Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
QUE CHERCHEZ-VOUS ?

l’absence d’un mort nous inonde de sa présence

16 Avril 2017, 03:37am

Publié par Grégoire.

l’absence d’un mort nous inonde de sa présence

Au cours d’une promenade au cimetière, j’ai vu sur une tombe ces mots inscrits : « Ici repose untel, en attendant le jour de sa Résurrection. » Cette phrase était plus dure que la pierre sur laquelle elle était inscrite. C’est parce que aujourd’hui tout est perdu que la résurrection peut commencer enfin : tout ce qui était sacré est atteint comme le seraient des arbres après le travail d’un vent noir. Le mot résurrection trouve un appui réel dans cette perte enfin presque totalement réalisée aujourd’hui. De même que l’absence d’un mort nous inonde de sa présence et nous le rend encore plus cher, on sait ce qu’est un arbre quand on le découvre accablé et la face contre terre. 

(...) à une messe de Pâques, au moment de la communion, les gens se levaient en silence, gagnaient le fond de l'église par une allée latérale, puis revenaient à petits pas serrés dans l'allée centrale, s'avançant jusqu'au chœur où l'hostie leur était donnée par un prêtre barbu portant des lunettes cerclées d'argent, aidé par deux femmes aux visages durcis par l'importance de leur tâche – ce genre de femmes sans âge qui changent les glaïeuls sur l'autel avant qu'ils ne pourrissent et prennent soin de Dieu comme d'un vieux mari fatigué. Assis au fond de l'église et attendant mon tour pour rejoindre le cortège, je regardais les gens – leurs vêtements, leurs dos, leurs nuques, le profil de leurs visages. Pendant une seconde ma vue s'est ouverte et c'est l'humanité entière, ses milliards d'individus, que j'ai découverte prise dans cette coulée lente et silencieuse : des vieillards et des adolescents, des riches et des pauvres, des femmes adultères et des petites filles graves, des fous, des assassins et des génies, tous raclant leurs chaussures sur les dalles froides et bosselées de l'église, comme des morts qui sortaient sans impatience de leur nuit pour aller manger de la lumière. J'ai su alors ce que serait la résurrection et quel calme sidérant la précéderait. Cette vision n'a duré qu'une seconde. À la seconde suivante la vue ordinaire m'est revenue, celle d'une fête religieuse si ancienne que le sens s'en est émoussé et qu'elle ne demeure plus que pour être vaguement associée aux premières fièvres du printemps.

C Bobin.

 

Commenter cet article
A
peut-être Christian Bobin a pu "voir" la Résurrection ; il est un visionnaire, du vrai réel, de la vraie beauté ....pour la plupart, on n'en est pas capable, la Résurrection est au-delà des perceptions humaines, de la conscience humaine ....quelques voyants savent dire a quel point elle est bouleversante de sur-humanité , de sur-réalité ....elle dépend d'un Tout Autre sur lequel on s'interroge encore et encore, incertains de tout. Jean d'Ormesson l'exprime si bien dans son dernier livre "Les égarés".
Répondre