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je parle si souvent de Dieu qu’on va finir par croire que je le connais

28 Mai 2020, 08:07am

Publié par Grégoire.

je parle si souvent de Dieu qu’on va finir par croire que je le connais

Il y a deux façons de protéger un amour: vous n’en parlez jamais, il ne fleurit même pas sur vos lèvres ou dans le fond ombreux de vos yeux, ou alors vous multipliez tout les noms, vous prenez toute la corbeille du langage et vous lui donnez tout les noms et votre amour est protégé.

 

Je ne sais pas ce que c’est que Dieu. Je sais que cette vie est illimité, je sais qu’il y a un principe personnel de cette vie, mais je n’en sais pas plus…

 

Ces histoires de Dieu, c’est bizarre mais j’ai toujours vu le divin sortir de façon incongru, je l’ai vu dans ces maisons ou l’on rassemble les troupeaux sans bergers de ces gens atteins d’alzheimer, ou parce que la vieillesse a décrété qu’ils devaient être là, et j’ai vu des gens extrêmement précieux et d’une beauté soufflante qu’ils ne connaissaient pas eux mêmes. J'ai trouvé Dieu dans les flaques d'eau, dans le parfum du chèvrefeuille, dans la pureté de certains livres et même chez des athées. Je ne l’ai presque jamais trouvé chez ceux dont le métier est d’en parler.

Enfin, je parle si souvent de Dieu qu’on va finir par croire que je le connais.

 

Un jour dans un hôpital psychiatrique, un homme arrive vers moi et me dit: « je vous reconnais, vous êtes Dieu! » c’était vraiment me faire beaucoup d’honneur; j’ai eu une réponse… vous savez la vie c’est des cartes qui tombent comme ça en moins d’une seconde et il faut tout de suite relancer le jeu…

 

j’ai eu une réponse un peu faible, je lui ai répondu « non » et j’ai vu un grand dépit dans son visage, c’était un souffrant, quelqu’un de malade; aujourd’hui je lui répondrai « oui… mais vous aussi », « oui, mais pas plus que vous » Pas parce qu’il était faible et malade, mais parce que -je vais vous dire c’est épouvantable- je le reconnais partout. Pas uniquement dans les gens fragiles; Je peut sentir quelque chose de divin y compris dans la tristesse d’un puissant, d’un roi, d’un ministre; et ils me touchent ces gens là, non par leur puissance, non par leur morgue, mais parce que c’est une misère de croire que l’on peut quelque chose sur les autres, qu’on peut être le maître dans cette vie. Les mains des anges sont noires à force de nous déterrer des gravats de nos projets.

 

Au fond cet homme était clairvoyant: ce qu’on appelle Dieu peut se présenter partout dans notre vie, presque à notre insu. C’est comme du vif argent cette histoire de Dieu, c’est impossible à attraper, mais ça fait reluire tout le feuillage de la vie.

 

Christian Bobin 

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