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QUE CHERCHEZ-VOUS ?

Vous est-il nécessaire de consommer pour exister? (II)

28 Janvier 2013, 01:42am

Publié par Fr Greg.

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La société contemporaine donne l'impression d'une société de l'instantané où l'on veut tout, tout de suite. Qu'en est-il vraiment ?

Danielle Rapoport : Les rapports au temps sont plus complexes que cela. L’immédiateté de la réponse à une demande sur Google par exemple. l’instant du « clic », l’accélération généralisée, dessinent une partie seulement du temps contemporain. La « slow attitude » qui concerne de plus en plus de secteurs de la consommation, le besoin pour les gens de faire une pause, ces moments pris à ne rien faire de « consommatoire » - flâner, jouer avec ses enfants… - cela ouvre à d’autres temps. Mais les « net kids » ont eu beaucoup de cadeaux numériques pour Noël, car leur propre temps n’est plus le même que le nôtre, ni celui de la nostalgie. Nous sommes dans un temps pluriel, adapté à nos envies de vivre plusieurs vies et le plus longtemps possible !

En quoi la volonté de reconnaissance d'un droit à l'enfant, via la procréation médicalement assistée (PMA) en débat aujourd'hui, s'inscrit-elle dans cette logique ?

Diane Drory : Il y a actuellement des discussions sur l'adoption par les homosexuels en Belgique, après le vote de la loi de l'adoption par les homosexuels. On veut maintenant revenir à l'accouchement sous X pour que les homosexuels masculins puissent avoir un enfant sans que celui-ci ne puisse jamais remonter à ses origines. Il y a dans ce droit à l'enfant cette marque de toute puissance, où on oublie  qu'un enfant est un don de la vie, et non pas un droit, ou une exigence de voir le désir de l’adulte comblé. Le droit à l'enfant donne lieu à des raisonnements qui oublient l'intérêt de l'enfant, en autres d’avoir droit à connaître ses origines.

Danielle Rapoport : Concernant la PMA, les progrès de la génétique et de la médecine vont de plus en plus loin et offrent la possibilité d’avoir son enfant de façon volontaire. Que ce soit en termes de moment, d’âge de la mère, ou pour demain de détermination du sexe et des caractéristiques physiques et intellectuelles de l’enfant, la procréation de hasard devient plus rare. Est-ce plus ou moins responsable ? Est-ce du seul désir des parents dont il est question, et ce faisant de toute leur histoire et lignée dont l’enfant sera redevable ? Cette logique du droit pose en effet de graves questions sur le réel désir d’enfant, à savoir un nouvel être différent des projections personnelles des parents, et parfois frustrant vis-à-vis des attentes.

Faudrait-il réintroduire de la frustration dans notre société ? Comment ?

Diane Drory : Qu’il faille le faire à travers l'éducation est évident. L’acceptation de la frustration s'acquiert durant l'enfance, l'adolescence, notamment à travers les limites et la transmission de valeurs humaines. Cette dernière est tout à fait essentielle. Il existe une pression sociale, et même professionnelle qui fait que l'on ne supporte plus la frustration, et impose qu'on n'attende plus. Où cela va-t-il s'arrêter ? Il est nécessaire de réintroduire la notion du temps, qui est très importante. Nous sommes tellement pris dans l'immédiateté qu'elle nous empêche de penser. L'acceptation du manque aide à penser, et nous permet de chercher une autre solution, d'ouvrir d'autres pistes. Pendant les guerres se créent de grandes inventions, car l'humain est en manque. Le désir développe la créativité et le manque oblige à se débrouiller et à trouver des solutions alternatives.

Danielle Rapoport: Il ne faut pas le faire n’importe comment. Deux choses importantes à prendre en compte. Le fait d’abord que cette fracture sociale et économique est difficilement admissible, elle expose des inégalités et des injustices peu propices au devenir de l’humain. Les plus pauvres ne devraient pas être en frustration de survie, ni les plus riches en frustration de désir et en « manque de manque ». La nécessité ensuite de réfléchir et de concrétiser les notions de « limites », du fait des impératifs « écolo-durables qui obligent à des frustrations collectivement plus acceptables.

Comment ? Rêvons un peu… Débouter l’argent idolâtre, aider les plus démunis par de vraies actions, non pas d’assistance mais de place possible pour chacun de travailler, de manger correctement, d’être en relation. Apprendre ce qu’est l’argent et sa vraie valeur, ce fluide vital qui ne s’use pas si l’on s’en sert de manière dépassionnée. Ouvrir à la possibilité de prôner des valeurs « d’être », pour pallier le déficit de futur des sociétés et des hommes. Oser la création, l’imagination, aimer la frustration quand elle veut dire désir, courage et volonté d’être et de devenir.

Propos recueillis par Ann-Laure Bourgeois

www.atlantico.fr


Diane Drory est psychologue et psychanalyste. Elle est l'auteur de Au secours !  Je manque de manque ! paru aux éditions De Boeck en 2011.

Danielle Rapoport est psychosociologue, spécialisée dans la consommation. Elle est fondatrice et directrice de Danielle Rapoport conseil, un cabinet d’études et de conseil stratégique.

 

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