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QUE CHERCHEZ-VOUS ?

J'ai téléphoné juste pour entendre une voix .. je suis déjà tombé amoureux d'un sourire ..

31 Mars 2020, 06:59am

Publié par Grégoire.

J'ai téléphoné juste pour entendre une voix .. je suis déjà tombé amoureux d'un sourire ..

 

Je suis désolé, mais je ne veux pas être empereur, ce n'est pas mon affaire. Je ne veux ni conquérir, ni diriger personne. Je voudrais aider tout le monde dans la mesure du possible, juifs, chrétiens, païens, blancs et noirs. Nous voudrions tous nous aider si nous le pouvions, les êtres humains sont ainsi faits. Nous voulons donner le bonheur à notre prochain, pas lui donner le malheur. Nous ne voulons pas haïr ni humilier personne. Chacun de nous a sa place et notre terre est bien assez riche, elle peut nourrir tous les êtres humains. Nous pouvons tous avoir une vie belle et libre mais nous l'avons oublié.

 

L'envie a empoisonné l'esprit des hommes, a barricadé le monde avec la haine, nous a fait sombrer dans la misère et les effusions de sang. Nous avons développé la vitesse pour nous enfermer en nous-mêmes. Les machines qui nous apportent l'abondance nous laissent dans l'insatisfaction. Notre savoir nous a fait devenir cyniques. Nous sommes inhumains à force d'intelligence, nous ne ressentons pas assez et nous pensons beaucoup trop. Nous sommes trop mécanisés et nous manquons d'humanité.

 

Nous sommes trop cultivés et nous manquons de tendresse et de gentillesse. Sans ces qualités humaines, la vie n'est plus que violence et tout est perdu.

 

Les avions, la radio nous ont rapprochés les uns des autres, ces inventions ne trouveront leur vrai sens que dans la bonté de l'être humain, que dans la fraternité, l'amitié et l'unité de tous les hommes.

 

En ce moment même, ma voix atteint des millions de gens à travers le monde, des millions d'hommes, de femmes, d'enfants désespérés, victimes d'un système qui torture les faibles et emprisonne des innocents.

 

Je dis à tous ceux qui m'entendent : Ne désespérez pas ! Le malheur qui est sur nous n'est que le produit éphémère de l'habilité, de l'amertume de ceux qui ont peur des progrès qu'accomplit l'Humanité. Mais la haine finira par disparaître et les dictateurs mourront et le pouvoir qu'ils avaient pris aux peuples va retourner aux peuples. Et tant que des hommes mourront pour elle, la liberté ne pourra pas périr.

 

Soldats, ne vous donnez pas à ces brutes, à une minorité qui vous méprise et qui fait de vous des esclaves, enrégimente toute votre vie et qui vous dit tout ce qu'il faut faire et ce qu'il faut penser, qui vous dirige, vous manœuvre, se sert de vous comme chair à canons et qui vous traite comme du bétail.

 

Ne donnez pas votre vie à ces êtres inhumains, ces hommes machines avec une machine à la place de la tête et une machine dans le cœur.

 

Vous n'êtes pas des machines.

 

Vous n'êtes pas des esclaves.

 

Vous êtes des hommes, des hommes avec tout l'amour du monde dans le cœur.

 

Vous n'avez pas de haine, sinon pour ce qui est inhumain, ce qui n'est pas fait d'amour.

 

Soldats ne vous battez pas pour l'esclavage mais pour la liberté.

 

Il est écrit dans l'Evangile selon Saint Luc « Le Royaume de Dieu est au milieu de vous », pas dans un seul humain ni dans un groupe humain, mais dans tous les humains, mais en vous, en vous le peuple qui avez le pouvoir, le pouvoir de créer les machines, le pouvoir de créer le bonheur. Vous, le peuple, vous avez le pouvoir, le pouvoir de rendre la vie belle et libre, le pouvoir de faire de cette vie une merveilleuse aventure.

 

Alors au nom même de la Démocratie, utilisons ce pouvoir. Il faut tous nous unir, il faut tous nous battre pour un monde nouveau, un monde humain qui donnera à chacun l'occasion de travailler, qui apportera un avenir à la jeunesse et à la vieillesse la sécurité.

 

Ces brutes vous ont promis toutes ces choses pour que vous leur donniez le pouvoir : ils mentaient. Ils n'ont pas tenu leurs merveilleuses promesses : jamais ils ne le feront. Les dictateurs s'affranchissent en prenant le pouvoir mais ils font un esclave du peuple.

 

Alors, il faut nous battre pour accomplir toutes leurs promesses. Il faut nous battre pour libérer le monde, pour renverser les frontières et les barrières raciales, pour en finir avec l'avidité, avec la haine et l'intolérance. Il faut nous battre pour construire un monde de raison, un monde où la science et le progrès mèneront tous les hommes vers le bonheur.

Soldats, au nom de la Démocratie, unissons-nous tous !

 

Charlie Chaplin 

 

 

"J'ai pardonné des erreurs presque impardonnables, j'ai essayé de remplacer des personnes irremplaçables et oublié des personnes inoubliables. J'ai été déçu par des gens que j'en croyais incapables, mais j'ai déçu des gens aussi. J'ai tenu quelqu'un dans mes bras pour le protéger. Je me suis fait des amis éternels. J'ai ri quand il ne le fallait pas. J'ai aimé et je l'ai été en retour, mais j'ai aussi été repoussé. J'ai crié et sauté de tant de joies, j'ai vécu d'amour et fait des promesses éternelles, mais je me suis brisé le coeur, tant de fois !

J'ai pleuré en écoutant de la musique ou en regardant des photos. J'ai téléphoné juste pour entendre une voix, je suis déjà tombé amoureux d'un sourire. J'ai déjà cru mourir par tant de nostalgie. J'ai eu peur de perdre quelqu'un de très spécial (que j'ai fini par perdre). Mais j'ai survécu ! Et je vis encore ! Et la vie, je ne m'en lasse pas. Et toi non plus tu ne devrais pas t'en lasser. Vis ! Ce qui est vraiment bon, c'est de se battre avec persuasion, embrasser la vie et vivre avec passion, perdre avec classe et vaincre en osant... parce que le monde appartient à celui qui ose ! La vie est beaucoup trop belle pour être insignifiante!"

Charlie Chaplin 

 

 

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«Ecrire sur la fin d’un monde»

30 Mars 2020, 00:50am

Publié par Grégoire.

«Ecrire sur la fin d’un monde»

 

Une fois prononcé, le mot devient une parole. Une voix, ou même une langue. Une fois dit, le mot évolue. Il se transforme, s’adapte, transmue. Il se propage. Tout simplement le mot devient un virus de communication. Un virus qui a besoin de l’oreille de quelqu’un pour prospérer. Mais une fois écrit, le mot peut devenir tout et n’importe quoi: la déclaration des droits de l’homme, Don Quichotte, une recette «simplifiée» de tartiflette, une lettre d’amour, Magna Charta Libertatum ou un rapport policier… Une chose est sûre. Posé sur le papier, le mot reste. Tel un signe graphique de notre émotion. Une fois écrit, notre mot sort du silence et de sa solitude. Il devient alors une expérience collective, appelée aussi lecture.

 

***

J’ai 55 ans et par un malentendu géopolitique je suis né en Yougoslavie. Je ne suis pas mort à la guerre, ni dans les camps. Je suis survivant. Réfugié. J’ai eu la chance d’échanger la fin du communisme pour le crépuscule du capitalisme. De passer de l’éducation collective à l’individu. Du nous au moi. A posteriori, je me demande quelle aurait été la réaction du pouvoir yougoslave face à la propagation du Covid-19. Pour les pays, disons, démocratiques, les résultats sont aussi discutables. Avouons-le, c’est très compliqué en France, comme en Suisse. Je simplifie un peu mais il me semble que pour la première fois l’homme occidental doive réfléchir collectivement. Faire le chemin opposé au mien, du moi aller vers le nous.

Notre société si moderne et connectée est très, très fragile. Arrêtée net par le coronavirus. Un grand coup de pied dans notre univers peuplé de citoyens du monde. Une société dans laquelle, soudainement, le mot partager commence à devenir synonyme de contagion. Le Village Global de Marshall McLuhan est fiévreux et éternue. Et nous n’avons pas l’antidote, pour l’instant.

***

 

Les différences entre totalitarisme et démocratie sont essentielles. Dans un pays totalitaire, nous n’avons aucune information sur rien. En démocratie, nous en avons, mais trop. Sous les dictatures, la réponse à toute question politique ou sociale est: je ne sais rien. Ici en Occident: tout le monde sait tout. Quel enfer est-il plus insupportable? Vivre sans ou avec trop d’informations? Dans le silence et les non-dits ou dans la cacophonie? Le vrai ou faux?

Notre monde est à l’arrêt. Démocratie et pandémie sont-ils compatibles? La sacro-sainte liberté – de sortir, de circuler, d’aller voter – ou le confinement dur à la chinoise? Ici, nous avons l’impression que nos élites nous mentent. En attendant, notre macrocosme et notre macroéconomie sont confinés. Les requins de l’ultralibéralisme triomphant et sans bornes sont claustrés dans un tout petit bocal d’aquarium. Chez nous en Bosnie, on dit: un petit marécage et beaucoup de crocodiles.

Avec un vrai danger.

Que notre mémoire ne devienne celle des poissons rouges.

Une dizaine de secondes environ.

***

Alors, certes, il nous reste la littérature. Mais comment écrire en temps de pandémie? Un blog, un post sur Facebook, un tweet, un journal (au secours!!!!) d’écrivain confiné? Quoi dire?

Par sa forme et son essence la littérature refuse la modernité. Les vrais écrivains demandent du temps et du silence tandis que l’écriture dans l’urgence ou sur la Toile réclame immédiatement la scène, la foule, le bruit et la fureur, le sang et les larmes, les likes et les dislikes… Faire une littérature grossiste qui distille les émotions collectives, les peurs, les joies. Une écriture d’affirmation et pas de questionnements.

Celui qui croit en tout est fou. Identique à celui qui ne croit en rien. Les temps cruels nous imposent un vocabulaire particulier, urgent et sérieux. Les grandes pensées et les mots savants. Les phrases «définitives». Dans le genre: la fin de l’humanité ne signifie pas la fin du monde. Ou: la repentance est bonne, mais l’innocence est encore meilleure.

Il n’y a rien de pire que la prise de conscience ultérieure. Alors écrire ou pas dans un monde malade? Rester romancier ou devenir chroniqueur? S’inscrire dans le durable ou l’éphémère?

Tant de questions sans réponses pour un «homme de lettres».

Une chose est certaine.

Les histoires durent plus que les hommes.

***

Le monde malheureusement, dixit l’aveugle clairvoyant Borges, est réel, et moi malheureusement je suis Borges. La pandémie actuelle ne nous apprend rien de nouveau. L’homme est un être étonnant. Il a besoin des mots et d’un vaccin en même temps. De se sentir bien et d’une voix rassurante qui lui dise: eh oui, tout va bien.

Plus que jamais, un écrivain a une tâche responsable. Trouver le bon, le vrai mot. Tout en sachant qu’il n’y a rien de plus discutable que nos certitudes. Souvenons-nous, pendant plusieurs siècles l’homme marchait sur une terre plate. Et c’était une certitude, claire et sûre, de celles que vous n’avez pas besoin de vérifier.

Comme nous tous, j’ai plus souvent regretté la parole que le silence. Tout est possible sauf deux choses. Remettre le dentifrice dans le tube. Et retirer la parole prononcée. Ce qui a été dit.

Il faut alors, dans les limites de notre intelligence et de nos possibilités, faire attention aux mots. A la parole. Les manipuler comme quelque chose de beau et de précieux. Et de dangereux comme de la nitroglycérine. Avec précaution. Mais pas avec peur. Juste de la Prudence.

Sur la Toile comme dans la vraie vie.

Devant les êtres vivants et encore plus devant un écran.

La prudence ne signifie pas nécessairement l’intelligence. Juste faire attention. Et ne jamais oublier que la littérature ne peut pas être meilleure que la planète. Plus belle, mieux conçue et mieux «réalisée» oui. Mais pas meilleure. Le monde, malheureusement, est réel.

Enfin, même le bon Dieu a écrit deux fois son testament.

Velibor Čolić

P.-S.: C’est une femme qui dit à son mari: «Ecoute Raymond, on va poster sur Facebook qu’on a le coronavirus. Comme ça les voisins vont croire qu’on est allé à Venise.»

Velibor Čolić est né en Bosnie en 1964. Il vit en France depuis 1992. Il a écrit plusieurs romans en bosniaque avant de choisir le français. «Manuel d’exil, réussir son exil en 35 leçons» lui a valu un large succès. Dernier titre paru: «Le Livre des départs» (Gallimard, 2020).

https://veliborcolic.wordpress.com

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 Vous me connaissez ? Vous savez d’où je suis ? 

28 Mars 2020, 11:06am

Publié par Grégoire.

 Vous me connaissez ? Vous savez d’où je suis ? 

 

« Vous me connaissez ? Vous savez d’où je suis ? » Jean 7, 28

 

Ces interpellations de Jésus à ceux qui l’écoutent, face à leurs murmures, c’est un cri, une tristesse, une blessure qu’il manifeste. Ces interrogations adressées à ceux qui sont ses frères, son peuple, ses apôtres, il faut les laisser descendre en nous.. et essayer de toucher la manière dont il interrompt son enseignement pour dire sa vulnérabilité face aux jugements hâtifs dans lesquels ils l’enferment.

 

C’est au Temple, à l’occasion d’un enseignement donné avec autorité que Jésus interroge ainsi les siens, manifestant là l’obstacle premier qui les empêche de le recevoir : croire le connaitre ! Juger de l'extérieur ce qui anime sa vie, ramener son intention profonde à un résultat visible et mesurable !

 

Parce qu’ils sont pris par le quand dira-t-on, l’opinion commune, ce qu’en disent les médias de l’époque, il n’y a plus chez ces juifs d’attente.. ou plutôt ils n’attendent plus qu’un salut humain, à leur taille, selon un regard juridique, s’empêchant ainsi d’aller plus loin qu’eux mêmes !

 

Or, Jésus ne vient pas d’abord résoudre nos problèmes terrestres, ni nous rétablir dans l’ancienne Alliance, ni être un gendarme scrupuleux d’une loi religieuse ou liturgique ! Il vient nous mettre face au Père et nous en faire vivre. Tout de suite. Là. Maintenant.

 

C’est pour cela qu’il n’est pas à notre portée : rien en nous n’est adéquat ou proportionnel à son don, à sa lumière ! Et ça, on l’oublie tellement vite ! Autrement dit, Dieu est toujours de trop pour nous ! Alors que très vite, pour le croyant, Dieu fait partie des meubles, et on croit, en toute modestie, qu’on peut, par soi-même, en conscience, répondre librement à ce qu’il propose ! Mais NON ! C’est une horreur de croire que « Dieu propose, et que la personne humaine répondrait librement, si elle veut.. »

 

Pourquoi ?

 

Premièrement parce que l’amour s’impose ! L’amour ne nous laisse pas libre ! Et ça, c’est insupportable pour nos mentalités modernes, d’avoir à accepter que quelque chose s’impose à moi avant que je l’ai décidé, accepté, choisit ! Que je ne suis pas d’abord le fruit de mes choix.

 

Et, malheureusement, la petite bestiole qui, aujourd'hui, met à mal la moitié de l’humanité est un exemple criant que nous ne sommes pas premièrement décideurs de nos vies !

 

Ensuite, devant Dieu, nous ne sommes pas d'abord libre ! Il ne nous a pas demandé la permission pour savoir si on voulait où non vivre.. et apparaitre dans tel pays, à telle époque... 

 

Plus profondément, Jésus vient -et c'est une initiative gratuite- pour nous donner de vivre d’une lumière qui est, pour nous, de trop, qui nous excède et même qui nous éprouve, au point que je ne suis pas capable de la recevoir par moi-même ! Dieu n’est pas dans le prolongement de nos projets humains ou religieux; de nos désirs affectifs, matériels ou même spirituels ! 

 

Il nous fait entrer par son initiative, dans sa vie la plus intime ! C'est en cela que rien sur terre ne peut répondre à la soif qui est en nous ! Et cette vie, y répondre par oui ou non, reviendrait à dire qu'on peut mesurer son don.. Or, Dieu est de trop pour nous !!! Il nous excède ! Croire qu’on peut répondre par nous-même à son don, à sa présence, à sa lumière, c’est se croire capable de lui… c’est se croire capable de devenir Dieu, de se mettre à sa taille par nous-même !

 

Ça à l’air de rien de dire ça, mais c’est capital : on ne peut qu’être en attente de son don et aussi de sa grâce pour lui répondre !! Et là, c'est dans le choix de cette attitude de se reconnaitre pauvre, non capax, qu'on est libre ! Libre de reconnaitre notre radicale petitesse ! Notre totale incapacité de le recevoir et lui répondre ! Libre de mendier qu’il vienne non seulement nous éclairer, mais encore de ne pas faire obstacle à son don !

 

Jésus en effet vient nous entraîner dans un don auquel on ne peut pas se préparer ! C’est une oeuvre de résurrection qu’il vient opérer, pas du rafistolage ou un replâtrage ! On a facilement cette tentation de croire qu'il est venu pour qu’enfin on soit autonome, épanouie, sans plus rien de ce qui nous agace et nous empêche de vivre ce petit bonheur au sommet duquel sont nos congés payés, notre capital santé et une succession d'émotions creuses et stupides !

 

Aussi, attendre de lui des choses très précises, c’est croire le connaitre et c’est s’empêcher d’être attirer hors de soi.. C’est le problème des pharisiens,  des biens-pensants et de tout les ‘spirituels’ qui veulent y arriver par eux-même, et qui croient répondre librement : c.a.d en « connaissance de cause », comme si l’évangile était une recette de cuisine à appliquer, au terme de laquelle je ne sais quelle perfection serait acquise !

 

Et, précisément, Jésus enseigne au Temple, lieu de la rencontre avec Dieu, pour redonner le vrai sens du sacrifice offert à Dieu; on ne peut être vers Dieu, l’attendre, qu’en choisissant de tout brûler : tout nos acquis, toutes nos certitudes, tout ce qu’on croit savoir, toutes nos qualités et ce sur quoi on s’appuie ! Autrement on s’aveugle et on se rend incapable de recevoir ses initiatives d’amour ! « vous dites ‘nous voyons’ c’est pourquoi votre péché demeure ! » Jean 9

 

On ne peut se présenter devant Dieu que comme un pauvre; Mais un pauvre comme Jésus s’en fait le signe : à la croix, où il est ‘ver non point homme, objet de rebut et de mépris devant lequel on se voile la face…’

Or ça, par nous-même, on est loin d’en être capable ! Ou bien alors dans cette version doloriste qui a pu exister et qui a trop souvent été une copie très matérielle et extérieure de son don..

 

La croix est le signe d’un amour qui ne peut se dire, sinon dans le silence, pour qu'il n'y ait plus que l'attraction de sa bonté ... il est substantiellement bon, et son effet propre est de creuser en nous un abîme de pauvreté, élargir l’espace de notre tente intérieure…

 

On ne commence à le connaitre que lorsqu'on se laisse toucher, dans le secret de notre coeur par cette présence ineffable qui nous dit : « mon amour pour toi est plus silencieux que le silence… »

 

Grégoire

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Il y a un instant où le monde est laissé seul. Abandonné.

27 Mars 2020, 02:46am

Publié par Grégoire.

Il y a un instant où le monde est laissé seul. Abandonné.

 

Un éclair de l’au-delà traverse mon cerveau. C’est une pie, ou un geai, qui vient de passer en rase-mottes dans le pré. Je n’ai pas eu le temps de bien voir ce que c’était, juste celui de savourer la joie du pur éclair. C’était l’entame de ma journée. Après, il y a eu la lumière qui franchissait l’obstacle des rideaux sales et tombait sur le carrelage de la cuisine.

 

La lumière est une lettre ouverte. Elle me dit chaque fois le plus urgent: « Tiens, puisque tu me vois, puisque tu me prêtes attention et que tu m’aimes, c’est que tu es vivant. » Qu’est-ce que « voir »? Aujourd’hui, je dirais: c’est être cueilli; voilà, « cueilli »: quelque chose – un événement, une couleur, une force – vous fait venir à lui, comme les petits enfants prennent une marguerite par le cou, et tirent. La beauté nous décapite. Un oiseau non reconnu et un rideau sale m’emmènent au ciel.

 

Vous êtes derrière cette lettre que je vous écris. Vous êtes très difficile à atteindre. Il me semble que si je prends le plus banal, le secret que nous avons en commun d’avoir à mourir un jour, si j’empoigne un peu de lumière sale et que je la jette sur la page, vous serez là soudain, nous serons réunis par la même joie simple.

 

L’oiseau, c’était un geai, je crois. Quand je mets mes yeux dans les yeux des bêtes, tous les anges défilent devant moi. Plus tard, vers le milieu de l’après-midi, un silence s’est fait partout dans le pré. Plus d’oiseau, pas de vent, rien. Je pensais à cette lettre. Elle n’avançait pas. Le ciel soudain a pâli comme quelqu’un à qui on vient d’annoncer une mort. Les lumières ont tourné au gris, suffoquées. Il n’y avait plus rien. Des pensées, oui, mais des pensées sans force, aucune qui arrache le temps comme une vieille affiche pour découvrir la lumière éternelle par-dessous. Et puis le ciel s’est rallumé, tout a repris son cours.

 

C’est quelque chose qui arrive très souvent, vers le milieu de l’après-midi. On s’en aperçoit peu. Il faut être prisonnier ou malade, ou assis devant une table, en train d’écrire, pour s’en apercevoir: l’étoffe du jour est trouée. Par les trous, on voit le diable – ou, si vous préférez ce mot plus calme, le néant.

 

Il y a un instant où le monde est laissé seul. Abandonné. C’est comme si Dieu reprenait son souffle. Un intervalle de néant entre deux domaines de la lumière.

Oui, cette fois, j’en suis sûr, c’était un geai. Je reconnais ces oiseaux à leur lourdeur qui fait leur grâce. Quand ils déploient leurs ailes, on dirait un jeu de cartes en éventail avec que des as. J’ai entendu un paysan se plaindre d’eux, de leurs larcins. Les geais et les mendiants appartiennent à la même confrérie décriée.

 

L’oiseau avait traversé le néant, était ressorti de l’autre côté, faisant le lien entre deux domaines lumineux. Et comme le travail du geai ne suffisait pas et que la nature contrairement à Dieu ne nous abandonne jamais, la lumière est venue à la rescousse dans la cuisine, la lumière périssable a traversé le rideau sale de mon âme et m’a parlé de la lumière éternelle afin qu’à mon tour, je vous en parle, à vous.

 

Christian Bobin.

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La Vierge à midi

25 Mars 2020, 05:04am

Publié par Grégoire.

La Vierge à midi
Il est midi. Je vois l’église ouverte. Il faut entrer.
Mère de Jésus-Christ, je ne viens pas prier.
Je n’ai rien à offrir et rien à demander.
Je viens seulement, Mère, pour vous regarder.
Vous regarder, pleurer de bonheur, savoir cela
Que je suis votre fils et que vous êtes là.
Rien que pour un moment pendant que tout s’arrête.
Midi !
Etre avec vous, Marie, en ce lieu où vous êtes.
Ne rien dire, regarder votre visage,
Laisser le cœur chanter dans son propre langage.
Ne rien dire, mais seulement chanter
Parce qu’on a le coeur trop plein,
Comme le merle qui suit son idée
En ces espèces de couplets soudains.
Parce que vous êtes belle, parce que vous êtes immaculée,
La femme dans la Grâce enfin restituée,
La créature dans son honneur premier
Et dans son épanouissement final,
Telle qu’elle est sortie de Dieu au matin
De sa splendeur originale.
Intacte ineffablement parce que vous êtes
La Mère de Jésus-Christ,
Qui est la vérité entre vos bras, et la seule espérance
Et le seul fruit.
Parce que vous êtes la femme,
L’Eden de l’ancienne tendresse oubliée,
Dont le regard trouve le coeur tout à coup et fait jaillir
Les larmes accumulées,
Parce que vous m’avez sauvé, parce que vous avez sauvé la France,
Parce qu’elle aussi, comme moi, pour vous fut cette chose à laquelle on pense,
Parce qu’à l’heure où tout craquait, c’est alors que vous êtes intervenue,
Parce que vous avez sauvé la France une fois de plus,
Parce qu’il est midi,
Parce que nous sommes en ce jour d’aujourd’hui,
Parce que vous êtes là pour toujours,
Simplement parce que vous êtes Marie,
Simplement parce que vous existez,
Mère de Jésus-Christ, soyez remerciée !
Paul Claudel
Il est midi. Je vois l’église ouverte. Il faut entrer.

Mère de Jésus-Christ, je ne viens pas prier.

Je n’ai rien à offrir et rien à demander.

Je viens seulement, Mère, pour vous regarder.

Vous regarder, pleurer de bonheur, savoir cela

Que je suis votre fils et que vous êtes là.

Rien que pour un moment pendant que tout s’arrête.

Midi !

Etre avec vous, Marie, en ce lieu où vous êtes.

Ne rien dire, regarder votre visage,

Laisser le cœur chanter dans son propre langage.

Ne rien dire, mais seulement chanter

Parce qu’on a le coeur trop plein,

Comme le merle qui suit son idée

En ces espèces de couplets soudains.

Parce que vous êtes belle, parce que vous êtes immaculée,

La femme dans la Grâce enfin restituée,

La créature dans son honneur premier

Et dans son épanouissement final,

Telle qu’elle est sortie de Dieu au matin

De sa splendeur originale.

Intacte ineffablement parce que vous êtes

La Mère de Jésus-Christ,

Qui est la vérité entre vos bras, et la seule espérance

Et le seul fruit.

Parce que vous êtes la femme,

L’Eden de l’ancienne tendresse oubliée,

Dont le regard trouve le coeur tout à coup et fait jaillir

Les larmes accumulées,

Parce que vous m’avez sauvé, parce que vous avez sauvé la France,
Parce qu’elle aussi, comme moi, pour vous fut cette chose à laquelle on pense,
Parce qu’à l’heure où tout craquait, c’est alors que vous êtes intervenue,
Parce que vous avez sauvé la France une fois de plus,

Parce qu’il est midi,

Parce que nous sommes en ce jour d’aujourd’hui,

Parce que vous êtes là pour toujours,

Simplement parce que vous êtes Marie,

Simplement parce que vous existez,

Mère de Jésus-Christ, soyez remerciée !

Paul Claudel 

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Les contemplatives, «maîtresses de la vie cachée et heureuse»

24 Mars 2020, 15:28pm

Publié par Grégoire.

Les contemplatives, «maîtresses de la vie cachée et heureuse»

Dans une lettre adressée aux religieuses contemplatives italiennes, l'évêque d'Avellino rappelle leur rôle essentiel dans cette période difficile de confinement, même si elles vivent loin des regards.

 

 

Lettre écrite depuis le désert

 

«Nous nous tournons vers vous, sœurs « en clôture », pour demander votre prière, pour soutenir vos bras levés, comme ceux de Moïse sur la montagne, en ce temps particulièrement dangereux et pénible pour nos communautés éprouvées : notre résilience et la victoire future dépendent de votre résistance dans l’intercession.

 

Vous êtes les seules Italiennes à ne pas remuer un muscle facial devant la pluie de décrets et de dispositions restrictives qui nous tombent dessus en ces jours parce que ce qui nous est demandé pour quelque temps, vous le faites déjà depuis toujours et ce que nous subissons vous l’avez choisi.

 

Enseignez-nous l’art de vivre contentes de rien, dans un petit espace, sans sortir, et cependant engagées dans des voyages intérieurs qui n’ont pas besoin d’avions ni de trains.

« Donnez-nous de votre huile » pour comprendre que l’esprit ne peut pas être emprisonné, et que plus l’espace est étroit, plus large s’ouvre le ciel. Rassurez-nous : on peut vivre de peu et être dans la joie, rappelez-nous que la pauvreté est la condition inéluctable de chaque être parce que, comme disait Don Primo Mazzolari, « il suffit d’être homme pour être un pauvre homme ».

 

Redonnez-nous le goût des petites choses, vous qui souriez en voyant un lilas fleuri devant la fenêtre de votre cellule et saluez une hirondelle qui vient annoncer que le printemps est de retour, vous qui êtes émues face à une douleur et qui exultez encore devant le miracle d’un pain qui dore au four.

 

Dites-nous qu’il est possible d’être ensemble sans être amassés, de correspondre de loin, de s’embrasser sans se toucher, de s’effleurer par la caresse d’un regard ou d’un sourire, simplement… de se regarder.

 

Rappelez-nous que la parole est importante si elle est pensée, tournée et retournée dans le cœur, si elle a pris le temps de lever dans la huche à pain qu’est notre âme, si on l’a vue fleurir sur les lèvres d’un autre, dite à voix basse sans être criée et aiguisée pour blesser.

 

Mais, encore plus, enseignez-nous l’art du silence, de la lumière qui se pose sur le rebord de la fenêtre, du soleil qui se lève « comme un époux qui sort de la chambre nuptiale » ou qui se couche « en colorant le ciel de feu », l’art de la quiétude du soir, de la bougie allumée qui projette de l’ombre sur les murs du chœur.

 

Racontez-nous qu’il est possible d’attendre pour se serrer dans les bras même toute la vie car « il y a un temps pour s’embrasser et un temps pour s’abstenir » dit Qohélet.

 

Le Président Conte a dit qu’à la fin de ce temps de dangers et de restrictions, nous nous embrasserons encore dans un climat de fête… pour vous il y a encore peut-être vingt, trente, quarante ans à attendre !

 

Apprenez-nous à faire les choses lentement, avec solennité, sans courir, en faisant attention aux détails  car chaque jour est un miracle, chaque rencontre un don, chaque pas une avancée majestueuse vers la salle du trône, un mouvement de danse ou une symphonie.

 

Murmurez-nous qu’il est important d’attendre, de remettre à plus tard un baiser, un don, une caresse, une parole, parce que l’attente d’une fête en augmente la lumière et « le meilleur doit encore advenir ».

 

Aidez-nous à comprendre qu’un accident peut être une grâce et qu’une contrariété peut cacher un don, qu’un départ peut accroître l’affection et qu’un éloignement peut finalement préparer une rencontre.

 

A vous, maîtresses de la vie cachée et heureuse, nous confions notre embarras, nos peurs, nos remords, nos rendez-vous manqués avec Dieu qui nous attend toujours, vous prenez tout dans votre prière et nous le rendez en joie, en bouquets de fleurs et en jours de paix.

Amen »

 

Mgr Arturo Aiello

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La joie naît de la rencontre de notre néant avec la lumière qui nous en sauve ..

22 Mars 2020, 23:14pm

Publié par Grégoire.

La joie naît de la rencontre de notre néant avec la lumière qui nous en sauve ..

 

La joie que Jésus apporte n’est pas le fruit d’un comportement moral ou religieux, d’un suivi scrupuleux de la loi.. non ! Elle est actuellement donnée, elle nous attend, puisqu'elle est l’effet de sa parole, sa propriété.

Son amour pour moi, réclame en effet d'être dit, que j’entende dans le secret de mon coeur ce secret dont chacun peut dire en vérité qu'il n’est dit qu'a lui : « je t’aime parce que c’est toi !» L’évangile ne dit pas autre chose ! Et, lorsque cette lumière personnelle de Jésus s’empare de notre intelligence, nous sommes dans la joie !

 

Mais nous sommes aveugles ! Et c’est le grand reproche de Jésus : « C'est pour un discernement que je suis venu en ce monde, pour que ceux qui ne voient pas, voient, et que ceux qui croient voir deviennent aveugles (…) Vous dites: 'nous voyons' -nous savons, c'est pourquoi votre péché, votre tristesse, votre désespoir demeure ». Jn 9, 41.

 

Nous sommes tellement remplis de bruits, de jugements sur nous-même, de paroles vaines ou inutiles, d’opinions, de projets à notre taille ... que nous sommes incapables d’entendre Celui qui, maintenant, me parle, et qui, en se disant, se donne à moi !

 

Jamais Jésus n’a donné d’informations, de méthode à suivre ou un enseignement universel, général, abstrait. Sa parole est toujours personnelle, amicale, amoureuse. Elle est la première manière pour lui de se donner à nous et il est vulnérable à la manière dont on l’écoute. Est-ce que notre manière de l’écouter lui permet de se donner à nous jusqu’au bout ? C'est la question.

 

Il y a en chacun, cette pollution du monde, plus terrible que toutes pollutions, qui transpire spécialement dans les médias, cette nouvelle inquisition, qui déborde aujourd’hui un peu partout, celle de se comporter en pharisiens, de se croire capable de juger des choses ou des gens, de pouvoir mesurer sa vie, pleins de bon sentiments et satisfaits de nous-mêmes !

 

Cette méga-tentation ou l'homme se fait sa propre mesure, fait qu’on devient immédiatement juge et justicier des personnes ! C'est cela la faute la plus terrible; LA faute, c'est bien ce jugement ou l'on est sûr de soi-même ; cette arrogance de la bien-pensance qui se pose en mesure de ce que fait l'autre, et qui voudrait chercher par soi-même à séparer le bon grain de l'ivraie !

 

C'est le propre des bien pensants, de ceux qui se croient dans le camp du BIEN, tolérants,  'ouvert à l'autre' et à la différence... mais intolérants envers ceux qui ne pensent pas comme eux!

 

Or, la joie divine, celle qui ne passe pas, ne peut s’emparer de nous, que si l’on se reconnait pauvre, aveugle et mendiant. Ce qui, de fait, est l’état de la personne humaine face au réel comme le disaient les Grecs : « nous sommes dans le réel comme l’oiseau de nuit face à la lumière du jour.. ». Et cela c’était juste la sagesse naturelle des anciens !

 

Or le drame du monde contemporain est d'avoir réduit la connaissance à ce qu’on peut mesurer, calculer, comparer ! Comment voulez vous alors pouvoir vous réjouir d’une simple fleur ? d’un chant d’oiseau ? d'un ciel ombrageux ? Et alors, combien plus, si c’est une lumière qui vient d’au-delà de notre monde, et réclame donc un étonnement radical, celui de l’enfant qui vient de naitre : « si vous ne devenez pas comme des tout-petits, vous n’entrerez pas dans le royaume…! »

 

Ainsi, face aux luttes, aux lézardes, aux paresses que nous portons, ne pouvant en connaitre la signification, nous ne pouvons nous en remettre qu’à Dieu seul, en mendiant sa lumière !

C'est donc bien choisir la pauvreté spirituelle, celle qui fait qu'on suspend son jugement et qu'on demeure dans un état de manque, d'obscurité du coté de la connaissance qui nous permet de recevoir cette lumière.

 

C'est choisir de ne pas savoir pourquoi par nous-mêmes, et demeurer dans une obscurité certaine face à des états qui semblent parfois désespérés ou sans solution apparente...

 

Cela c'est s'en remettre à Celui qui, dans sa personne, est la lumière ! Et désirer qu'Il nous la donne ! Mais la lumière de Jésus est une vie : ce ne sont jamais des explications ou une méthode à appliquer ! Il est dans sa vie lumière du monde : cela réclame pour nous d'entrer dans cette vie, la vivre avec lui et croire qu'il nous fait être sa présence : « vous êtes la lumière du monde » 

 

Nous ne sommes pas lumière pour nous-même. Lui seul -et surtout à la croix curieusement- nous dit -en nous le faisant vivre, qui nous sommes pour lui et pourquoi nous vivons tel ou tel état; Là il est lumière pour nous, et alors nous touchons, dans la foi qui nous sommes : enfants bien-aimés du Père, appelé à le donner en faisant nôtre toutes les paroles de Jésus puisqu'elles nous sont adressées « la vie éternelle c'est de te connaitre, toi.. telle est le commandement que j'ai reçu de mon Père.. qui me voit voit le Père»

C’est en étant mendiant de sa lumière et de sa bonté substantielle, grâce précisément à nos failles qui appellent cet excès de lumière, d’amour, son don inconditionnel, que nous sommes alors fils dans Le Fils !

 

Grégoire.

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Je cherche le surgissement d’une présence, l’excès du réel qui ruine toutes les définitions

21 Mars 2020, 02:56am

Publié par Grégoire.

Je cherche le surgissement d’une présence, l’excès du réel qui ruine toutes les définitions

"La voix, c'est la présence totale. C'est la première donnée de notre existence, avec la voix maternelle, parfois seigneuriale, parfois apaisante, parfois inquiétante. (...)

Pour qu'il y ait rencontre, il faut d'abord qu'il y ait signature de la présence, et la voix est cette signature.

Il y a des choses qui rendent sourd, qui éteignent les voix : ce sont les paroles convenues, trop savantes, uniquement savantes, qui ne se risquent pas à faire des échappées."

 

 

"Ce qu'on fait de mal, c'est de ne pas être assez présent. Être présent ? La flamme de la vie, je me souviens d'états de rêverie de mon père. Il était dans un songe qu'il ne partageait pas, mais il irradiait d'une présence, d'une luminosité dont je sens toujours les rayons sur moi. Les présences démentent la mort, démentent le néant. Les vivants que sont les morts..."

 

 

"Il faut que ce qui est dit touche au secret de ma vie, sans qu'on s'en rende compte.

Il faut que le silence qui est en moi soit touché comme par une main de lumière par la voix de l'autre.(...)  Une seule parole peut changer toute la vie."

 

 

"Quand quelqu'un meurt, il ne disparaît pas. C'est l'inverse. C'est à ce moment-là que la personne apparaît, parce qu'elle est délivrée d'elle-même, de ses ombres, de sa volonté, de son ambition, de tout projet, de toute connaissance que l'on croyait avoir d'elle. Et il y a un surgissement de quelque chose qui, bizarrement, à l'instant où tout s'efface, est ineffaçable. (...) Les disparus ne sont donc pas des disparus, ils sont une armée douce, fidèle, qui nous assure de recevoir un rayon de soleil."

 

 

"Être écouté, c'est être remis au monde, c'est exister, c'est comme si on vous redonnait toutes les chances d'une vie neuve."

 

 

"Les parents, mon Dieu, ils font vraiment ce qu'ils peuvent, quels qu'ils soient, même les plus durs, même les plus fragiles. Tous les parents d'ailleurs sont fragiles. Quand ils donnent un prénom, quand ils rêvent un prénom autour de l'enfant à venir, je pense que c'est leurs rêves qui se déposent dans ce prénom. Ils sont en train de construire un nid minuscule de langage. Les prénoms sont faits avec des brindilles, des morceaux de laine et des morceaux de songes, exactement comme sont faits les nids des oiseaux dans les arbres, que le vent parfois tourmente. Le prénom est approximatif parce que la connaissance entière de nous-mêmes nous ne l'aurons jamais. Elle ne se dépose entièrement dans rien, pas non plus dans les identités que nous donnent ceux qui nous ont engendrés."

"Ma solitude, avec le temps, est devenue tranquille, presque heureuse,... précieuse. C'est la solitude qui fait voir. C'est la solitude qui donne à voir."

 

 

"Ce qui me touche dans une lézarde, c'est ce qui me touche dans toute singularité. Dans ce qui ne peut pas être imité, dans ce que le temps et les douleurs ont fabriqué, ont entaillé. Ça me touche infiniment parce que je crois que c'est la marque même de l'existence que d'être ainsi blessé, que c'est comme le sceau de l'existence sur nous, aussi bien sur le ciment d'un trottoir. C'est superbe, ces choses qui sont comme joliment perdues."

 

 

"Les blessures nous constituent comme tout ce qui nous défait, sinon nous restons clos, bouclés, sinistrement parfaits, sinistrement fermés sur nous-mêmes.

Heureusement que les épreuves sont inévitables. Elles ne sont pas souhaitables, elles ne sont pas à rechercher. Il s'agit juste de respirer, et pour respirer, il faut qu'il y ait du jour qui passe, qu'il y ait un peu d'air qui passe. Et pour ça, les blessures, les ratages, les échecs, c'est merveilleux."

 

 

 

"Je me moque de la peinture. Je me moque de la musique. Je me moque de la poésie. Je me moque de tout ce qui appartient à un genre et lentement s’étiole dans cette appartenance. Il m’aura fallu plus de soixante ans pour savoir ce que je cherchais en écrivant, en lisant, en tombant amoureux, en m’arrêtant net devant un liseron, un escargot ou un soleil couchant. Je cherche le surgissement d’une présence, l’excès du réel qui ruine toutes les définitions."

 

"Tout est dit ou presque dans le mot 'surgissement'. Pour le comprendre, on peut aller dans le domaine proche du fleurissement, de l'ouverture royale d'une rose ou d'une modeste fleur des champs. Son ouverture au ciel et à la lumière qui vont la heurter, la nourrir mais peut-être aussi l'amener vers son état de fatigue.

 

Ce qui surgit, c'est l'autre. C'est l'autre que moi, qui vient me délivrer de moi, et qui m'apporte des nouvelles du bout du monde, quand bien même cet autre serait-il une personne ou un arbre du bout de la rue."

 

Le très simple est toujours extraordinaire. (…) Je vis par ce frôlement de quelque chose, qui n'a pas de cause et qui me donne une joie déraisonnable.

 

Christian Bobin.

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Pourquoi Joseph, cet homme dont on ne sait rien ?

19 Mars 2020, 12:33pm

Publié par Grégoire.

Pourquoi Joseph, cet homme dont on ne sait rien ?

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Mon Dieu, je ne crois pas en toi, je voudrais te parler tout de même...

19 Mars 2020, 02:39am

Publié par Grégoire.

Mon Dieu, je ne crois pas en toi, je voudrais te parler tout de même...
Voilà que je me surprends à t’adresser la parole,
Mon Dieu, moi qui ne sais encore si tu existes
Et ne comprends pas la langue de tes églises chuchotantes.
Je regarde les autels, la voûte de ta maison,
Comme qui dit simplement:
Voilà du bois, de la pierre,
Voilà des colonnes romanes.
Il manque le nez à ce saint.
 
Et au-dedans comme au-dehors, il y a la détresse humaine.
Je baisse les yeux sans pouvoir m’agenouiller pendant la messe,
Comme si je laissais passer l’orage au-dessus de ma tête.
Et je ne puis m’empêcher de penser à autre chose.
Hélas! j’aurai passé ma vie à penser à autre chose.
Cette autre chose, c’est encore moi.
C’est peut-être mon vrai moi-même.
C’est là que je me réfugie.
C’est peut-être là que tu es.
 
Je n’aurai jamais vécu que dans ces lointains attirants.
Le moment présent est un cadeau dont je n’ai pas su profiter.
Je n’en connais pas bien l’usage.
Je le tourne dans tous les sens,
Sans savoir faire marcher sa mécanique difficile.
 
Mon Dieu, je ne crois pas en toi, je voudrais te parler tout de même.
J’ai bien parlé aux étoiles, bien que je les sache sans vie,
Aux plus humbles des animaux, quand je les savais sans réponse,
Aux arbres qui, sans le vent, seraient muets comme la tombe.
Je me suis parlé à moi-même, quand je ne sais pas bien si j’existe.
Je ne sais si tu entends nos prières, à nous les hommes,
Je ne sais si tu as envie de les écouter.
Si tu as, comme nous, un coeur qui est toujours sur le qui-vive
Et des oreilles ouvertes aux nouvelles les plus différentes.
Je ne sais pas si tu aimes à regarder par ici.
Pourtant je voudrais te remettre en mémoire la planète terre
Avec ses fleurs, ses cailloux, ses jardins et ses maisons,
Avec tous les autres et nous qui savons bien que nous souffrons.
Je veux t’adresser sans tarder ces humbles paroles humaines
Parce qu’il faut que chacun tente à présent tout l’impossible.
Même si tu n’es qu’un souffle d’il y a des milliers d’années,
Une grande vitesse acquise,
Une durable mélancolie
Qui ferait tourner encore les sphères dans leur mélodie.
Je voudrais, mon Dieu sans visage et peut-être sans espérance
Attirer ton attention parmi tant de ciels vagabonde
Sur les hommes qui n’ont pas de repos sur la planète.
Ecoute-moi! Cela presse.
Ils vont tous se décourager
Et l’on ne va plus reconnaître les jeunes parmi les âgés.
Chaque matin, ils se demandent si la tuerie va commencer.
De tous côtés,
L’on prépare de bizarres distributeurs de sang, de plaintes et de larmes,
L’on se demande si les blés ne cachent pas déjà des fusils.
Le temps serait-il passé où tu t’occupais des hommes?
T’appelle-t-on dans d’autres mondes, médecin en consultation,
Ne sachant où donner de la tête
Laissant mourir sa clientèle?
 
Ecoute-moi! Je ne suis qu’un homme parmi tant d’autres.
L’âme se plait dans notre corps,
Ne demande pas à s’enfuir dans un éclatement de bombe.
Elle est pour nous une caresse, une secrète flatterie.
Laisse-nous respirer encore sans songer aux nouveaux poisons,
Laisse-nous regarder nos enfants sans penser tout le temps à la mort.
Nous n’avons pas du tout le coeur aux batailles, aux généraux.
Laisse-nous notre va-et-vient, comme un troupeau dans ses sonnailles,
Une odeur de lait frais se mêlant à l’odeur de l’herbe grasse.
 
Ah! si tu existes, mon Dieu, regarde de notre côté.
Viens te délasser parmi nous.
La terre est belle, avec ses arbres, ses fleuves et ses étangs,
Si belle, que l’on dirait que tu la regrettes un peu.
Mon Dieu, ne va pas faire la sourde oreille
Et ne va pas m’en vouloir si nous sommes à tu et à toi,
Si je te parle avec tant d’abrupte simplicité.
Je croirais moins qu’en tout autre en un Dieu qui terrorise.
Plus que par la foudre, tu sais t’exprimer par les brins d’herbe
Et par les jeux des enfants et par les yeux des ruisseaux.
Ce qui n’empêche pas les mers et les chaînes de montagnes.
Tu ne peux pas m’en vouloir de dire ce que je pense,
De réfléchir comme je peux sur l’homme et sur son existence
Avec la franchise de la terre et des diverses saisons,
Et peut-être de toi-même dont j’ignorerais les leçons
Je ne suis pas sans excuses.
Veuille accepter mes pauvres ruses.
Tant de choses se préparent sournoisement contre nous.
Quoi que nous fassions, nous craignons d’être pris au dépourvu
Et d’être comme le taureau
Qui ne comprend pas ce qui se passe.
Le mène-t-on à l’abattoir,
Il ne sait où il va comme ça
Et juste avant de recevoir le coup de mort sur le front
Il se répète qu’il a faim et brouterait résolument,
Mais qu’est-ce qu’ils ont ce matin avec leurs tabliers pleins de sang
A vouloir tous s’occuper de lui?
 

Jules Supervielle, La fable du monde 

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Transformer chaque minute en un siècle

17 Mars 2020, 01:22am

Publié par Grégoire.

Transformer chaque minute en un siècle

 

« … Mais il vaut mieux que je vous raconte ce que m’a dit un autre homme que j’ai rencontré l’année dernière. Il y avait là une circonstance très étrange, étrange en ce que, finalement, ce genre de cas est rarissime.

 

Cet homme avait déjà été traîné, avec d’autres, sur l’échafaud, et on lui avait lu sa sentence de mort : fusillé, pour crime politique. Une vingtaine de minutes plus tard, on lui a lu sa grâce, sa peine de mort venait d’être commuée ; et néanmoins, tout l’intervalle entre ces deux verdicts, ces vingt minutes, disons, à tout le moins, ce quart d’heure, il l’a vécu avec la conviction inébranlable que, d’ici quelques minutes, il allait brusquement mourir.

 

J’avais une envie terrible d’écouter quand il se ressouvenait, parfois, de ces impressions de ce moment-là, et, plusieurs fois, j’ai recommencé à lui poser des questions. Il se souvenait de tout avec une clarté extraordinaire et il disait qu’il n’oublierait jamais rien de ces minutes. […]

 

Il s’avérait donc qu’il ne lui restait à vivre qu’à peu près cinq minutes, pas plus. Il disait que ces cinq minutes lui paraissaient un délai infini, une richesse incroyable ; il lui semblait que, pendant toutes ces cinq minutes, il pourrait vivre tant de vies qu’il n’y avait encore aucune raison de penser à son dernier instant, au point qu’il a pris différentes dispositions : il a calculé le temps qu’il lui faudrait pour faire ses adieux à ses camarades, il s’est donné pour cela quelque chose comme deux minutes, ensuite il s’est donné deux autres minutes pour réfléchir une dernière fois sur lui-même, et puis pour regarder autour de lui. Il se souvenait très bien d’avoir pris ces trois dispositions précises, et d’avoir bien calculé ainsi.

 

Il mourait à vingt-sept ans, en pleine santé, en pleine force ; en faisant ses adieux à ses camarades, il se souvenait qu’à l’un d’entre eux il a posé une question même assez indifférente, et qu’il s’est beaucoup intéressé à la réponse. Après, quand il a eu fini de faire ses adieux à ses camarades, ont commencé les deux minutes qu’il s’était calculées pour penser à soi-même ; il savait d’avance à quoi il allait réfléchir : il cherchait tout le temps à s’imaginer, le plus vite et le plus clairement possible, cela – comment cela se faisait-il donc : là, en ce moment, il existe et il vit, et, d’ici trois minutes, déjà, il sera autre chose, quelqu’un, ou quelque chose – mais qui donc ? où donc ? Tout cela, il pensait le résoudre pendant ces deux minutes !

 

Non loin de là, il y avait une église, et le sommet de la coupole, avec son dôme doré, luisait sous un soleil brillant. Il se souvenait que c’était avec une terrible obstination qu’il regardait cette coupole et ces rayons : il lui semblait que ces rayons étaient sa nouvelle nature, que, d’ici trois minutes, d’une façon ou d’une autre, il se fondrait en eux…

 

L’incertitude et la répulsion qu’il éprouvait à ce nouveau qui allait être et qui surviendrait là, maintenant, étaient terribles ; mais il disait que rien ne lui était plus dur à cet instant que cette pensée continuelle : « Et s’il ne fallait pas mourir ? Et si l’on ramenait la vie – quel infini ! et tout cela serait à moi ! Alors, je transformerais chaque minute en un siècle, je ne perdrais plus rien, je garderais le compte de chaque minute, cette fois, je ne gaspillerais plus rien ! » Il disait que cette pensée avait fini par se transformer en une vraie rage, et qu’il voulait déjà qu’on le fusille, et le plus vite possible. »

 

F. Dostoievski, L'Idiot

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Cette liberté intérieure que rien ne peut atteindre ..

15 Mars 2020, 19:27pm

Publié par Grégoire.

Cette liberté intérieure que rien ne peut atteindre ..

« Venez voir un homme qui m'a libéré tout ce que j'avais fait, subis, vécue..  »

 

Le cri de cette samaritaine, que Jean rapporte dans son évangile, est le fruit de sa rencontre avec celui que le Père a envoyé pour aller chercher l'humanité blessée, perdue, en déshérence.

 

Cette femme, que Jésus a voulu rencontrer, était bien plus perdue que le fils prodigue. Car si le fils prodigue revient vers son Père, elle non ! Elle n’a plus que sa cruche et sa corvée d’eau; Elle est montrée du doigt par son village : elle en est à son 6e compagnon ! C'est une samaritaine, une étrangère.. Bref, il n'y a plus que ce qu’elle fait qui lui donne un semblant de dignité ! C’est en grande partie l’humanité d’aujourd’hui qui tire sa seule gloire de ce qu’elle réalise pratiquement ou moralement.

 

Il serait bon parfois de rappeler que déjà chez les Grecs, si le travail est une noblesse humaine, il est tout de même moindre que l’amitié ou la contemplation ! Car travailler, faire, réaliser nous agrandit, mais recevoir dans l'amitié un autre, celui que l’on a pas fait, nous agrandit davantage, et contempler, chercher à dévoiler le Tout-Autre est ce qui au plus haut point nous agrandit, nous épanouie dans ce qu’on a de plus nous-même, puisque connaitre me fait d’une certaine manière devenir ce que je connais.

 

Ainsi, Jésus veut, au-delà de toutes les conventions et les qu’en dira-t-on, libérer, recréer et épanouir au plus point le coeur de cette femme, et même bien plus : il veut lui donner ce qu’il est Lui-même ! Car c’est cela le salut : non un message de bienveillante générosité ou de pénitence réparatrice mais quelqu’un pour moi ! Quelqu’un qui me revêt de lui et vient me donner à vivre inconditionnellement ce qu’il est.

 

Aussi, cette rencontre éclaire cet autre passage qu’on a étriquement appelé la 'parabole du fils prodigue', qui, en fait, est la parabole du Père en attente de son fils ! Car, déjà, attribuer l’adjectif prodigue au fils, c’est encore le regarder à travers sa pauvreté et c’est mépriser le père ! Le Père ne nous regarde JAMAIS à travers nos pauvretés ou nos limites, mais selon l’amour et le désir qu’il a pour nous !

 

Alors, comment cette femme dont le cœur est blessé, corrompue de toutes ses aventures, peut-elle revenir dans un état de vérité, retrouver son innocence première ?

 

Et bien, Jésus la remet dans la vérité, en la remettant face à Celui qui actuellement est source de ce qui, en elle, ne change pas : son existence ! « Dieu est esprit, et ceux qui adorent doivent adorer en esprit et vérité ». L’adoration « en esprit et en vérité » est ce qui permet à chaque personne, plus ou moins corrompue, errante, abimée, de non seulement se remettre dans un contact direct et immédiat avec sa Source, mais de vivre cette rencontre avec et en Jésus, fils éternel du Père ! Et ça c’est pour chacun, immédiatement, quoi que l’on ait fait !

 

Se recevoir du Tout-Autre..

 

Adorer, c’est ainsi se mettre face à notre source, en se recevant d’elle : « par lui, j’existe..» touchant que je suis actuellement voulu, pensé, aimé par Lui. Je suis en Lui ! Je suis à partir de Lui, quelque chose de Lui. Voilà ce qui est le plus moi-même. Le mal commis ou subi reste accidentel en moi et ne touche pas mon être profond !

 

(C’est en cela que permettre à quelqu’un d’exprimer sa souffrance permet de le conduire à sa guérison en l’aidant surtout à retrouver ce qu’il a de plus profond en lui : le lien avec sa Source. Par contre la relecture indéfinie du passé et l’acharnement sur la cause de ses blessures ne peut qu’engendrer un repli sur soi et créer un mal-être où les blessures sont vécues comme des absolus indépassables !)

 

L’adoration est un acte d’amour fondamental à l’égard de Dieu, où je remonte jusqu’à ce lien unique entre lui et moi ; Il s’agit de laisser Dieu nous prendre, nous porter, il s’agit d’être dans les mains de notre Père. L’adoration, c’est vivre de cet acte créateur, «toucher» de l’intérieur cet acte qui me fait actuellement exister ! C’est toucher que du côté de Dieu l’acte de ma création est personnel, éternel, et qu’il est donc actuel pour chacun. Je peux maintenant, à chaque instant, vivre cet acte purement gratuit de Celui qui me fait être, moi, par amour, et en vivre. Par là je découvre que par moi-même je ne suis rien -sinon le développement des qualités reçues au point de départ. Et donc que je suis entièrement, dans tout ce que je suis, entre les mains de Dieu.

 

pour vivre en enfant bien-aimé

 

Mais l’adoration en esprit et en vérité n’est pas simplement un acte religieux d’adoration, celui de la créature touchant sa source ; A cause de Jésus, cet acte ‘naturel’ et éminemment personnel, humain, est divinisé ! Adorer c’est se laisser envahir, déborder par ce que Jésus lui-même vit éternellement : être le secret du Père.

 

Ce que le Fils bien-aimé est venu nous apprendre purifie radicalement notre volonté humaine nous mettant dans la vérité : c'est reconnaître notre dépendance totale à l’égard de notre Créateur, en découvrant son amour infini à notre égard : c’est lui qui « m'a aimé le premier ».

 

C’est cela la grande libération, la libération de nos angoisses, de nos peurs, de ne pas être reconnu ! La preuve ? Cette femme, qui rasait les murs en venant au puit à l'heure où elle était certaine de ne croiser aucune des auto-satisfaites de son bled qui lui postillonnerait des injures à la figure, on la voit témoigner avec fierté, sans aucun repli sur elle-même, son émerveillement et sa dignité retrouvé : elle est fille bien-aimée du Père ! Ce qu'elle est profondément ne peut-être atteint, même pas par le souvenir de ses errements !

 

Grégoire.

 

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Chers cousins français,

15 Mars 2020, 02:06am

Publié par Grégoire.

Chers cousins français,

Chers cousins français,

 

Si on arrive à survivre, le problème, en Italie, sera de comprendre si les couples, avec ou sans enfants, les femmes et les hommes seuls, résisteront à l’enfermement dans leur maison, s’ils réussiront à rester ensemble, à jouir encore de la compagnie réciproque ou de la solitude choisie, après une convivance forcée et ininterrompue d’un mois entier. Le décret du gouvernement dit que nous pouvons sortir pour faire une promenade, mais seulement avec ceux qui vivent déjà avec nous, pas d’amis ou d’amies, pas même de visites à des parents qui vivent dans d’autres maisons. Seule la famille proche, ou personne si nous sommes seuls. Pas de cinémas, pas de théâtres, pas de concerts, musées, restaurants, bureaux, écoles, universités. Seul un membre de la famille peut aller faire les courses. Devant les supermarchés, il y a des queues silencieuses de gens portant le masque, chaque personne doit être à 1 mètre de distance d’une autre, qui attend la sortie de quelqu’un pour pouvoir entrer à son tour. Même chose devant les pharmacies. Dans la rue, on fait un écart quand on croise un autre passant.

 

Beaucoup d’entre nous ont pensé au Décaméron de Boccace. Vers l’an 1350, fuyant la peste, un groupe de jeunes, sept femmes et trois hommes, se réfugient hors les murs de Florence, et, pour passer le temps, se racontent des nouvelles, substituent un monde imaginé au monde réel, en train de s’écrouler. D’autres relisent la Peste d’Albert Camus ou les pages des Fiancés d’Alessandro Manzoni qui décrivent une autre épidémie de peste, celle de 1630, au cours de laquelle tous les nobles qui pouvaient le faire fuyaient Milan, comme cela s’est passé ces jours-ci, dès que la ville a été classée «zone rouge». Comme si on pouvait fuir sans apporter les dégâts dans les lieux où l’on se réfugie, ou en considérant que le sort des autres nous est indifférent.

 

Les journalistes écrivent qu’il ne faut pas nous plaindre et nous rappellent ce qu’ont subi nos parents durant la guerre. D’autres accusent les jeunes de ne pas respecter les règles parce qu’ils sortent le samedi soir, n’ont pas peur, sont jeunes et pensent que les vieux sont les seuls qui tomberont malades. Un acteur italien d’un certain âge leur a demandé s’il était juste de faire mourir tous les grands-pères en même temps. On voudrait qu’un poète vînt à la maison pour nous raconter des histoires, et amuser nos enfants. Jamais Internet n’a été aussi important. Les tchats en ligne entre amies, sœurs, membres de la famille, sont très fréquentés. Dans les jours qui ont précédé la fermeture de tout, on s’échangeait des milliers de gifs et d’images amusantes sur le virus, des vidéos désopilantes tirées de vieux films. A présent l’atmosphère est plus lourde, nous restons dans le silence – avec l’ordre intimé par le gouvernement : ne bougez pas ! Ça a l’air facile. Dans l’un des posts drôles qui circulent, on lit : «Ça n’arrive pas tous les jours de sauver l’Italie en restant en pyjama.» On rit – mais jaune.

 

Est arrivé le moment de la vérité, pour les couples qui ne se supportent pas, pour ceux qui disent s’aimer, ceux qui vivent ensemble depuis une vie entière, ceux qui s’aiment depuis peu de temps, ceux qui ont choisi de vivre seuls par goût de la liberté ou parce qu’ils n’avaient pas d’autre choix, pour les enfants qui n’ont plus école, pour les jeunes qui se désirent mais ne peuvent pas se rencontrer… Nous sommes tous appelés à nous inventer une nouvelle vie, à nous sentir proches même si nous sommes éloignés, à régler nos comptes avec un sentiment que nous évitons à tout prix : l’ennui. Et la lenteur aussi, le silence, les heures vides – ou pleines des cris des enfants enfermés à la maison. Nous avons en face de nous la vie que nous nous sommes choisie, ou que le sort nous a donnée, notre «foyer» – non celui de la maladie mais celui que nous avons construit au cours des années. Je nommerais cela une épreuve de vérité. Ces jours-ci, ce qui gagne, c’est aussi la vie virtuelle, étant donné que nous ne pouvons pas nous toucher. Les films à la télé, les séries, Netflix, Amazon, Google… Nous passons encore plus d’heures devant nos ordinateurs, ou la tête penchée sur nos portables.

 

Mais de temps en temps, on sature, on n’en peut plus de ça, on lève la tête et on découvre plein de choses. Le fils qu’on pensait être encore un enfant est devenu un jeune homme, et on ne s’en était pas aperçu ; il nous dit, en souriant : «Maintenant, t’es bien obligée de rester avec nous, hein ?» On fait frénétiquement le ménage dans les maisons, on nettoie le frigo, on met en ordre les livres – puis on fait une pause, et on remarque que dans la cour le cerisier est en fleurs, on reste une demi-heure à le regarder et on a l’impression qu’on ne l’avait jamais vu. On envoie de façon compulsive des messages pour ne pas se sentir seul, et un coup de fil peut durer une demi-heure, comme lorsqu’on était jeunes et que les temps n’étaient pas ceux d’aujourd’hui, qu’on faisait l’amour au téléphone. Il arrive aussi qu’une amie te dise : «Peut-être demain on peut faire une promenade ensemble, en se tenant à distance, qu’est-ce que tu en penses ?» Et l’idée te fait venir un frisson de plaisir interdit. Nous sommes en train de vivre de façon différente des moments de notre vie de toujours, et elle nous paraît nouvelle parce qu’elle est la même mais renversée : les objets, les personnes sont devenus visibles, et l’habitude s’est dissipée, l’«habitude abêtissante, comme l’appelle Proust, qui cache à peu près tout l’univers» (1).

 

Chers cousins, je souhaite de tout cœur que tout ça ne vous arrive pas, ou, si ça devait arriver, que ce soit une expérience à ne pas oublier. Demain, lorsque la porte de la maison se rouvrira, que nous courrons à la rencontre du temps rapide, des fragments de choses et de personnes seulement effleurées, et que les rêves, l’art, seront la seule et unique partie renversée de notre vie, souvenons-nous qu’une autre couche peut recouvrir les jours et les révéler dans le bien comme dans le mal – une fois surmontés le vide, l’ennui et la peur.

 

(1) En français dans le texte.

Le nouveau roman de Cristina Comencini, Quatre amours, traduit par Dominique Vittoz, paraît mercredi aux éditions Stock.

Traduit de l’italien par Robert Maggiori.

 

Cristina Comencini

 

https://next.liberation.fr/livres/2020/03/12/coronavirus-chers-cousins-francais-par-cristina-comencini_1781454

 

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Les tyrans ont toujours été des enthousiastes convaincus d’avoir découvert l’unique voie du paradis

13 Mars 2020, 01:33am

Publié par Grégoire.

Les tyrans ont toujours été des enthousiastes convaincus d’avoir découvert l’unique voie du paradis

" Ceux qui pensent que les régimes communistes d’Europe centrale sont exclusivement la création de criminels laissent dans l’ombre une vérité fondamentale : les régimes criminels n’ont pas été façonnés par des criminels, mais par des enthousiastes convaincus d’avoir découvert l’unique voie du paradis. Et ils défendaient vaillamment cette voie, exécutant pour cela beaucoup de monde. Plus tard, il devint clair comme le jour que le paradis n’existait pas et que les enthousiastes étaient donc des assassins.

Alors, chacun s’en prit aux communistes : Vous êtes responsables des malheurs du pays (il est appauvri et ruiné), de la perte de son indépendance (il est tombé sous l’emprise des Russes), des assassinats judiciaires!

Ceux qui étaient accusés répondaient : On ne savait pas ! On a été trompés ! On croyait ! Au fond du cœur, on est innocents !

Le débat se ramenait donc à cette question : Etait-il vrai qu’ils ne savaient pas ? Ou faisaient-ils seulement semblant de n’avoir rien su ?

Tomas suivait ce débat (comme dix millions de Tchèques) et se disait qu’il y avait certainement parmi les communistes des gens qui n’étaient quand même pas aussi totalement ignorants (ils devaient quand même avoir entendu parler des horreurs qui s’étaient produites et n’avaient pas cessé de se produire dans la Russie postrévolutionnaire). Mais il était probable que la plupart d’entre eux n’étaient vraiment au courant de rien.

Et il se disait que la question fondamentale n’était pas : savaient-ils ou ne savaient-ils pas ? Mais : est-ce qu’on est innocent parce qu’on ne sait pas ? un imbécile assis sur le trône est-il déchargé de toute responsabilité du seul fait que c’est un imbécile ?

Admettons que le procureur tchèque qui réclamait au début des années cinquante la peine de mort pour un innocent ait été trompé par la police secrète russe et par le gouvernement de son pays. Mais maintenant que l’on sait que les accusations étaient absurdes et les suppliciés innocents, comment se peut-ils que le même procureur défende la pureté de son âme et se frappe la poitrine : ma conscience est sans tache, je ne savais pas, je croyais ! N’est-ce pas précisément dans son « je ne savais pas, je croyais » que réside sa faute irréparable ?

Alors, Tomas se rappela l’histoire d’Œdipe : Œdipe ne savait pas qu’il couchait avec sa propre mère et, pourtant, quand il eut compris ce qui s’était passé, il ne se sentit pas innocent. Il ne put supporter le spectacle du malheur qu’il avait causé par son ignorance, il se creva les yeux et, aveugle, il partit de Thèbes.

Tomas entendait le hurlement des communistes qui défendaient la pureté de leur âme, et il se disait : A cause de votre ignorance, ce pays a peut-être perdu pour des siècles sa liberté et vous criez que vous vous sentez innocents ? Comment, vous pouvez encore regarder autour de vous ? Comment, vous n’êtes pas épouvantés ? Peut-être n’avez-vous pas d’yeux pour voir ! Si vous en aviez, vous devriez vous les crever et partir de Thèbes ! "

Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être

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En finir avec le triomphe du tribunal de l’opinion publique !

11 Mars 2020, 02:32am

Publié par Grégoire.

En finir avec le triomphe du tribunal de l’opinion publique !

 

Après la polémique née de la cérémonie des Césars, qui a distingué Roman Polanski malgré des accusations de viol contre lui, plus d’une centaine d’avocates pénalistes de France, se revendiquant féministes, rappellent les principes de la présomption d’innocence et de la prescription

 

« Il est urgent de cesser de considérer la prescription et le respect de la présomption d’innocence comme des instruments d’impunité.»

 

La véhémente polémique qui a suivi la 45e cérémonie des Césars nous oblige, nous qui sommes tout à la fois femmes, avocates et pénalistes : femmes évoluant dans un milieu où se bousculent nombre de ténors pour qui l’adage « pas de sexe sous la robe » n’a guère plus d’effets qu’un vœu pieux ; avocates viscéralement attachées aux principes qui fondent notre droit, à commencer par la présomption d’innocence et la prescription ; pénalistes confrontées chaque jour à la douleur des victimes mais aussi, et tout autant, à la violence de l’accusation.

 

Présumer de la bonne foi de toute femme se déclarant victime de violences sexuelles reviendrait à sacraliser arbitrairement sa parole, en aucun cas à la « libérer ».

 

Nous ne sommes donc pas les plus mal placées pour savoir combien le désolant spectacle de la surenchère oratoire, et la déraison dont elle témoigne, ne peuvent conduire qu’au discrédit de justes causes.

 

On se pique d’avoir à le rappeler, mais aucune accusation n’est jamais la preuve de rien : il suffirait sinon d’asséner sa seule vérité pour prouver et condamner. Il ne s’agit pas tant de croire ou de ne pas croire une plaignante que de s’astreindre à refuser toute force probatoire à la seule accusation : présumer de la bonne foi de toute femme se déclarant victime de violences sexuelles reviendrait à sacraliser arbitrairement sa parole, en aucun cas à la « libérer ».

 

Roman Polanski a fait l’objet de plusieurs accusations publiques, parmi lesquelles une seule plainte judiciaire qui n’a donné lieu à aucune poursuite : il n’est donc pas coupable de ce qui lui est reproché depuis l’affaire Samantha Geimer. Quant à cette dernière, seule victime judiciairement reconnue, elle a appelé à maintes reprises à ce que l’on cesse d’instrumentaliser son histoire, jusqu’à affirmer : « Lorsque vous refusez qu’une victime pardonne et tourne la page pour satisfaire un besoin égoïste de haine et de punition, vous ne faites que la blesser plus profondément. »

 

La pire des aliénations n’est donc pas l’amour mais bien la haine

Et d’ajouter dans cette interview sur Slate que « la médiatisation autour de tout cela a été si traumatisante que ce que Roman Polanski m’a fait semble pâlir en comparaison ». Au nom de quelle libération de la parole devrait-on confisquer et répudier la sienne ?

 

Cette cérémonie en hommage à la « grande famille du cinéma », lors de laquelle Roman Polanski fut finalement plus humilié que césarisé, contribuera donc à blesser un peu plus celle qui, en vain et depuis plus de quarante ans, tente de tourner la page d’une histoire qui, de fait, n’est plus la sienne. Au nom de quel impératif, voire de quel idéal victimaire, cette victime est-elle sacrifiée ?

Il n’est pas de postulat plus dangereux que celui selon lequel toute mémoire serait vertueuse et tout oubli condamnable.

 

Il est urgent de cesser de considérer la prescription et le respect de la présomption d’innocence comme des instruments d’impunité : en réalité, ils constituent les seuls remparts efficaces contre un arbitraire dont chacun peut, en ces temps délétères, être à tout moment la victime. Il n’est pas de postulat plus dangereux que celui selon lequel toute mémoire serait vertueuse et tout oubli condamnable. Homère le savait bien, pour qui « la prescription interdit à l’homme mortel de conserver une haine immortelle ».

 

La pire des aliénations n’est donc pas l’amour mais bien la haine, et nous autres, avocates pénalistes, connaissons trop bien les ravages qu’elle produit sur des parties civiles qui, espérant surmonter leur traumatisme en s’arrimant à leur identité de victime, ne font en réalité que retarder un apaisement qui ne vient jamais qu’avec le temps.

 

Il est faux d’affirmer que l’ordre judiciaire ferait montre aujourd’hui de violence systémique à l’endroit des femmes, ou qu’il ne prendrait pas suffisamment en considération leur parole

Il est faux d’affirmer que l’ordre judiciaire ferait montre aujourd’hui de violence systémique à l’endroit des femmes, ou qu’il ne prendrait pas suffisamment en considération leur parole.

Nous constatons au contraire, quelle que soit notre place à l’audience, qu’une inquiétante et redoutable présomption de culpabilité s’invite trop souvent en matière d’infractions sexuelles. Ainsi devient-il de plus en plus difficile de faire respecter le principe, pourtant fondamental, selon lequel le doute doit obstinément profiter à l’accusé.

 

Le triomphe du tribunal de l’opinion publique

Le 4 novembre 2019, Adèle Haenel déclare à Mediapart : « La situation de Polanski est malheureusement un cas emblématique parce qu’il est le représentant de la culture. (…) Si la société elle-même n’était pas aussi violente vis-à-vis des femmes (…), la situation de Polanski n’aurait pas ce rôle. » Belle illustration du sacrifice d’un homme à l’aune d’une cause qui, de ce fait, perd une part de sa légitimité.

 

Tweet après Tweet, hashtags après hashtags, ce que nous sentons monter a de quoi alarmer tout authentique démocrate, et nous alarme d’autant plus que nous en percevons déjà les méfaits : le triomphe du tribunal de l’opinion publique.

 

En un clic et dans un mouvement de surenchère assez malsain, des femmes n’hésitent plus à s’autoproclamer victimes pour accéder à un statut qui induit l’existence de bourreaux tout désignés. Dès lors, pour peu que la justice soit convoquée et qu’elle les innocente, lesdits bourreaux seront doublement coupables d’avoir su échapper à une condamnation.

 

Avocates pénalistes enfin, nous lutterons à chaque instant contre toute forme d’accusation arbitraire qui, presque mécaniquement, pousse au lynchage généralisé.

 

Nous sommes féministes mais ne nous reconnaissons pas dans ce féminisme-là, qui érige une conflictualité de principe entre hommes et femmes. Sopranos du barreau, nous réussissons chaque jour un peu mieux à imposer notre voix à nos ténors de confrères qui finiront bien par s’y habituer – eux qui, après tout, portent aussi la robe…

 

Femmes, nous voulons rester libres d’aimer et de célébrer publiquement les œuvres et les auteurs de notre choix. Avocates pénalistes enfin, nous lutterons à chaque instant contre toute forme d’accusation arbitraire qui, presque mécaniquement, pousse au lynchage généralisé.

 

Frédérique Baulieu (barreau de Paris) ; Delphine Boesel (barreau de Paris) ; Marie Alix Canu-Bernard (barreau de Paris) ; Françoise Cotta (barreau de Paris) ; Marie Dosé (barreau de Paris) ; Corinne Dreyfus-Schmidt (barreau de Paris) ; Emmanuelle Kneusé (barreau de Paris) ; Jacqueline Laffont (barreau de Paris) ; Delphine Meillet (barreau de Paris) ; Clarisse Serre (barreau de Bobigny).

 

Liste des 114 signataires by Christine Rousseau on Scribd

 

 

Mise à jour le 8 mars à 14 h 20 : modification d’un passage concernant les accusations contre Roman Polanski.

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/08/justice-aucune-accusation-n-est-jamais-la-preuve-de-rien-il-suffirait-sinon-d-assener-sa-seule-verite-pour-prouver-et-condamner_6032223_3232.html

En finir avec le triomphe du tribunal de l’opinion publique !

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C’est tellement beau cette vie qu’un rien peut arracher

9 Mars 2020, 02:05am

Publié par Grégoire.

C’est tellement beau cette vie qu’un rien peut arracher

 

Elle était devant moi: une bouche édentée, des cheveux filasses, deux yeux d’azurs hors de prix. Ces yeux-là avaient traversés des siècles de détresse. Le monde, on arrive jamais à l’éclairer, même en plein jour. Et parfois, quelqu’un est jeté vers vous, un visage osseux, fatigué, un paquet de boue lumineuse, quelque chose qui sort des mains du créateur et qui n’a son pareil nulle part. Un visage couturé de partout, jeté dans notre direction. Moi qui suis émerveillé par les sphères des têtes de bébé, par ces poèmes couverts de rosée et délicatement veilé de bleu, je l’étais encore plus délicatement par ce visage vieilli, battu, avec la joie vrillée dans ses prunelles. Elle m’a parlé. La tête miraculeuse m’a parlé. C’était à Lille, ville dont les briques rouges m’avaient durablement émues comme un petit enfant qui montre ses muscles. 

 

Certains visages ont passés entre des haies de serpents de gifles et de crachats avant d’arriver à vous. Ils sont lumineux de toutes la lumière qui leur a été pendant des années refusées. Les vivants sont des livres. Ce livre là étaient un chef d’oeuvre. Quand ils n’ont plus peur du bruit que font nos projets, les anges viennent avec leur gueule tordue. Le ciel est sur leur visage, le ciel est leur visage. Elle a parlé, mais son visage parlait plus fort. Les présences parlent mieux que les mots, elles vont plus loin. Sa présence disaient une amitié déraisonnable pour la vie meurtrière. Comment vous dire ça ? Il y a des yeux qu’aucun vent, même terrible, ne peut éteindre. 

 

Elle souriait; elle avait perdue un enfant, il a de ça quelques années, en vérité il y avait une seconde. Le coeur ignore le temps. La perte marque l’éternel dans nos chairs, et l’éternel, c’est ce qui ne passe pas, ce qui reste en travers de la gorge, sanglots ou chants d’amours, cris ou grâce. 

 

Elle souriait et l’enfant disparu pouvait se voir en filigrane de son sourire, montrant son visage à travers le rosier martyrisé du visage de sa mère. Je regardais le couple qu’ils formaient. Cette présence poreuse, cette rouille du mort sur le vif, leurs sourires doux m’étaient contagieux. Une flèche de gaité m’arrivait qui me perçaient le coeur. 

 

Mallarmé a élevé autour de la mort de son fils Anatole, la tombe aérienne d’un poème dont la délicatesse est comparable à celle des fougères, à leur manière de ployer sous des tonnes d’air sans perdre leur souplesses. Ce qu’on appelle un poète n’est qu’une anomalie de l’humain, une inflammation de l’âme qui ne supporte plus aucun contact, même celui d’une brise. A Mallarmé hypersensible, la vie est venue prendre un enfant et lui a dit dit: « maintenant chante si tu peux, chante avec ce trou que j’ai fais dans ta gorge » La disparition en plein vol d’un enfant, c’est Dieu qui jette notre coeur aux bêtes; et Mallarmé voyez-vous, n’a pas chanté. Il a bégayé, angéliquement bégayé. Son livre élevé sur l’enfant mort est comme les briques restantes d’une bergerie en ruine.

 

Devant ce que la vie a de plus cruel, toutes les pensées parfois s'effondrent, privées d'appui, et il ne nous reste plus qu'à demander aux arbres qui tremblent sous le vent de nous apprendre cette compassion que le monde ignore.

 

L’inconsolable quand il est écrit engendre une paix comme une lampe proposant des ombres chinoises à l’enfant inquiet au bord de s’endormir. Quand je pense aux gens que j’aime, et même à ceux que je n’aime pas, quand j’y pense vraiment, les bras m’en tombent: la vie s’approche de nous, elle guette le moment favorable pour frapper et puis à chacun elle lance: « chante maintenant, vas-y, chante ». Ecrire est ce chant qui s’élève dans le noir. Je vous écris la nuit, je ne sais faire que ça. Je jette le filet de mes yeux sur les eaux du monde et puis je le ramène à moi et je regarde les poissons d’or.  C’est tellement beau cette vie qu’un rien peut arracher. 

 

Christian Bobin.

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La peur, cette maladie des adultes .. !

7 Mars 2020, 01:52am

Publié par Grégoire.

La peur, cette maladie des adultes .. !

" Elle ne vous fait plus peur. Elle est toujours dangereuse, imprévisible dans son calme. Mais la peur s’en est allée, la peur ne fait plus partie de sa substance profonde, impénétrable. La peur s’est défaite en une seconde. Evaporée, dissoute, partie comme peut venir la lassitude dans un amour : en un instant. En un instant pour toute la suite des temps.

 

Jusqu’à ce jour, entre elle et vous, il y avait la peur. Elle était là comme une loi non écrite, souveraine dans le silence. Toutes les peurs viennent de l’enfance, pour la châtier, l’empêcher d’aller son cours. Tous les enfants connaissent la peur d’une connaissance intime, personnelle (mais pendant longtemps, elle  ne les atteint pas dans leur enfance. Ils la contournent, ils la frôlent et même ils jouent avec. Tu as peur des insectes et des uniformes, des mauvaises notes et des chiens, tu as peur des revenants. La peur est comme une avancée de l’âge adulte dans ton enfance. Elle a sa place, elle a ses heures, elle a ses lieux. Mais elle ne t’arrête pas. Tu tombes, tu as peur de tomber ce qui fait que tu tombes, puis tu te relèves, tu pleures et la seconde d’après tu éclates de rire. La joie est encore plus forte. Le goût de vivre pour vivre. La peur, c’est la nuit, la joie, c’est le jour. 

 

L’enfant compose avec la peur comme il compose avec la nuit, avec les ombres, avec l’insuffisance des parents, comme il compose avec tout. La peur est une donnée matérielle du monde, parmi des dizaines d’autres. Il faut savoir que la nuit noire accélère les battements du cœur rouge. Etre seul dans un chagrin ou dans le vert d’une forêt, c’est effrayant. Il faut le savoir mais cela ne concerne pas l’esprit, le dedans, cela donne une information sur le monde. Alors tu l’apprends et puis tu l’oublies, comme dans l’enfance, on oublies aussitôt ce qu’on sait pour aller jouer un peu plus loin, pour continuer de perdre son temps, de jouir du grand bonheur de perdre son temps .

 

C’est une chose que les parents ont du mal à comprendre, cette jouissance-là. Ne reste pas désœuvré, fais quelque chose, prends un livre.  Même le jeu, ils voudraient que ce soit éducatif (pas que pour jouer, pas que pour rien). C’est que les parents sont des adultes et que les adultes sont des gens qui ont peur, qui se soumettent à leur peur, qui la connaissent d’une connaissance servile, sombre.

 

La peur n’est plus comme hier dans le monde, à certains endroits du monde, dans les dorures d’une légende ou dans les recoins d’une rue. Elle est maintenant dans l’esprit des adultes. Dans le sang de leur sang, dans le cœur de leur cœur. Elle les mène de part en part, elle est enfin venue à bout de l’enfance infatigable. Elle fait les mariages tristes, par peur de la solitude. Elle fait les travaux de force, par peur de la pauvreté. Elle fait les vies absentes, par peur de la mort, ce repos dont on ne sait rien que la frayer qu'il nous donne.

 

Quand elle descend sur l’enfance, la peur s’évapore aussitôt. Quand elle descend sur les adultes, elle reste, elle s’entasse. On dirait de la neige, une neige qui ne tomberait pas sur le monde, mais sur l’esprit.

Christian Bobin

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Comment ne pas entendre cet homme dont l’honneur est de ne jamais chercher son intérêt ?

5 Mars 2020, 05:52am

Publié par Grégoire.

Comment ne pas entendre cet homme dont l’honneur est de ne jamais chercher son intérêt ?

 

La parole du pape François va plus vite que la balle qui le menace. C’est assez facile somme toute de dire ce que cet homme a d’extraordinaire. Ce n’est pas son royaume d’opérette. On dirait un éclat du rocher de Monaco en plein milieu de Rome, une miette tombée de la tartine d’un ange – de la confiture de marbre. Ce ne sont pas non plus ses ancêtres, les précédents chefs de bureau. Leur lignée, dit-on, remonte à saint Pierre. L’éternité est une gamine qui joue aux osselets avec les reliques des saints. Ce n’est pas plus ses costumes époustouflants de blancheur, ni ceux crème de framboise des cardinaux qui parfois l’encerclent, rêvant de l’étouffer.

Écartons tout pour bien voir la magie de cet homme, sa manière incroyable de mordre le réel, de nous mordre le cœur pour qu’il se remette à battre. L’Église catholique est une rentière avec à son cou plissé de jaune (trop de bons repas, trop de cholestérol) le collier des notes de Jean-Sébastien Bach, et à ses doigts les bagues de Rembrandt : ambre et mystère. Siestes théologiques, double anniversaire à Pâques et à Noël, la vieille dame est gâtée, gâteuse. Pour voir ce que l’héritier, le plus que jeune François, a de sublime, enlevons toutes ces images, faisons un feu de jardin avec toutes ces richesses. Voilà : ce qu’il reste c’est la parole de cet homme. Ce qu’elle a d’unique c’est qu’elle est humaine dans un monde qui ne sait plus ce qu’est l’humain. Le prodige est aujourd’hui d’être doué de bon sens, et d’un cœur rayonnant.

 

Au premier soir de son élection il souhaite une bonne soirée aux milliards d’incrédules qui le regardent sur leur écran. La plupart n’ont pas eu droit à une bienveillance aussi vraie (la vérité s’attrape à l’oreille) depuis leurs premiers jours sur terre. Il fait aussi cette chose héroïque : il demande qu’on prie pour lui puis se tait une minute, imposant au monde assourdissant une minute de suspension de souffle, de silence angélique. Tels furent ses débuts : un peu de calme aux enfers. Une toute petite fleur blanche sur la place Saint-Pierre. Depuis il n’arrête pas d’être ordinaire et profond – un homme très simplement, à lui seul une espèce en voie de disparition. Voyez les visages des politiques : ils fuient comme de l’eau et du mensonge. Voyez son visage à lui : un sourire un brin voyou, le treizième apôtre qui traverse un champ de blé à la suite de son maître insensé. Il a dans les yeux une joie soucieuse. Il sait que, pour obéir à l’essentiel, il faut rompre avec les lois. Une des lois puissantes de notre monde c’est la révérence envers le nombre et l’argent. La mafia italienne (et pas seulement elle : toutes les mafias de l’économie) ne veut pas seulement régner, elle veut qu’on la bénisse. Les tueurs vont à la messe cachés parmi les pauvres. Les tueurs veulent un nimbe d’or, une approbation du Dieu qu’ils imaginent tout-puissant et un peu gras – leur modèle en somme, l’architecte milliardaire du paradis. Et de passage dans une ville tuméfiée par la mafia, ce pape dit très crûment, très clairement : la mafia pue. Il n’accorde pas de bénédiction à ceux qui font rentrer la drogue dans les veines, et la peur dans les âmes. Hoquets de scandale, étouffement des mafieux. Personne ne se scandalise mieux qu’un bourgeois.

 

Un « réseau » couvre le monde. Une « toile ». Nous devrions faire plus attention aux mots. Cette « toile », est-ce celle de l’araignée ou est-ce celle de l’oiseleur qui attrape les migrateurs, les âmes de passage ? Tout parle à personne, jour et nuit. Les réseaux sont plus enflammés que des reins malades. La toile a des mailles de plus en plus serrées. La lumière passe de moins en moins. Quelqu’un qui nous parle, c’est très rare. Quelqu’un qui nous parle c’est quelqu’un qui nous arrête et soudain change notre vie. Cet homme sur son balcon, ce tout-blanc, par sa parole il déchire les écrans, les voiles. La toile. C’est inoubliable, une vraie parole. Elle seule peut changer le monde. L’Église, cette vieille dame sur sa fin, riche et puante de morale – voilà que par la gaieté de ce pape elle récupère une jeunesse, ressemble de plus en plus à une gitane deux fois millénaire, prête à danser. Des cardinaux méchants, véreux, assoupis, ont élu à leur tête un poète – car c’est être poète que toucher les cœurs par quelques mots lancés comme du pain aux moineaux. Cet homme est un poète. Ce poète est un penseur. Il parle aux enfants et aux génies. Il est de la même race dure.

Il n’y a que le pape pour être pape. Le lieu, la fonction et le nom qu’il habite sont les plus conventionnels du monde. Chaque fois qu’il parle ou même qu’il sourit, il pulvérise cette convention mortifère. Aux cardinaux congestionnés, rouges verrues sur le visage du Christ, il reproche leur « Alzheimer spirituel », la maladie de leurs « mornes visages », la lèpre de leur science inutile. Comment ne pas croire celui qui, à chaque mot qu’il prononce, fait trembler son propre pouvoir ? Comment ne pas entendre cet homme dont l’honneur est de ne jamais chercher son intérêt, sa parole qui, sur notre mort mondialisée, fait passer le souffle purifiant de Palestine, le vent léger et bleu du lac de Tibériade ? 

 

Christian Bobin

 

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Le dieu innombrable prend parfois forme de prince, d'ivrogne ou de rose trémière ..

3 Mars 2020, 05:25am

Publié par Grégoire.

Le dieu innombrable prend parfois forme de prince, d'ivrogne ou de rose trémière ..

Dans la même journée j'avais rencontré Dieu deux fois.

La première, dans le métro. Dans les veines de métal, tous ces globules blancs des visages fuyants. Et puis cet homme endormi sur son strapontin. Maigre, jeune, lumineusement noir. Ses tempes - deux petites falaises d'os contre lesquelles battait l'océan du sommeil. Son repos - une ascèse. On aurait dit une statue de bois brûlé, oubliée dans le métro par son créateur - un génie sans doute. Toute présence est divine, mais les présences sont si rares. À quoi tiennent-elles ? Je pensais avant de découvrir ce dormeur que la parole - quand elle se fait plus coupante qu'une lame de rasoir - ou le regard - quand il a la découpe d'un diamant - engendrent ce qu'on appelle une « présence ». Mais là il n'y avait ni parole, ni regard. Juste un prince d'Éthiopie dormant dans sa tenue de maçon. Son sommeil avait de l'altitude.

Les textes sacrés parlent de la nécessité d'un éveil, mais l'esprit peut aussi emprunter cette voie d'un sommeil. Quand une mère se penche sur son enfant endormi, elle se penche sans le savoir sur un livre saint. Non, je me trompe. Ce n'était pas une tenue blanche, farineuse de maçon que portait ce sage. Plutôt l'uniforme de tout le monde aujourd'hui : jean, baskets, tee-shirt. Mais son abandon - tête cassée sur sa poitrine, jambes allongées, interminables - était celui d'un dieu de ce pays où Rimbaud, un temps, vendit du café. Des savants situent l'origine de l'humanité en Afrique. Je suis descendu à la Madeleine. J'ai laissé cet Adam noir poursuivre son rêve jusqu'à la fin des temps.

La deuxième vision est arrivée plus tard, gare de Lyon. L'homme, une sorte de Goliath, était allongé sur le sol, ivre mort, le filet d'un sourire à ses lèvres. Quatre policiers harnachés comme des hannetons l'entouraient. Je n'ai jamais vu un corps aussi grand. Il tenait du bûcheron et de l'arbre abattu. Il était à lui seul plus grand que la gare. C'était une autre vision de l'humain, donc du divin. Un homme jeté à terre comme il arrivera à chacun de nous. Les représentants de l'ordre semblaient perdus, chargés d'une mission angélique dont ils n'avaient pas l'habitude. La foule des abeilles voyageuses allait, venait.

Je cherche ce qui me sépare de ceux qui, comme moi, lèvent leur visage sur le tableau d'affichage de la gare. Je ne trouve rien. Une quarantaine de moi-même lèvent leurs yeux vers le panneau comme si allait y apparaître l'heure et le quai de leur mort. Un jour, je saurai voir en chacun le suaire de Turin, l'ombre du Dieu couché. Dans la dernière heure, je ne compterai que mes visions - pas ces heures grises qui les séparaient. Ce sera mon trésor pour l'au-delà. Je l'offrirai au dieu innombrable qui prenait parfois forme de prince, d'ivrogne ou de rose trémière.

Christian Bobin.

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La plus belle musique est celle qui donne le maximum d’intensité à un instant de silence. Simone Weil

1 Mars 2020, 05:12am

Publié par Grégoire.

La plus belle musique est celle qui donne le maximum d’intensité à un instant de silence. Simone Weil
 
La pianiste Zhu Xiao-Mei a été déportée cinq ans en Mongolie. Jean-Sébastien Bach est venu en personne la délivrer : elle s'est dans son exil souvenue des partitions apprises par cœur. Elle les jouait en appuyant ses doigts sur le clavier de l'air. Il y a un flux dans la vie qui est toute la vie. Une onde lumineuse. Quelque chose qui tremble. 
 
Il faut, dit-elle, quand on joue Bach, porter «chaque phrase comme on le ferait d'une bougie qu'on ne veut pas voir s'éteindre un soir de vent."
 
C'est une jolie façon de parler de la musique. Jolie et juste. Parler par images, c'est s'adosser à l'arbre de Vie. La poésie capture les choses telles que Dieu les voit à l'instant où il les crée et où elles lui glissent des mains. Cette pointe de feu dans le langage — les chiffres s'en écartent. 
 
La pianiste, sortie du camp de rééducation, vit dans l'Occident riche où, dit-elle, tout est beaucoup plus dur que dans un camp. Personne ne veut entendre cette parole-là. Les hommes fermés ont fait main basse sur le langage. Les chiffres avancent, avancent. Les ordinateurs doivent étre très malades pour qu'on s'occupe autant d'eux. Les chiffres grignotent les poutres du monde. Ils avancent, ils avancent. Un jour il ne restera plus que la poésie pour nous sauver. Je ne parle pas ici d'un genre littéraire ni d'un bricolage sentimental. Je parle de la déflagration d'une parole incarnée. Seuls rendent habitable le monde les bégaiements d'une parole qui ne doit rien à la  triste perfection d'un savoir-faire. Un jour nous lèverons la tête vers le ciel et nous ne verrons plus qu'un panneau d'affichage avec les prix d'entrée pour le paradis. C'est une maladie mortelle que d'être professionnel jusqu'au bout des ongles. Qu'est-ce que l'humain, sinon ce qui ne supporte pas les chiffres, le terrible savoir-faire ? Dans les tableaux du peintre De La Tour, la flamme d'une bougie représente l'âme. Elle éclaire des mains qui ont l'intelligence de ne rien faire. Des mains qui réfléchissent, on les dirait en cire.
 
Le monde moderne n'est qu'une tentative de moucher la chandelle de l'âme, afin que brille dans le noir la seule brillance hypnotisante des chiffres. L'âme, vous savez, cette pianiste qui joue toujours la note d'à côté, que le monde ne veut pas engager parce qu'elle manque d'habileté et dont il dit .. « Enlevez-moi ça, tout ira mieux sans elle. "
 
Christian Bobin 

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