qui nous creuse, qui nous blesse et qui fait que même sur scène on n’est pas quitté par celui qui mystérieusement qui nous attire de partout.

 

3/ Dans quelles circonstances avez-vous rencontré l’œuvre de Christian Bobin. Et pourquoi justement cet auteur ?

 

Après des années d’enseignement de la philo à l’étranger, je cherchais des paroles adaptées aux français qui ont un esprit extrêmement critique et corrosif : on a des opinions sur tout ! Et même chez les cathos et le clergé ! Et ça, ça tue la rencontre avec l’autre, ça fait de nous en apparences des petits morts incapables de s’étonner… 

En achetant par hasard « l’homme-joie » de Christian B, j’ai été porté et comme sentie une guérison intérieure qui se faisait par rapport à cet esprit intempestif de jugement; Et je vois de plus en plus combien Christian a porté et touché ce qu’il y a de plus humain en nous : l’émerveillement, la lenteur, l’esprit d’enfance, se laisser déborder par le réel, en côtoyant et en ne fuyant pas le banal de nos journées et les expériences les plus rudes: la mort d’un ami, la maladie d’un parent. Christian est un lutteur qui nous lègue un trésor inestimable qui devrait beaucoup contribuer à la guérison de notre pays….

 

4/ Les mots de l’écrivain sont-ils toujours compatibles avec la Parole de Dieu ou bien encore avec les Evangiles. Est-ce toujours une affaire de foi, ou d’interprétation ?

 

La Parole de Dieu étant aussi large que Dieu, étant une parole de feu et en aucun cas une morale ou du prêchi-prêcha; les mots de Christian sont pour moi une disposition incroyable à cette rencontre avec nous-même, avec le quotidien, avec l’ami, avec la mort dans lesquels Celui qu’on appelle Dieu -mais qui a des milliers de noms- se cache… Dieu c’est d’abord une question d’attention à ce qui est, c’est une question de quitter les wagons de nos projets pour se laisser rencontrer par Celui qui est l’ordinaire et le rien, le silence et la solitude, le rire  atomique d’un vieillard et le regard fixe d’un nouveau né qui nous dévisage sans pudeur un peu étonné de nous voir là….

 

5/ Vous m’avez dit un jour que Christian Bobin, était un mystique. Mais qu’est-ce qu’un mystique au fond ? Quelqu’un d’éprouvé ?

 

Définir un mystique, c’est un peu comme vouloir mettre la main sur le chant d’un oiseau, le rire d’un bébé… hmmm… c’est quelqu’un qui fréquente tellement Dieu dans la splendeur des jours sans histoires qu’il a finit par lui ressembler : il est devenu aussi frais qu’un nouveau-né, un amoureux, un hyper-vulnérable, un trop sensible, un écoutant, un doux, un naïf, un lent, un patient, un clown, bref tout sauf quelqu’un de sérieux ou qui vivrait avec un rétroviseur permanent sur lui-même ! C’est quelqu’un qui se laisse déborder par le réel, envahir par lui jusqu’à si noyer d’extase !

 

6/ Plus spécifiquement qu’est-ce que signifie pour vous croire en Dieu aujourd’hui ?

Croire en Dieu s’est mendier tout les jours à Celui qui est là, caché, de venir me dire qu’il est là, de venir me dire qui je suis pour lui, de venir me prendre dans tout ce que je vis, c’est de lui remettre très simplement tout mes échecs, tout mes murs, c’est me laisser rencontrer et rechercher par Lui sans que je ne puisse jamais mettre là main sur lui ou sa lumière ! c’est, comment dire, une espèce d’abandon confiant qui passe par le fait de prendre la main de celui qui est sur le même chemin que moi, celle de Christian par exemple.

Voir les commentaires

Sans elle, je suis incomplet, une ombre privée de son corps. Le plus étrange est que cette faiblesse me remplit de joie."

9 Août 2018, 00:43am

Publié par Grégoire.

Sans elle, je suis incomplet, une ombre privée de son corps. Le plus étrange est que cette faiblesse me remplit de joie."

Un journaliste suisse m'a dit que mon oeuvre établissait un lien original entre âme et sexe. Je cherche, en effet, l'alliance de la joie des sens et de l'espérance de l'âme que tant de siècles et tant de théologiens ont séparées. Je heurte à la fois les chrétiens puritains et les matérialistes. Tant pis. Le sexe aiguise l'espérance de l'âme. L'étreinte appelle le sacré.

Dans son livre Ces maîtres que Dieu m'a donnés qui paraît dans la collection des éditions du Cerf où j'ai publié La Différence créatrice mon très cher confrère le Père Carré cite cette étonnante phrase de Thomas d'Aquin : « Pardonner aux hommes, les prendre en pitié, c'est oeuvre plus grande que la création du monde. » Et il ajoute lui-même : « La miséricorde est le propre de Dieu. Elle apparaît en toutes ses œuvres " comme la première racine ". Toutefois chacun de nous la reçoit en même temps que la vie divine; elle est la plus haute des vertus. »

Le christianisme n'est pas une morale mais une mystique. C'est à partir de la mystique de l'amour que le feu chrétien reprendra. Sinon le christianisme se diluera dans une morale sociale que rien ne distinguera plus de la morale laïque des instituteurs de la belle époque. Et la mystique, on ira la chercher dans l'Orient extrême. C'est déjà commencé.

Le Diable est l'être pur par excellence. Lucifer, horrifié Par le projet divin de l'Incarnation, se révolta au nom de la Pureté. Les cathares ont senti cela, mais sont tombés dans le Piège. Le Mal, ce n'est pas la chute dans la matière, c'est le refus de la chair. L'angélisme est l'autre nom du satanisme. Qui méprise le corps cherche à l'avilir. Le puritain est un sadique, un bourreau en puissance. Le vrai mystique sait que le sexe rejoint le sacré comme le fleuve la mer.

J. Bourbon Busset, Bien plus qu'au premier jour.

 

Voir les commentaires

" Le poète est le passeur de tout cela qui forme un ordre, un ordre insurgé..."

7 Août 2018, 00:00am

Publié par Grégoire.

" Le poète est le passeur de tout cela qui forme un ordre, un ordre insurgé..."
" Plus je vieillis et plus je trouve qu’on ne peut vivre qu’avec les êtres qui vous libèrent, qui vous aiment d’une affection aussi légère à porter que forte à éprouver. La vie d’aujourd’hui est trop dure, trop amère, trop anémiante, pour qu’on subisse encore de nouvelles servitudes, venues de qui on aime [...]. C’est ainsi que je suis votre ami, j’aime votre bonheur, votre liberté, votre aventure en un mot, et je voudrais être pour vous le compagnon dont on est sûr, toujours ".
 
Albert Camus à René Char, 17 septembre 1957
 
Je crois que notre fraternité – sur tous les plans – va encore plus loin que nous l’envisageons. De plus en plus, nous allons gêner la frivolité des exploiteurs, des fins diseurs de tous bords de notre époque. Tant mieux. Notre nouveau combat commence et notre raison d'exister. Du moins, j’en suis persuadé… Je le devine et je le sens.» 
 
René Char à Albert Camus, 3 novembre 1951
 

 

"On ne peut guère s'attacher à plusieurs choses à la fois, mais il faut être soi tout entier pour une ou deux de ces choses essentielles. Hors de cela on est broyé sans espoir et notre conscience se détourne de nous".

René Char, Le Soleil des Eaux 

Voir les commentaires

le cri de la chouette à midi..

5 Août 2018, 00:29am

Publié par Grégoire.

le cri de la chouette à midi..

Je n'aime ni la sagesse courte des humanistes ni le délire vague des révoltés. J'aime le coup de tonnerre dans un ciel bleu, le cri de la chouette à midi, le mystère en pleine lumière.

Certains êtres parlent peu, ne font pas de grands gestes, déplacent peu d'air et pourtant rayonnent. Ce sont des étangs dormants où brillent des flaques lumineuses. Je crois qu'une vie peut être ainsi, si elle sait être attentive aux choses qui ne font pas de bruit. La vie intense est silencieuse. Ce grand secret prête aux malentendus. Le silence n'est pas le mutisme. Le silence a quelque chose à dire mais ne fait que le suggérer. Tel est le rôle des blancs entre les paragraphes. La phrase terminée résonne encore.

Sur notre balcon, tous les matins, un moineau vient se baigner dans l'assiette remplie d'eau où L. a posé un pot de géranium. Il doit penser que les humains ont été créés pour procurer aux oiseaux le moyen de se baigner à bon compte Notre finalisme est-il beaucoup moins naïf ?

J.  Bourbon Busset, Bien plus qu'aux premiers jours.

Voir les commentaires

Force de la faiblesse..

3 Août 2018, 01:15am

Publié par Grégoire.

Force de la faiblesse..

Dans l'apparente faiblesse de l'amour se cache une force extrême, la force de la gratuité, de l'innocence, de l'inutilité. Le christianisme cherche à dire cela mais on ne l'écoute guère. La fausse faiblesse de l'amour est une vérité cachée qui, révélée, bouleverserait tout.

L'amour du couple réconcilie l'homme et la nature. Les amants ont l'un pour l'autre le regard du peintre pour le paysage, regard exigeant et complice. L'être aimé est un arbre qui marche, un nuage immobile, une rivière qui rebrousse chemin et éclate de rire. L'attachement à un être change la couleur du monde.

J.Bourbon Busset, Bien plus qu'aux premiers jours.

Voir les commentaires

Bien plus qu'au premier jour.

1 Août 2018, 00:09am

Publié par Grégoire.

Bien plus qu'au premier jour.

26 octobre 1981

Ce n'est pas par moralisme, c'est pour sauver la force du désir qu'il faut le structurer. Le désir s'évanouit quand il n'est pas confronté à certains obstacles, à certaines limites. Il faut des structures pour faire des désirs. Ainsi l'amour qui grandit avec le temps, l'amour à toute épreuve est une passion structurée. L'amour vrai n'est pas une impulsion irrationnelle et incontrôlée, c'est un sentiment réfléchi et voulu, c'est un amour qui a une structure. Cependant cette structure doit être une structure souple, non un corset de fer. L'amour durable, c'est l'amour à structure souple, où l'invention ne cesse de venir au secours de la constance. L'autoréorganisation est le secret de la durée. Cela est vrai d'une forêt, d'une usine, d'une ville, d'une politique. La structure souple est la clé, sans doute parce que la vérité elle-même est une structure souple.

31 octobre 1981.

L'autre s'apprend dans la solitude à deux. L'expérience métaphysique de l'autre se fait dans la vie solitaire partagée. C'est cela que la vie m'apporte. On dira à juste titre que la solitude est un privilège, mais c'est aussi un état d'esprit. Aux pires heures de l'Occupation, dans un métro bondé, L. et moi nous nous sentions tout à fait solitaires et tout à fait accordés non seulement l'un à l'autre mais à tous ceux qui vivaient l'époque comme nous la vivions. L'autre rapproche des autres. Étreindre un être, c'est étreindre le monde,

Les vérités sont complémentaires. C'est pourquoi on les trouve plus facilement à deux. Mettre un être à part et se vouer à lui, cela paraît à la fois déraisonnable et asocial. Et si c'était la décision la plus raisonnable et la plus sociale ? Il Y a plus de chances d'aller plus loin avec un être qu'avec plusieurs et le lien social n'a de sens que s'il est intensif. L'amour est le foyer épique de l'individu, le foyer lyrique de la société.

Jacques de Bourbon Busset, Bien plus qu'au premier jour.

 

Voir les commentaires