Jésus-Roi, c’est Jésus qui nous révèle la place qu’il nous donne : Il nous veut Roi, et le voulant, on l’est ! Sa parole est efficace : lorsqu'il parle, cela est, immédiatement, réalisant en moi ce qu’elle signifie : « Venez les bénis, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde ».
Cette dignité royale est donc celle des plus petits, des plus pauvres, de ceux qui ne peuvent s'appuyer sur aucune de leurs qualités ! Et c'est cela la royauté et le gouvernement de Jésus : il vient nous donner à vivre tout ce qu'il est !
Par la Révélation, je sais que ce qui est à Jésus est mien. Je suis donc roi avec lui, et Jésus gouverne -ou conduit chacun- de l'intérieur, en s'emparant de tout nos manques pour nous marquer, nous enfanter. Et, on exerce ce 'pouvoir' royal sur tout nos frères humains, dès qu'on dévoile et donne -en la vivant- notre adoption filiale qui est LE jugement de Jésus sur nous.
Jésus n'est pas un petit juge qui pèserait en nous le bien et le mal ; Ce regard là, est celui des petits scrupuleux, constipés de l'intelligence et autres intégristes en mal de réparation. Un tel regard maladif, étriqué et matérialiste n'a jamais fait qu'organiser le désespoir et répandre la terreur sur la terre ! Il est celui de ceux qui comptent encore sur leurs petits efforts, leurs petites pénitences, leurs résultats. C’est toujours le regard de ceux qui sont très satisfaits dès qu'ils se comparent, et très déçu lorsqu'ils se regardent, et qui se tyrannisent désespérément pour y arriver et montrer aux autres de quoi ils sont capables ! Ceux dont « l’orgueil à vif n’a cure ni de patience, ni de douceur » disait Bernanos.
Jésus nous « juge » non pas en regardant notre vie de l’extérieur et selon des résultats matériels et mesurables. Son jugement c’est un regard qui nous recrée, nous fait autre. C’est cela pour lui « juger » : faire que telle personne devienne son héritier, reçoive sa dignité.. Son ‘jugement’ est celui d'un artiste divinement efficace, qui regarde la pauvre matière que nous sommes et en fait un chef-d'oeuvre sans même nous demander notre avis!
Son jugement voit toutes nos potentialités et s'en empare pour en faire une perle divine, son lieu précieux, son trésor, son secret, son repos, son royaume, sa joie ! Son jugement vient séparer en nous ce qui est pharisien, satisfait, repus, de ce qui est pauvre, nul assoiffé, et sans éclat. Et ainsi, son 'jugement', son regard sur moi me fait être quelqu'un pour lui, quelqu'un de radicalement nouveau, recréé, unique pour lui. Et oui, l'amour de Jésus est capricieux et jaloux : il ne peut pas supporter qu'on ait pas tout ce qu'il est ! Et donc il nous l'impose dès qu'il trouve en nous une pauvreté, une blessure, une attente !
En cela il "juge" : il discerne en moi ce qui est en 'attente' d'être divinisé maintenant. Pas demain, maintenant ! Et les boucs, les brebis galeuses sont celles qui déforment le jugement de Jésus en celui d'un petit juge.
Comment Jésus veut gouverner avec moi? En agissant comme lui, en étant un autre Jésus sur terre "vous êtes la lumière du monde" : en donnant gratuitement à manger, à boire de cette dignité divine que Jésus a acquise pour chacun … Cela, c’est la justice du Roi qui ne mesure pas, qui donne avec largesse, avec excès, en faisant sien la misère du plus petit : « Sa pauvreté, fais-la tienne ! » Et qui en échange donne à vivre ce qu’il est.
Celui qui nous fait confiance, nous confie son royaume ! Il veut qu’on règne sur ce qu'Il a de plus précieux : mon frère, ma sœur, le désespéré qui souhaiterait tant qu’on lui prenne sa misère, mais qui en a tellement honte ! Le pauvre type là que je suis, c’est ça le royaume de Dieu qui nous est confié ! La médiocrité, la nullité, la lenteur et la pourriture des pauvres : c’est cela que Jésus me confie pour que j’y révèle, là, ce que Jésus en a fait !
Et il en fait quoi de celui que je considère comme un pauvre type ? et bien il en a fait : son temple, sa demeure, son lieu, son épouse, à cause de son trop grand amour, de son amour excessif, insupportable tellement il est de trop ! Et c'est à moi d'aller le lui dire, (d'aller me le dire à moi-même, puisque je suis souvent un pauvre type insupportable pour moi-même..) en le recevant comme l'épousé de Jésus, son ami, son intime !
Et cela, de fait... on n’y arrive pas. Pas beaucoup en tout cas.. Car on n’est pas fait non plus pour y arriver, pour obtenir des résultats.. mais pour être blessé, immolé par un désir qui est plus grand que toutes réalisations, que toutes œuvres ou manifestations.
Et c'est là que l'on est pleinement roi : en croyant que nous sommes revêtu de la plus grande des dignités, que nous sommes le trésor de Dieu, mais caché, donc sans pouvoir en vivre vraiment, sans pouvoir en user. Nous sommes roi dans notre impuissance, dans nos faiblesses, nos pauvretés; Vouloir vivre de ce don de Jésus tellement énorme, c'est accepter de ne pouvoir rien faire d’autre que d’être crucifié dans notre désir de vivre ce don, cette dignité royale, divine et de la révéler à chacun;
Être roi avec Jésus c’est donc bien ultimement accepter comme Lui d’être agneau, de passer pour un séducteur, quelqu’un qui détourne de Dieu, condamné.. pour n’être plus qu’attente, pour tout ces pauvres que sont les satisfaits et les petits juges; attente, victime, cri qui clame vers le Père : « j’ai soif »
Grégoire +