Il répandit l’intensité de son amour en se répandant lui-même comme de l’eau… (8)
Jésus dit : « C’est achevé » et inclinant la tête, il remit l’Esprit.
Se soumettre à la fragilité de Dieu qui s’est fait homme, jusque dans l’extrême anéantissement du crucifié..
L’homme doit accepter de consentir à ce mystère comme quelque chose qui le dépasse infiniment et dans lequel il est perdu. La femme, elle, va accepter de consentir à ce mystère comme quelque chose qui la renvoie presque à l’échec complet d’elle-même. Parce que la souffrance de quelqu’un qu’elle aime, c’est son échec. C’est l’échec intime de tout ce pour quoi elle est faite. Il y a un débat sous-jacent qui existe dans toute autre femme que la Vierge Marie, entre cette manière dont Dieu a voulu donner à vivre ce qui en lui est de plus secret, et ce que la femme désire de tout son être. Consentir à ce que Jésus crucifié soit le dernier visage de l’amour, c’est entrer, quand on est une femme, dans une manière d’aimer, une manière de servir la vie radicalement autre que ce qu’elle porte naturellement. Il ne s’agit pas simplement de résister ou lutter contre la souffrance par l’amour, mais il s’agit d’accepter que dans la souffrance qu’on ne peut pas éviter, il y a quelque chose de l’amour à vivre qui est plus grand que tout le reste.
Il ne s’agit plus de donner la vie, mais d’entrer dans une vie qui n’est plus à notre taille.
Et c’est bien Marie qui à la croix, devient mère et servante d’une vie radicalement autre. Parce que c’est la vie de Dieu, ça n’a rien à voir avec tout ce que les femmes savent de la vie.
Et la confiance de Jésus c’est ce qu’il demande à sa mère, d’être mère de cet homme qu’est Jean. Au niveau humain cela veut juste rien dire. On n’est pas mère d’un homme de 24 ans ! Il n’est pas un pauvre gamin qui a besoin d’une mère : il a eut 3 ans de formation auprès de Jésus, après être passé chez Jean Baptiste.
Pourquoi alors le « voici ton fils ? »
Jésus réquisitionne Marie dans l’amour pour être source personnelle d’une vie capable de traverser la souffrance et la mort. Une vie qui l’excède complètement.
Il y a là un face à face entre la vie vue par la femme, et la vie qui est Dieu lui-même : vie, éternelle et féconde. La vie, telle que Dieu nous la propose en Marie, a quelque chose de complètement paniquant pour celle qui sont naturellement faits pour être personnellement investi dans la vie sur la terre. Il faut renaitre soi-même pour accepter d’être investi dans une vie qui commence par la mort du crucifié.
Il ne s’agit plus d’aimer les gens humainement et aussi de les porter spirituellement. Il s’agit d’être possédé corps et âme par une vie qui nous met dans l’état intérieur de celui qui est sur la croix; et donc qui n’est pas à la mesure de ce qu’une maman ou qu’une épouse aussi charmante et délicieuse est capable de faire.
C’est donc un nouveau débarquement de Dieu en nous, une nouvelle pauvreté, un nouveau dépouillement. Puisqu’il s’agit d’aimer dans le même état d’impuissance que Jésus à la croix.
Les hommes le savent qu’ils sont incapables d’aimer. C’est beaucoup plus pénible de le voir en face. Et surtout c’est très pénible de ne pas pouvoir s’en excuser. On s’en excuse en rendant service, en faisant quelque chose pour l’autre, et en se défiant du face à face. Ou alors, on se réfugie dans un face à face affectif, qui n’est plus alors un face à face, mais deux vécus qui se font face, et qui restant chacun dans leur sentiments vécus de l'autre, évite l’autre dans ce qui fait qu'il est autre, lui-même.
Voir l’attente du coeur de la femme et être dans l’impuissance radicale à y répondre, c’est très humiliant, blessant pour l'homme. Ça le met même à mort. Parce que ça lui fait découvrir qu’il ne peut pas être la réponse qu’il voudrait être pour celle qu’il aime.
Or, c’est comme ça que le Christ nous aime, qu'il se fait visage ultime de l’amour. Et c'est comme cela qu'il nous demande d’engendrer celui qu’il nous confie.
Jésus ne nous a pas aimé comme un héros Grec. Il ne s’est pas livré et ne nous a pas donné l’Esprit Saint du haut de sa force. Il s’est livré à nous dans l’impuissante apparence à faire quelque chose pour nous. Il n’y a rien qui fait moins quelque chose pour moi qu’un ami qui se laisse crucifier pour moi. Il sauve le monde dans une inefficacité totale, dans un complet non-résultat, dans un échec rarement atteint.
à suivre ...
Grégoire +