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Je ne peux rien sur ma vie, surtout pas la mener..

9 Mai 2018, 02:52am

Publié par Grégoire.

Je ne peux rien sur ma vie, surtout pas la mener..

Il y a une chose qui manque à cette vie très souvent et dont on aura jamais assez, c’est l’intelligence. Quand j’entend l’intelligence, j’entend par là non pas quelque chose qui se diplôme, qui s’étudie, qui s’achète, non rien de tout ça. C’est plus proche du bon sens, c’est simplement la pointe du diamant de la vie, du présent de la vie, c’est la facette la plus exposé au soleil de la vie, l’intelligence. Tout le monde peut ou devrait théoriquement l’avoir et l’a par naissance. C’est une simple question de bon sens et je dirai même d’improvisation. 

Il y a une musique dont la matière même est d’improvisation c’est le jazz. Et, c’est une musique ou les gens vieillissent très bien d’ailleurs si on regarde. Les vieillards les plus  vivants, les plus beaux, les plus réjouissants à voir, ce sont souvent des pianistes, ou des saxophonistes. A croire que cette musique là fait traverser le temps comme un jeu d’enfant, ou comme on joue à la marelle, en sautant et en riant d’une case à l’autre jusqu’a la mort comprise.

Le ressort même de la vie c’est improviser. Pas de règles, pas de lois, connu en tout cas. Il y a des lois mais très difficile à trouver parce que très simple, et ce qui est le plus simple est toujours le plus difficile. Il n’y a pas vraiment de règles et c’est à vous de les découvrir. On vous donne juste, exactement comme en Jazz, on vous donne un tempo, on vous donne un thème, et puis là dessus c’est à vous et vous seul de vous débrouiller, d’improviser, d’inventer, de diminuer le rythme, de presque vous taire, comme Miles Davis  pouvait faire qui, en jouant une note tout les quart d’heure emplissait le temps, largement, amplement. 

La vérité de la vie n’est peut-être pas musicale, mais a coup sur elle emprunte au savoir très enfantin, très gamin des joueurs de jazz quand ils sont à leur meilleurs, c’est à dire quand ils oublient qu’on les écoute et quand ils sont tous en train de se chahuter dans une petite formation à trois ou quatre comme ces gosses qui sortent de l’école et qui se lancent des boules de neige ou qui jouent à s’attraper et qui poursuivent quelque chose peut-être de surement de plus grand qu’eux. Je ne sais pas comment la dire cette chose, le… l’évidence d’une fête, le réel peut-être, le dieu du réel qui passe en se moquant de nous, et dont on peut toucher parfois le manteau, pour peut que l’on bouge très vite, pour peut que l’on sache se réjouir et surtout surtout improviser, très vite, pour toucher le manteau incroyablement lumineux et doré de ce dieu là, qui déjà s’éloigne et s’en va et nous condamne à ré-improviser, à réinventer, à parler à nouveau comme si on ne l’avait jamais fait, comme si jamais personne au monde ne l’avait fait. Le monde vient d’apparaitre, c’est ça qu’on peut entendre dans la musique classique quand elle est joué avec l’attention qu’il faut, et dans le jazz, quand il est joué avec une joie non commerçante et non machinale. Le monde vient d’apparaitre, tu peux non pas mettre la main dessus -ce ne serait plus vivant mais la marque de la mort- mais tu peux juste frôler le manteau du dieu invisible. Improvise, surtout improvise. 

Christian Bobin. 

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