Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
QUE CHERCHEZ-VOUS ?

Il y a des fous tellement fous que rien ne pourra jamais leur enlever des yeux la jolie fièvre d'amour...

20 Juin 2019, 01:24am

Publié par Grégoire.

Il y a des fous tellement fous que rien ne pourra jamais leur enlever des yeux la jolie fièvre d'amour...

Nouveau seul-en-scène

à partir de textes de Christian Bobin,

disponible pour la scène, un salon,

à partir du 01 Septembre 2019.

 

" On est jetée dans le néant de cette vie, dans la fragilité extrême de cette vie, il faut aller très vite et résister à la tyrannie des évènements. La vie de chacun est un trait de feu, quelque chose qui ressemble au buisson ardent, quelque chose qui éclaire, qui brûle sans se détruire… Dieu nait à chaque rencontre, mais les vrais rencontres c’est très très rare. Que les gens disparaissent est au fond moins surprenant que de les voir apparaître soudain devant nous, proposés à notre coeur et à notre intelligence. Ces apparitions sont d'autant plus précieuses qu'elles sont infiniment rares.  Tous les jours, des centaines de boîtes dans le monde partent sous terre ou brûlent avec à l'intérieur des gens devenus génies par la grâce de mourir. Ils savent tout, ne disent rien. Leur silence est le même que celui des fleurs. Nous recevons la nouvelle de la disparition d'un être aimé comme l'enfoncement d'un poing de marbre dans notre poitrine. Pendant quelques mois nous avons le souffle coupé. Le choc nous a fait reculer d'un pas. Nous ne sommes plus dans le monde. Nous le regardons.

Rencontrer quelqu'un, le rencontrer vraiment -et non simplement bavarder comme si personne ne devait mourir un jour-, est une chose infiniment rare.  La plupart des gens sont aujourd'hui si parfaitement adaptés au monde qu'ils en deviennent inexistants.                          

Un jour arrive où plus personne ne vous est étranger. Ce jour-là, terrible, signe votre entrée dans la vie réelle. Elle est partie l’amoureuse - Elle est partie comme un ballon qu’un enfant tient par une ficelle et soudain lâche et le ballon monte en tournant dans le ciel. Ceux que nous aimons sont les voies de passeur vers plus grand qu’eux, les masques d’une divinité qu’aucune religion n’a réussi à capturer dans le filet de ses dogmes. Je ne demande plus à la vie ce qu’elle est. Je rejoins le grand art des berceaux : yeux dévalisés par l’invisible, bouche ouverte, je respire. J’avale les anges de l’air. Et j’écris, c’est ma réponse au sans réponse, mon contrechant, un bruit d’ailes dans le feuillage toujours vert du temps.

Christian Bobin

 

Commenter cet article