" Là où nous sommes - dans l'instant éternel- il n'y a pas de mots, puisque tout est là. Là où nous ne sommes pas -dans la suite des heures- il n'y a plus rien que des mots, enroulés sur eux-mêmes, comme ces duvets d'oiseaux oubliés par le vent dans l'ornière des chemins. J'écris c'est une façon de ne rien faire. Je me tais. Je regarde ce qui s'en va vers le soir. Comment aller dans la fadeur de toute langue, dans la nuit de chaque jour ? Une aide parfois survient. Elle vient à notre insu, comme à l'insu de ce qui la prodigue.
Elle nous est donnée par la beauté qui passe et meurt dans le passage. Comme un espace ouvert par la foudre. Comme une île de lumière au milieu des eaux noires. Nous n'aurons jamais d'autre secours que celui-là, que cette beauté qui nous éclaire en nous précipitant dans une nuit plus grande encore. "
Christian Bobin, Le huitième jour de la semaine