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QUE CHERCHEZ-VOUS ?

Être vulnérable, ou sans réserve...

2 Mars 2013, 02:36am

Publié par Fr Greg.

 

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Et voilà où mon histoire commence. Quand j'étais une jeune chercheuse, une étudiante en doctorat, pendant ma première année j'ai eu un directeur de recherche qui nous a dit :" Voilà le topo : ce qu'on ne peut pas mesurer n'existe pas." Et j'ai pensé qu'il essayait de m'embobiner. Et j'ai fait : " Vraiment ?", et lui : "Absolument." Il faut que vous sachiez que j'ai une licence d'assistance sociale, un master d'assistance sociale, et que je préparais une thèse d'assistance sociale, alors j'avais passé toute ma carrière universitaire entourée de gens qui croyaient en quelque sorte que la vie c'est le désordre, et qu'il faut l'aimer ainsi. Alors que moi ça serait plutôt : la vie c'est le désordre, il faut la nettoyer, l'organiser, et bien la ranger dans des petites cases. (Rires) Alors quand je pense que j'ai trouvé ma voie, que j'ai engagé ma carrière sur un chemin qui m'amène -- vraiment, dans l'aide sociale, on dit beaucoup qu'il faut plonger dans l'inconfort du travail. Et moi je suis plutôt : évacuer l'inconfort une bonne fois pour toutes, le dégager et n'obtenir que des 20 sur 20. C'était ma devise. C'est pourquoi j'étais très enthousiasmée par cette idée. Et que je me suis dit, tu sais quoi, c'est la carrière qu'il te faut, parce que je m'intéresse à des sujets compliqués, mais je veux pouvoir les rendre moins compliqués. Je veux les comprendre. Je veux m'infiltrer dans ces questions, que je sais importantes et les décoder pour tout le monde.


J'ai donc commencé avec les relations humaines. Parce que, quand vous avez travaillé dans le social pendant 10 ans, vous réalisez que les relations humaines sont la raison de notre présence sur terre. C'est ce qui donne un but et du sens à nos vies. Tout tourne autour de cela. Peu importe que vous en discutiez avec des gens qui travaillent dans le secteur de la justice sociale, ou bien de la santé mentale, ou de la maltraitance, ou de la négligence parentale, ils vous diront tous que les relations, la capacité d'entrer en relation, c'est -- sur le plan neurobiologique, nous sommes conçus ainsi -- c'est la raison de notre présence sur terre. J'ai donc pensé: je vais commencer par les relations humaines. Vous connaissez cette situation où vous avez un entretien d'évaluation avec votre patron, et elle vous parle de 37 choses que vous faites incroyablement bien, et puis d'une chose -- " Une occasion de vous améliorer." (Rires) Et tout ce que vous retenez, c'est cette "occasion de vous améliorer", pas vrai ? Eh bien, à première vue, c'est également la direction que mon travail a prise, parce que, quand j'ai interrogé les gens sur l'amour, ils m'ont parlé de chagrin. Quand j'ai interrogé les gens sur le sentiment d'appartenance, ils m'ont raconté leurs plus atroces expériences où ils étaient exclus. Et quand j'ai interrogé les gens sur les relations humaines, les histoires qu'ils m'ont racontées parlaient d'isolement.

Aussi très rapidement -- en fait après seulement six semaines de recherches -- j'ai buté sur cette chose sans nom qui détruisait totalement les relations d'une façon que je ne comprenais pas, et que je n'avais jamais vu. J'ai donc pris un peu de recul sur ma recherche et je me suis dit, il faut que je comprenne ce dont il s'agit. Et j'ai découvert qu'il s'agissait de la honte. On peut vraiment comprendre la honte facilement si on la considère comme la peur de l'isolement. Il y a-t-il quelque chose chez moi qui ferait que, si d'autres le savaient ou le voyaient, je ne mériterais pas d'être en relation avec eux ? Il y a une chose que je peux vous en dire : c'est universel ; on a tous ça. Les seules personnes qui n'éprouvent pas la honte sont celles qui sont incapables d'empathie ou de relations humaines. Personne ne veut en parler, et moins on en parle, plus on la ressent. Ce qui est à la base de cette honte, ce "Je ne suis pas assez bien ", -- qui est un sentiment que nous connaissons tous : " Je ne suis pas assez neutre. Je ne suis pas assez mince, pas assez riche, pas assez beau, pas assez malin, pas assez reconnu dans mon travail." Ce qui est à la base de tout ça, c'est une atroce vulnérabilité, cette idée que, pour pouvoir entrer en relation avec les autres, nous devons nous montrer tels que nous sommes, vraiment tels que nous sommes.


Et vous savez ce que je pense de la vulnérabilité. Je hais la vulnérabilité. J'ai donc pensé, voilà l'occasion que j'attendais de la faire battre en retraite avec ma règle. Je vais m'y plonger, je vais démêler toute cette histoire, je vais y consacrer une année, je vais complètement déboulonner la honte, je vais comprendre comment fonctionne la vulnérabilité, et je vais être la plus forte. J'étais donc prête, et j'étais vraiment enthousiaste. Comme vous vous en doutez, ça ne s'est pas bien passé. (Rires) Vous vous en doutez. Alors, je pourrais vous en dire long sur la honte, mais il me faudrait prendre le temps de parole de tous les autres. Mais voilà ce que je peux vous dire, ce à quoi ça se résume -- et c'est peut-être la chose la plus importante que j'ai jamais apprise pendant les dix années passées sur cette recherche. Mon année s'est transformée en six années, des milliers de récits, des centaines de longs entretiens, de groupes de discussion. À un moment, les gens m'envoyaient des pages de journaux, ils m'envoyaient leurs histoires -- des milliers d'éléments d'information en six ans. Et j'ai commencé à comprendre.


J'ai commencé à comprendre : voilà ce qu'est la honte, voilà comment ça marche. J'ai écrit un livre, j'ai publié une théorie, mais quelque chose n'allait pas -- et ce que c'était, c'est que, si je prenais les gens que j'avais interviewés, et que je les divisais grossièrement en deux catégories: ceux qui croyaient vraiment en leur propre valeur --c'est à cela que ça se résume, croire en sa propre valeur -- ils ont un fort sentiment d'amour et d'appartenance -- et ceux qui ont du mal avec ça, ceux qui se demandent tout le temps si ils sont assez bien. Il n'y avait qu'une variable qui différenciait ceux qui ont un fort sentiment d'amour et d'appartenance de ceux qui ont vraiment du mal avec ça. Et c'était que ceux qui ont un fort sentiment d'amour et d'appartenance pensent qu'ils méritent l'amour et l'appartenance. C'est tout. Ils pensent qu'ils le méritent. Et pour moi la chose qui nous prive de relations humaines est notre peur de ne pas mériter ces relations, c'était quelque chose que, sur le plan personnel comme professionnel, j'ai eu l'impression que j'avais besoin de mieux comprendre. Alors ce que j'ai fait, c'est que j'ai pris tous les interviews dans lesquels je pouvais voir des gens qui croyaient mériter, qui vivaient ainsi, et je les ai simplement examinés attentivement.

 

Qu'ont en commun tous ces gens ? Je suis un peu accro aux fournitures de bureau, mais c'est une autre histoire. J'avais une chemise cartonnée, et j'avais un marqueur, et j'ai fait, comment vais-je intituler cette recherche ? Et les premiers mots qui me sont venus à l'esprit ont été "sans réserve". Ce sont des gens sans réserves, qui vivent avec ce sentiment profond de leur valeur. Alors je l'ai inscrit sur la couverture de la chemise, et j'ai commencé à examiner les données. En réalité, j'ai commencé par le faire pendant quatre jours par une analyse des données extrêmement intensive, où je suis revenue en arrière, j'ai ressorti ces interviews, ressorti les récits, ressorti les incidents. Quel est le thème ? Quel est le motif ? Mon mari a quitté la ville avec les enfants parce que je rentre à chaque fois dans ce délire à la Jackson Pollock, où je ne fais qu'écrire, et où je suis en mode chercheuse. Et voici ce que j'ai trouvé. Ce qu'ils avaient en commun, c'était un sens du courage. Là je veux prendre une minute pour vous expliquer la distinction entre le courage et la bravoure. Le courage, la définition originelle du courage, lorsque ce mot est apparu dans la langue anglaise -- il vient du latin "cor", qui signifie "cœur" -- et sa définition originelle était : raconter qui nous sommes de tout notre cœur. Ainsi, ces gens avaient, très simplement, le courage d'être imparfaits. Ils avaient la compassion nécessaire pour être gentils, tout d'abord avec eux-mêmes, puis avec les autres, car, à ce qu'il semble, nous ne pouvons faire preuve de compassion envers les autres si nous sommes incapables d'être gentils envers nous-même. Et pour finir, ils étaient en relation avec les autres, et -- c'était ça le noyau dur -- de par leur authenticité, ils étaient disposés à abandonner l'idée qu'ils se faisaient de ce qu'ils auraient dû être, de façon à être qui ils étaient, ce qui est un impératif absolu pour entrer en relation avec les autres.

 

Brene Brown.

 

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