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QUE CHERCHEZ-VOUS ?

Immortelle randonnée

17 Août 2013, 20:42pm

Publié par Fr Greg.

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Jean-Christophe Rufin a suivi à pied, sur plus de huit cents kilomètres, le «Chemin du Nord» jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle. Beaucoup moins fréquenté que la voie habituelle des pèlerins, cet itinéraire longe les côtes basque et cantabrique puis traverse les montagnes sauvages des Asturies et de Galice.

«Chaque fois que Ton m’a posé la question : « Pourquoi êtes-vous allé à Santiago ? », j’ai été bien en peine de répondre. Comment expliquer à ceux qui ne l’ont pas vécu que le Chemin a pour effet sinon pour vertu de faire oublier les raisons qui ont amené à s’y engager ? On est parti, voilà tout.»

Galerie de portraits savoureux, divertissement philosophique sur le ton de Diderot, exercice d’autodérision plein d’humour et d’émerveillement, Immortelle randonnée se classe parmi les grands récits de voyage littéraires.

 

Jean-Christophe Rufin, médecin, pionnier du mouvement humanitaire, a été ambassadeur de France au Sénégal de 2007 à 2010. Il est l’auteur de romans désormais classiques tels que L’Abyssin, Globalia, Rouge Brésil, prix Concourt 2001. Il est membre de l’Académie française depuis 2008.

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« L’étape avait déjà été longue et je soufflais un peu en gravissant les flancs du mont Igueldo. À pied, il est toujours long de se séparer des villes. Même si, de ce côté-là, San Sébastien s’ouvre assez vite sur la campagne et des landes côtières sauvages, il faut tout de même dépasser les dernières habitations, les petits bourgs que le voisinage de la grande ville a gonflé de maisons neuves. Sur un chemin étroit, à la sortie d’un de ces villages pavillonnaires, j’eus la surprise et le plaisir de découvrir un signe amical. Quelqu’un avait disposé le long d’un mur une petite table destinée aux pèlerins. Des jarres d’eau permettaient de remplir les gourdes vides. Protégé par un auvent, un registre recueillait les commentaires que les marcheurs voulaient bien laisser.


Une pancarte leur souhaitait un bon pèlerinage et leur indiquait avec une précision dont on ne pouvait dire si elle était cruelle ou charitable qu’il leur restait « seulement » 785 km à parcourir jusqu’à Saint-Jacques. Surtout, attaché à son encreur par une petite chaîne, un tampon permettait d’authentifier l’étape. À San Sébastien, je n’étais pas parvenu à faire apposer un cachet car l’office du tourisme était fermé à l’heure où j’étais passé. Pèlerin novice, je n’avais pas encore l’expérience qui permet aux plus confirmés de faire tamponner leur Crédentiale dans les pharmacies, les bars, les bureaux de poste ou les commissariats de police. J’étais donc reparti avec un passeport encore vierge. Voilà que sur cette portion anonyme de chemin, presque au milieu de nulle part, j’allai moi-même, avec émotion, placer le premier jalon de mon parcours de papier, grâce à ce tampon qui représentait une belle coquille rouge. J’écrivis un mot enthousiaste pour l’inconnu qui m’avait fait ce cadeau, avec la même reconnaissance que Brassens pour son Auvergnat. Puis je continuai.


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L’après-midi était bien avancée. Le soleil était revenu et avec lui une chaleur humide qui me faisait suer à grosses gouttes. Il fallait presser le pas pour trouver un lieu propice au camping sauvage.


J'en repérais plusieurs mais, en m’approchant, je les trouvais chaque fois trop près des fermes, trop en vue de la route ou pas assez plats. Enfin, vers la tombée du soir, en enjambant une clôture de barbelés, je découvris une portion de champ qui me parut convenable. Par-dessus les haies, on voyait la mer jusqu’à l’horizon. De gros cargos croisaient au large. Je montai ma tente, disposai tous les accessoires du bivouac et sur un réchaud fis cuire mon dîner.

La nuit tomba et je la contemplai longtemps avant de me coucher pour de bon. En une journée, j’avais tout perdu : mes repères géographiques, la stupide dignité que pouvaient me conférer ma position sociale et mes titres. Quelques mois plus tôt, j’étais servi par un maître d’hôtel aux petits soins qui m’appelait Excellence, et voilà qu’assis par terre, je mâchais des nouilles pas cuites. Cette expérience n’était pas la coquetterie d’un week-end mais bien un nouvel état, qui allait durer.

 


En même temps que j’en mesurais l’inconfort et que je pressentais les souffrances qu’il me ferait endurer, j’éprouvais le bonheur de ce dépouillement. Je comprenais combien il était utile de tout perdre, pour retrouver l’essentiel. Ce premier soir, je mesurais la folie de l’entreprise autant que sa nécessité et je me dis que, tout compte fait, j’avais bien fait de me mettre en route. »

 

Jean Chrisstophe Rufin, Immortelle randonnée, Compostelle malgré moi. editions Guérin.


 

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Soyez patient avec vous-même...

11 Août 2013, 10:35am

Publié par Fr Greg.

 

 

 

Soyez patient avec tout le monde, mais surtout avec vous-même.

 

         Faites comme les petits enfants qui de l'une des mains se tiennent à leur père, et de l'autre cueillent des fraises ou des mûres le long des haies ; car, de même, amassant et maniant les biens de ce monde de l'une de vos mains, tenez toujours de l'autre la main du Père céleste, vous tournant de temps en temps vers lui, pour voir s'il a agréable vos activités ou vos occupations.

 

Gardez-vous bien surtout de quitter sa main et sa protection, car vous ne ferez point de pas sans donner du nez en terre.

 

Je veux dire que quand vous serez parmi les affaires et occupations  communes, qui ne requièrent pas une attention si forte et si pressante, vous regardiez plus Dieu que les affaires ; et quand les affaires sont de si grande importance qu'elles requièrent toute votre attention pour être bien faites, de temps en temps vous regarderez à Dieu, comme font ceux qui naviguent en mer, lesquels, pour aller à la terre qu'ils désirent, regardent plus en haut au ciel que non pas en bas où ils voguent.

 

Une demi-heure d’oraison est essentielle, sauf quand on est très occupé. Alors, une heure est nécessaire…

 

St François de Sales.

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La mort, l’amour, la vie

8 Août 2013, 14:41pm

Publié par Fr Greg.

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J’ai cru pouvoir briser la profondeur de l’immensité
Par mon chagrin tout nu sans contact sans écho
Je me suis étendu dans ma prison aux portes vierges
Comme un mort raisonnable qui a su mourir
Un mort non couronné sinon de son néant
Je me suis étendu sur les vagues absurdes
Du poison absorbé par amour de la cendre
La solitude m’a semblé plus vive que le sang
Je voulais désunir la vie
Je voulais partager la mort avec la mort
Rendre mon cœur au vide et le vide à la vie
Tout effacer qu’il n’y ait rien ni vire ni buée
Ni rien devant ni rien derrière rien entier
J’avais éliminé le glaçon des mains jointes
J’avais éliminé l’hivernale ossature
Du voeu de vivre qui s’annule

Tu es venue le feu s’est alors ranimé
L’ombre a cédé le froid d’en bas s’est étoilé
Et la terre s’est recouverte
De ta chair claire et je me suis senti léger
Tu es venue la solitude était vaincue
J’avais un guide sur la terre je savais
Me diriger je me savais démesuré
J’avançais je gagnais de l’espace et du temps
J’allais vers toi j’allais sans fin vers la lumière
La vie avait un corps l’espoir tendait sa voile
Le sommeil ruisselait de rêves et la nuit
Promettait à l’aurore des regards confiants
Les rayons de tes bras entrouvraient le brouillard
Ta bouche était mouillée des premières rosées
Le repos ébloui remplaçait la fatigue
Et j’adorais l’amour comme à mes premiers jours.

Les champs sont labourés les usines rayonnent
Et le blé fait son nid dans une houle énorme
La moisson la vendange ont des témoins sans nombre
Rien n’est simple ni singulier
La mer est dans les yeux du ciel ou de la nuit
La forêt donne aux arbres la sécurité
Et les murs des maisons ont une peau commune
Et les routes toujours se croisent.
Les hommes sont faits pour s’entendre
Pour se comprendre pour s’aimer
Ont des enfants qui deviendront pères des hommes
Ont des enfants sans feu ni lieu
Qui réinventeront les hommes
Et la nature et leur patrie
Celle de tous les hommes
Celle de tous les temps.

 

Paul Eluard

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Honte à toi !

6 Août 2013, 09:56am

Publié par Fr Greg.

 

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Honte à toi qui la première
M'as appris la trahison
Et d'horreur et de colère
M'a fait perdre la raison !
Honte à toi, femme à l'œil sombre,
Dont les funestes amours
Ont enseveli dans l'ombre
Mon printemps et mes beaux jours !
C'est ta voix, c'est ton sourire,
C'est ton regard corrupteur,
Qui m'ont appris à maudire
Jusqu'au semblant du bonheur ;
C'est ta jeunesse et tes charmes
Qui m'ont fait désespérer,
Et si je doute des larmes,
C'est que je t'ai vu pleurer. 
Honte à toi ! j'étais encore 
Aussi simple qu'un enfant ; 
Comme une fleur à l'aurore, 
Mon cœur s'ouvrait en t'aimant.
Certes ce cœur sans défense 
Put sans peine être abusé ; 
Mais lui laisser l'innocence
Était encor plus aisé. 
Honte à toi ! tu fus la mère
De mes premières douleurs
Et tu fis de ma paupière 
Jaillir la source des pleurs ! 
Elle coule, sois-en sûre, 
Et rien ne la tarira ; 
Elle sort d'une blessure
Qui jamais ne guérira ; 
Mais dans cette source amère 
Du moins je me laverai, 
Et j'y laisserai, j'espère,
Ton souvenir abhorré !

A. Musset.

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La Beauté

4 Août 2013, 14:25pm

Publié par Fr Greg.

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Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Éternel et muet ainsi que la matière.

Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ;
J'unis un coeur de neige à la blancheur des cygnes ;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.

Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d'austères études ;

Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !

 

 

C. Baudelaire, Les fleurs du mal.

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Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?

3 Août 2013, 10:26am

Publié par Fr Greg.

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L'amour ne rend pas aveugle, il rend visionnaire.


Christiane Singer, d’origine austro-hongroise, est une écrivain relativement prolifique, de sensibilité chrétienne imprégnée de sagesse orientale, qui s'abstient de donner des leçons de morale et exclut tout dogmatisme. 

 
Elle a suivi l’enseignement de Graf Karlfried Dürckheim, (disciple lui-même de C.G.Jung), fondé sur la méditation qui ouvre le chemin du divin en soi, aide l'homme à en revenir à la notion de maître intérieur, cette force surnaturelle en chacun de nous. Dürckheim est mort en 1988. 

Après des études de lettres à Aix-en-Provence, Christiane Singer enseigne ensuite aux Universités de Bâle et de Fribourg. Elle fut secrétaire-générale du P.E.N. Club autrichien, de 1990 à 1998 et vit aujourd'hui dans son château médiéval de Rastenberg, non loin de Vienne. Ses parents sont originaires d'Europe Centrale.

“A l’écart de toute institution ou foi établies, déchirée entre l'extrême beauté du monde et sa cruauté aussi extrême", Christine Singer doit donc beaucoup à l'enseignement du comte Dürckheim. Ce dernier fut lieutenant dans l'armée allemande pendant la guerre 1914-1918, notamment à Verdun, où il connut les affres de la solitude, de l'absurdité et de la mort. En 1923, Dürckheim est reçu docteur en psychologie et part pour l’Italie, afin de mieux s’approprier les sortilèges de l'art, indispensables à la compréhension de la psychologie de la personne envisagée dans son entièreté. Il est ensuite nommé professeur de psychologie à Breslau en 1937. Banni par les nazis, il part pour le Japon et est attaché d’ambassade jusqu’à la fin de la guerre. Avant son retour en Allemagne, il est emprisonné par erreur par les Américains pendant seize mois. Une douloureuse confrontation encore, avec l’absurde et la solitude.

1948: retour en Europe. Il crée son centre de psychothérapie dans la forêt Noire (Todtmoos-Rutte).


Revenons à Christiane Singer. Comme celle de son mentor et maître, son œuvre et sa réflexion personnelle sont toutes entières centrées sur la prise en compte nécessaire du risque spirituel qui couve dans le coeur de chacun. “Les religions établies sont trop souvent impuissantes à offrir des remèdes adéquats."


Elle est obsédée par l’enfance de nos pays dont le territoire est en butte à un pilonnage sans merci et qui est la cible de notre ordre social et industriel qui ne vise rien d'autre que son extinction. "L'avalanche de gadgets et de machines diaboliques que nous déversons sur eux avant qu'ils n'aient atteint l'âge de l'abstraction est une entreprise de destruction: les yeux s'éteignent, deviennent carrés comme les écrans et pleins d’images mortes et mortifères. Nous sommes alors délivrés de leur regard !"

L’amour de la femme et de l’homme n’est plus qu’un espace miné. Les panneaux publicitaires couverts du corps des femmes apparaissent parfois comme un étendage de peaux sous le couteau des équarrisseurs. En un mot, tout ce qui est sacré, secret, est retourné comme peau de lapin , écorché, profané, dérisoire.

Mais allons plus loin dans l'analyse de Christiane Singer : "Nous sommes enfermés dans une prison et une voix nous dit: “Sors". Nous répondons: "Impossible, la porte est verrouillée", et la voix nous dit: "Oui, mais elle est verrouillée de l’intérieur, regarde et ouvre !“ Le Réel, lui, n'a ni porte ni fenêtre, il est l'infini de l'infini de l'infini des possibles.

Christiane Singer vient d’être interviewée par un journaliste du club "le Grand livre du Mois" . Ses réponses sont percutantes et radicales. Question : "ne peut-il y avoir d’arrangement entre matérialisme et spiritualité? 

Réponse: “l’opposition est irréversible. Le premier fonctionne sur le manque, l’autre sur la plénitude. Le premier nous propose un saladier plein de bonbons sirupeux: impossible de s'arrêter de mettre les bonbons à la bouche... L’accès à l’intériorité me révèle au contraire que je suis “entier". Il faut tenter de reprendre pied en soi-même, de retrouver ses racines intérieures. La dimension religieuse de la vie vient parfois d'elle-même, lorsque le coeur est pacifié. La religion, il ne faut pas lui courir après. Un jour, on s’aperçoit qu'on tient debout sur elle. On découvre les fondations de son être."

En plus des nombreux livres qu'elle publie régulièrement surtout aux Editions Albin Michel, dont le récent “éloge du mariage, de l'engagement et autres folies", Christiane Singer donne des stages, des séminaires et des conférences très suivies. Elle cite souvent l’Ancien et le Nouveau Testament, des textes du bouddhisme, de l’Islam, le Zen... Ses analyses sont raffinées, son style limpide.

 

On lui demande enfin: n’êtes-vous pas tentée par l’oecuménisme, par la tendance des croyances diverses à se combiner, à se rapprocher? Réponse: "pas une religion ne m’est étrangère. Je suis une voyageuse passionnée. Mais de grâce, que chacune reste dans sa lumière propre !"

 

http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/1018

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Le beau est toujours bizarre

2 Août 2013, 13:58pm

Publié par Fr Greg.

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« Le beau est toujours bizarre. Je ne veux pas dire qu’il soit volontairement, froidement bizarre, car dans ce cas il serait un monstre sorti des rails de la vie. Je dis qu’il contient toujours un peu de bizarrerie naïve, non voulue, inconsciente, et que c’est cette bizarrerie qui le fait être particulièrement le Beau. C’est son immatriculation, sa caractéristique. Renversez la proposition et tâchez de concevoir un beau banal ! Or, comment cette bizarrerie, nécessaire, incompréhensible, variée à l’infinie, descendante des milieux, des climats, des mœurs, de la race, de la religion et du tempérament de l’artiste pourra-t-elle jamais être gouvernée, amendée, redressée par les règles utopiques conçues dans un petit temple scientifique quelconque de la planète, sans danger de mort pour l’art lui-même ? Cette dose de bizarrerie qui constitue  et définit l’individualité, sans laquelle il n’y a pas de beau, joue dans l’art (que l’exactitude de cette comparaison en fasse pardonner la trivialité) le rôle du goût ou de l’assaisonnement dans les mets, les mets ne différant les uns des autres, abstraction faite de leur utilité ou de la quantité de substance nutritive  qu’ils contiennent, que par l’idée qu’ils révèlent à la langue. »

 

Baudelaire, Exposition universelle (1855). 

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son visage ocreux aux yeux bistrés de fakir...

1 Août 2013, 15:47pm

Publié par Fr Greg.

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Tournant vers moi son mufle caoutchouteux Fabia me fixait de ses prunelles de lionceau. Campée joyeusement à l'entrée de la classe, la sauvageonne en carreaux multicolores rayonnait. Le jus doré de son sourire et ses cheveux de blé foudré glorifiaient l'éternel. Son tablier martiniquais était le tissu où Dieu entrecroisait les fils dorés du vivant. Le hasard plaça près de moi cette part démuselée de mon âme. Pendant les cours la mulâtre suçait son pouce, royalement vierge du savoir. Belle comme une exception grammaticale, ses baillements changeaient la classe en paradis primitif. Tournée vers son visage ocreux aux yeux bistrés de fakir, je voyais sa salive couler de son pouce d'ambre fin. A ses côtés je me forgeais une ardente âme d'illettrée. Un nombre astronomique de taches d'encre léopardisaient ses mains. Fixant un ennemi de ses yeux retroussés de flamme : "Toi je ne t'aime pas!" Adorante de sa vérité, je la regardais faire dangereusement de la balançoire, ses pieds tendus fracassant le ciel.


Empilant les verres cannelés du refectoire, a petite Moïse en faisait une arche d'alliance qu'elle brisait d'un coup sec. Puis elle plongeait sa montre neuve dans le lavabo des toilettes, la martelant avec une pierre. Dévorant les oranges avec leur écorce cireuse, elle ramassait dans la poussière de la cour du bubble-gum momifié qu'elle ressuscitait dans ses joues de charbon rose avant de me l'offrir. Le jour où elle m'invita à déjeuner, les assiettes jeûnèrent dans le placard. Il n'y avait rien à manger : ce rien me fut une révélation. Le mois suivant elle poussa la jeune princesse de Galles dans l'escalier et fut renvoyée sur le champ.


Lorsqu'elle partit, emportant avec elle la goutte de sang noir qui enrichissait l'Occident, ses espadrilles caoutchoutées s'ourlèrent d'un feu rose. Avant de disparaître l'enfant prophète fit ses adieux à tous sauf à moi : c'est ainsi que je sus qu'elle m'aimait.

 

" La foudre". Lydie Dattas 

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A une fleur

30 Juillet 2013, 19:57pm

Publié par Fr Greg.

 

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Que me veux-tu, chère fleurette,
Aimable et charmant souvenir ?
Demi-morte et demi-coquette,
Jusqu'à moi qui te fait venir ?

Sous ce cachet enveloppée,
Tu viens de faire un long chemin.
Qu'as-tu vu ? que t'a dit la main
Qui sur le buisson t'a coupée ?

N'es-tu qu'une herbe desséchée
Qui vient achever de mourir ?
Ou ton sein, prêt à refleurir,
Renferme-t-il une pensée ?

Ta fleur, hélas ! a la blancheur
De la désolante innocence ;
Mais de la craintive espérance
Ta feuille porte la couleur.

As-tu pour moi quelque message ?
Tu peux parler, je suis discret.
Ta verdure est-elle un secret ?
Ton parfum est-il un langage ?

S'il en est ainsi, parle bas,
Mystérieuse messagère ;
S'il n'en est rien, ne réponds pas ;
Dors sur mon coeur, fraîche et légère.

Je connais trop bien cette main,
Pleine de grâce et de caprice,
Qui d'un brin de fil souple et fin
A noué ton pâle calice.

Cette main-là, petite fleur,
Ni Phidias ni Praxitèle
N'en auraient pu trouver la soeur
Qu'en prenant Vénus pour modèle.

Elle est blanche, elle est douce et belle,
Franche, dit-on, et plus encor ;
A qui saurait s'emparer d'elle
Elle peut ouvrir un trésor.

Mais elle est sage, elle est sévère ;
Quelque mal pourrait m'arriver.
Fleurette, craignons sa colère.
Ne dis rien, laisse-moi rêver.

 

A Musset.

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La lenteur qui fleurit

29 Juillet 2013, 11:00am

Publié par Fr Greg.

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Cher monsieur qui, un jour dans une librairie où je signais mes livres, m’avez dit qu’il était impossible de vivre dans le monde et d’écrire des poèmes, j’aimerais ici vous répondre. Votre visage était précieux. Il sortait d’un bain d’enfance. Votre question était vivante - un lézard sur le muret du langage, que j’essaie aujourd’hui d’attraper pour le sentir battre dans ma paume de papier blanc. Voyez-vous, c’est précisément parce que le monde se glace qu’il nous faut pousser la porte en feu de certains livres. Vous étiez debout, un peu voûté par votre gentillesse, et moi j’étais arrimé à ma table de bois brun comme un élève à son bureau. Je n’ai pas su tout de suite vous répondre, et puis les gens attendaient. Alors sans façon j’ai tout pris - votre visage, votre question, l’escalier d’opéra qui coupait la librairie en deux - et j’ai tout ramené chez moi. Figurez-vous: moi aussi, je suis parfois découragé. Les meurtriers, je les vois et même, par mon inattention, je leur donne un coup de main. Il ny a pas d’innocents. Il n’y a pas non plus vraiment de coupables. Vous m’aviez dit: imaginons quun homme sérieux arrive et vous entende. Il sexclamerait: mais la poésie, la lenteur qui fleurit, ce nest rien de solide! Et il aurait raison: la grâce qui ne supporte aucune tache sur sa robe, la poésie qui dans l’os creux du langage perce quelques trous pour faire une flûte - ce n’est rien de solide. C’est même pour cette fragilité que ça nous parle de l’éternel. Et non seulement les paupières des nouveau-nés, la fleur de sel des poèmes ou la dérive des nuages nous chuchotent quelque chose de l’éternel, mais elles sont cet éternel. Les hommes dont l’âme est cimentée au corps et dont le corps est cimenté au monde qui ne sait où il va ont une lourdeur funèbre. Au fond, les poètes sont les seuls gens vraiment sérieux. Vivre, c’est une poussière d’or au bout des doigts, une chanson bleue aux lèvres d’une nourrice, le livre du clavier tempéré de Bach qui s’ouvre à l’envers et toutes les notes qui roulent comme des billes dans la chambre. Vivre, c’est aller faire ses courses et croiser un ange qui ne sait pas son nom, ouvrir un livre et se trouver soudain dans une forêt au pied de vitraux vert émeraude, regarder par la fenêtre et voir passer les disparus, les trop sensibles. Vivre est un trapèze. Les dogmes et les savoirs sont des filets qui amortissent la chute. La grâce est plus grande sans eux. La vraie question sous votre question était celle-ci: quest-ce qui est réel? La réponse ne peut être que simple. Je la trouve chez Corneille, dans les personnages de Suréna que j’entends cette nuit. La langue de Corneille est celle des forces souterraines qui travaillent nos vies. Une actrice va chercher le feu dans ses entrailles. Son cri doré à la feuille d’or est le hurlement d’une gisante du XVIIe siècle soudain réveillée et retrouvant la douleur de vivre. Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir: ce cri m’épouvante et me comble. La paix arrive par ce hurlement. Il est tard, je mendors par instants dans les tirades de Corneille, puis je me réveille et me rendors trente secondes. Ma conscience va et vient dans ma fatigue comme l’aiguille dans une étoffe. Je somnole dans un feu primitif, un cercle de silence aux pierres brûlantes. La vie tendue à se rompre, est-ce la seule vie? Vers une heure du matin, les actrices meurent et je meurs avec elles. Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir: le monde ignore la vérité de ce cri. Il ny a de réel que l’écriture aveugle de nos âmes. Cest cela que je voulais vous répondre: nous sommes les éléments dun poème sans auteur. Les nouveau-nés, les saints et les tigres en sont les parts les plus réussies.

Christian Bobin

 

http://www.lemondedesreligions.fr/chroniques/regions/la-lenteur-qui-fleurit-01-09-2011-1784_164.php

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Un moine peut-il proclamer un texte d'amour à une femme?

26 Juillet 2013, 12:43pm

Publié par Fr Greg.

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Journal La Provence 24 Juillet 2013

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Pourquoi les cathos ont beaucoup à gagner à écouter ceux qui ont perdu la foi

25 Juillet 2013, 22:07pm

Publié par Fr Greg.

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Des membres de la Fixed Point Foundation, dont la mission est de promouvoir la foi chrétienne aux Etats-Unis, ont mené des entretiens avec des étudiants se déclarant athées pour connaître les raisons pour lesquelles ces derniers ont rompu avec leur religion. Principal reproche : le message religieux serait trop vague et ne répondrait pas assez aux problèmes personnels. Est-ce une faiblesse que l’on retrouve aussi en France, et qui expliquerait au moins en partie la baisse du nombre de croyants ?

Bernard Lecomte : Trop vague, le message de la religion chrétienne ? Je crois, au contraire, que ses deux mille ans d’histoire ont donné au christianisme un trop-plein de références théologiques, de figures saintes, de rituels sophistiqués, de prières liturgiques ! Comment un jeune ayant laissé tomber la foi de son enfance ne serait-il pas découragé devant une religion finalement aussi complexe, précise, exigeante ? Vouloir en savoir plus sur Jésus, sur Marie ou sur les Évangiles, cela demande de lire la Bible, de fréquenter les pères de l’Eglise, de comprendre les sacrements, de lire les grands théologiens, de suivre les encycliques papales, que sais-je encore ! C’est justement pour cette raison que les « évangéliques » gagnent du terrain sur les catholiques, notamment en Amérique latine et en Afrique. Cela dit, que tout cet ensemble ne corresponde pas forcément au monde moderne, qu’il paraisse inadapté aux problèmes personnels des jeunes d’aujourd’hui, c’est une autre affaire… De la même manière que les entreprises mènent des audits, l’Eglise catholique aurait-elle intérêt à se livrer à ce même type d’investigation dans les pays, comme la France, très largement concernés par l’athéisme ? Des investigations de type sociologique sur la déchristianisation des jeunes Français, il y en a des kilomètres : allez donc vous promener dans une librairie religieuse comme La Procure, à Paris, et vous en trouverez plein les rayonnages ! Dès le milieu du XXème siècle, des prêtres français comme l’abbé Godin ou le chanoine Boulard ont publié des études passionnantes sur le recul de la foi dans la société moderne. Toutes ces enquêtes ne sont pas parfaites, certes, mais elles éclairent utilement le mouvement de « sécularisation » qui caractérise le christianisme en Europe depuis cette époque. Cependant, une chose est de comprendre cette évolution, une autre est de l’enrayer ! Il a beaucoup été question de dialogue inter-religieux sous le pontificat de Jean-Paul II, en revanche on parle peu de dialogue religion-athéisme. S'agirait-il d'un échange du même ordre ? Ces deux mondes s'ignorent-ils totalement ? C’est à la fin du concile Vatican II que la question s’est posée : le dialogue avec les « non chrétiens » est-il le même quand ces « non chrétiens » sont des croyants d’autres religions ou des athées ? La tendance de ce dernier demi-siècle est de considérer les juifs ou les musulmans d’abord comme des croyants : Jean-Paul II a même dit que les juifs étaient les « frères aînés » des chrétiens ! Le dialogue avec les athées a donc pris une tournure spécifique. Le cardinal Ratzinger, futur Benoît XVI, s’en était fait une spécialité – rappelez-vous son célèbre échange avec le philosophe Habermas. C’est ce qui a conduit, sous son pontificat, en 2011, à lancer cette démarche dite du « parvis des gentils » consistant à engager un dialogue direct avec les athées qui le souhaitent, dans le cadre plus général d’une « nouvelle évangélisation » devenue une priorité pour l’Eglise.

 Staline a été séminariste, un certain nombre de rockers se sont insurgés contre leur éducation religieuse, pourquoi la religion produit-elle ses plus fervents opposants ? L’anticléricalisme ou l’athéisme actif peuvent trouver leur origine dans une enfance religieuse mal vécue, mais je ne suis pas sûr qu’il faille en tirer des généralités. Un dictateur russe ou africain aura probablement été baptisé, mais certainement pas un dictateur chinois ou arabe ! Quant aux rockers ou aux rappeurs qui s’en prennent au christianisme, il y en a, nombreux, notamment dans les banlieues difficiles, qui viennent de milieux déchristianisés, indifférents, athées ou… musulmans : leur révolte vise la société plus que la religion ! Seuls quelques tendances, genre « sataniste » ou « gothique », restent obsédées par la religion, mais elles restent très marginales, et rien ne dit qu’elles proviennent d’une éducation religieuse défaillante !

Propos recueillis par Gilles Boutin

 

http://www.atlantico.fr/decryptage/pourquoi-catholiques-ont-beaucoup-gagner-ecouter-aussi-ceux-qui-ont-perdu-foi-bernard-lecomte-791941.html#AAlRl3vYHWKUZpJ2.99

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Dire le verbe. Le faire vivre. Vivre par-delà le verbe...Et vibrer!

23 Juillet 2013, 09:40am

Publié par Fr Greg.

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LE PITCH

Grégoire Plus, professeur de philosophie, lit  " La Plus Que Vive " de Christian Bobin. Ce dernier a perdu brutalement en 1995, une amie, une amante très chère, Ghyslaine. Un an après, il publie ce livre qui lui permet de faire revivre celle qui n'est plus. " Ecrire pour réparer l'irréparable! ". Il est question de la vie, de la mort, de l'amour selon Bobin à travers les souvenirs vécus avec cet être cher.

L'AVIS DU FESTIVALIER

Dans le panorama exhaustif de tous les genres de spectacles vivants présents au festival Off, il en est un à ne point occulter: la Lecture! Grégoire Plus, qui se dit non comédien, semble habité par le texte. Il aime le travail de Bobin et ça se voit. Et ça s'entend! Profondément! Au cours de la lecture, il est dit que " les yeux et la voix sont les plus proches de l'âme"...Ce n'est pas un personnage que joue là Grégoire Plus, c'est une âme! L'âme d'un grand homme, Bobin. L'âme d'une grande femme, la disparue. L'âme d'une oeuvre, le livre. Pas de larme à l'oeil, pas de snif-snif pleurnichard, on regarde ici la mort en face, droit dans les yeux! La scénographie, réduite à sa plus simple expression, a tout de même un impact de taille: un éclairage intelligent plonge le visage de l'acteur-lecteur dans le clair-obscur...Il irradie! Quand il se lève, son ombre se projette sur le pilier nord de la chapelle Saint Louis et appuie encore la portée du propos. Les mots de Bobin sont d'une justesse, d'une beauté, poétique et cinglante, transcendés par la philosophie du lieu, une église et du thème, la disparition. L'acteur-lecteur n'est pas un comédien et c'est sa première année au festival. Cette expérience concluante le rend prêt à se lancer dans une nouvelle aventure de lecture. Mais seulement pour un texte qu'il aime intensément. Il se " livre" mais il n'est pas à vendre!

Chapelle Saint Louis, 18 rue du Portail Boquier. Jusqu'au 31 juillet à 16h30. Durée: 1h00. Tarifs: 12 euros / carte OFF : 08 euros. Résas: 0786556762.

 

par Jean-Christophe Gauthier le 22/07/2013 à 13:14

 http://www.citylocalnews.com/avignon/2013/07/22/la-plus-que-vive

 

 

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L'Homme violoncelle, Pablo Casals ou la musique sauvera le monde

20 Juillet 2013, 09:13am

Publié par Fr Greg.

 

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Juliana Laska et Michel Sigalla ressuscitent la figure du grand violoncelliste Pablo Casals, dans toute son humanité, sa générosité. Quand l'expression musicale rencontre le plaisir de la parole vécus dans un même élan, transmettre et recevoir se révèlent être un grand bonheur.

Immense violoncelliste qui reçut l'hommage de ses contemporains tels que Jean Sibelius, Mstislav Rostropovitch ou Thomas Mann, Pablo Casals fut avant tout un humaniste qui rêvait d'un monde de fraternité, à l'image du concert, où artistes et public communient dans le même amour de la beauté. À l'initiative de la violoncelliste Juliana Laska qui partage dans un geste semblable le désir de servir la musique, et en étroite communion avec le comédien Michel Sigalla en qui, à la scène, transparaissent quelques traits du modèle, L'Homme violoncelle offre un pur moment de bonheur où musique et théâtre ne font qu'un.

Foisonnant d'extraits musicaux, le spectacle donne un florilège du répertoire pour violoncelle. Les Suites de Jean-Sébastien Bach, son maître spirituel dont l'œuvre l'accompagna toute sa vie durant, puis Mozart, Beethoven, Brahms, l'Élégie de Fauré ou la Pavane de Ravel, Bartók... Les principes d'une certaine musique contemporaine, caricaturés dans leur inexpressivité, donnent prises, sinon à un moment de franc éclat de rire, à une réflexion sur la confusion artistique qui règne à notre époque. 

Plaisir des yeux et des oreilles, L'Homme violoncelle a le mérite de ne pas s'empêcher de parler musique comme entre connaisseurs, animé par un élan de transmission passionnante. On pénètre au cœur des problématiques de la maîtrise de l'instrument comme de l'interprétation. De manière didactique et ludique sont abordés l'aspect technique, les différents modes de jeu et la recherche de souplesse au service d'une liberté dans le geste musical. De même que le philosophe Bergson qu'il a rencontré parle de l'intuition, Casals cherche le naturel en musique. Le son parle, vibre, exprime, suit la courbe d'un phrasé dont tout l'art réside dans le rubato. Se fait ressentir ce que l'instrument incombe de sacrifices et de souffrances dans la vie de l'interprète, serviteur et esclave du violoncelle. De même l'angoisse, perpétuelle, et toute la magie du concert.

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Catalan né en 1876 et mort en 1973, Pablo Casals fut le témoin de l'histoire tragique du XXème siècle : son engagement au service de l'association ouvrière des concerts de Barcelone, son exil à Prades en 1939, sa fuite et sa protestation face au régime franquiste. L'évocation de la Seconde Guerre mondiale, illustrée par des extraits radicalement différents du Concerto n° 1 de Chostakovitch et de la bande originale de La Liste de Schindler, suscite l'émotion aux larmes... 


D'une grande richesse, L'Homme violoncelle met surtout en présence deux interprètes dont le dialogue, verbe et son s'écoulant dans un même élan, rythmés par un même souffle (à l'évidence fruit d'un sérieux travail !), est naturel et vivant. C'est une humble générosité qui se dégage de ce moment, et que seuls rendent possible la vie intérieure et le don de soi lors d'un chant expressif et émerveillé.


http://www.ruedutheatre.eu/article/2153/l-homme-violoncelle-pablo-casals-ou-la-musique-sauvera-le-monde/

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Nous avons dans l'Eglise de talentueux artistes !

18 Juillet 2013, 22:35pm

Publié par Fr Greg.

Annuntio vobis gaudium magnum...

publié le 17/07/2013 à 16:57

Nous avons dans l'Eglise de talentueux artistes !

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Au Festival, 17 spectacles fédérés sous l'appellation "Présence chrétienne" occupent trois lieux magnifiques dans Avignon : chapelle de l'Oratoire, chapelle Saint-Louis et chapelle Notre-Dame de la Conversion.

 

Dans la chapelle Saint-Louis, le frère Grégoire Plus, de la communauté saint Jean, interprète "La plus que vive" de Christian Bobin. Un texte très émouvant dans lequel Bobin évoque la mémoire de Ghislaine sa compagne morte subitement à 44 ans. Un texte où il s'adresse à celle qui continue mystérieusement de l'aider à vivre et à aimer la vie. Nous avons interrogé le frère Grégoire Plus au sujet de cette pièce.

 

Comment es-tu arrivé au Festival avec cette création?

En fait, c'est plus Bobin et le Festival qui m'ont choisi plutôt que l'inverse. Les circonstances ont beaucoup joué. Il y a 15 ans, j'avais fait une première expérience de théâtre mais la question ensuite était restée au niveau philosophique puisque c'est ma spécialité universitaire. Puis trois événements ont provoqué le déclic : mon arrivée en septembre à Avignon chez les frères, la lecture de ce livre de Bobin en Pologne en février dernier qui m'a porté pendant plusieurs semaines et mes amis qui m'ont propulsé de la simple lecture à la véritable création théâtrale.

Quelles sont tes premières impressions après deux semaines de jeu?

Je ressens une vraie fragilité et une vraie vulnérabilité en me donnant sur scène. Un vrai exercice d'humilité. Et une vraie joie en voyant comment le texte est reçu à travers mon interprétation. Ce texte m'a apporté notamment des réponses sur le manque et la déchirure que provoque la mort.

As-tu fait des rencontres marquantes au Festival?

En tractant dans les rues, j'ai rencontré providentiellement une amie de Ghislaine, la femme évoquée dans la pièce, ainsi qu'une amie de Clémence, la fille de Bobin. Or il est question de Clémence dans une scène très émouvante où elle entre longuement dans une cabine téléphonique pour parler à sa mère défunte. Et cela constituera un tournant pour Bobin dans son deuil.

 

Autre chapelle et encore de brillants talents.

Coup de cœur et de projecteur pour "Je serai avec vous jusqu'à la fin des temps" où Lorenzo Bassotto, accompagné en musique par Francesco Agnello, incarne le texte de l'évangile selon Saint Matthieu avec un talent extraordinaire, dans la lignée de la comedia dell'arte : plein d'humour, d'évocations poétiques et d'intensité dramatique.

Excellente innovation cette année : ils jouent avec la porte de la chapelle de l'Oratoire ouverte en permanence sur la rue.

Dès lors, dans la fournaise d'Avignon, la fraîcheur de l'évangile se révèle. Des personnes entrent timidement, puis s'installent charmés, interrogés, bouleversés par la Parole. Francesco nous témoigne ainsi que "nous vivons avec le public une rencontre providentielle : cette parole se déploie alors non comme un patrimoine, une texte ancien mais comme une réalité vivante et inattendue pour tous ceux qui franchissent le seuil de la chapelle. Aussi inattendue qu'une rencontre avec Jésus sur les chemins de Palestine."

 

Quand on voit tant de talents, on se dit que Dieu finalement ne choisit pas que des incapables!

Et nous, nous prions très fort pour qu'Il nous rende capables d'un truc, un jour...

Frères Thierry et Nicolas

 

La plus que vive

Gregoire Plus

Chapelle Saint Louis à 16h30. Durée 1h

 

 http://www.lavie.fr/sso/blogs/blog.php?id=13348

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ODE À LA VIE PLUS FORTE QUE LA MORT

17 Juillet 2013, 22:22pm

Publié par Fr Greg.

 

 

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Frère Grégoire, le moine acteur

Membre de la communauté de Saint-Jean, il est, chaque après-midi, l’interprète du livre de Christian Bobin.

La plus que vive,de Christian Bobin

La dernière fois que l’on a parlé de Frère Grégoire dans la presse, c’était bien malgré lui. Le 13 mai, il a été victime d’une agression à Avignon, au centre paroissial Saint-Ruf : quatre jeunes lui ont volé son téléphone portable, puis l’ont roué de coups, le laissant inanimé, visage tuméfié, nez cassé. L’affaire a fait grand bruit, d’autant que ce membre de la communauté de Saint-Jean était en habit religieux et ses agresseurs des Maghrébins. 

De nombreuses voix lui ont alors apporté leur soutien. Le conseil régional du culte musulman de la région Paca a exprimé « son incompréhension et son indignation face à cette agression qui a visé un homme de paix devant un lieu de prière et de recueillement ».

Frère Grégoire ne s’attarde guère sur cet épisode. Il précise seulement son désir de « tisser des liens avec la communauté musulmane ». S’il avoue, cependant, s’habiller désormais plus souvent en « civil », en ce mois de juillet, la raison est particulière : il a rejoint la cohorte des acteurs du off pour interpréter, seul sur scène, La plus que vive, de Christian Bobin.

ODE À LA VIE PLUS FORTE QUE LA MORT

Face au public dans le chœur de la chapelle Saint-Louis, il fait entendre le très beau texte écrit par l’écrivain à la suite du décès brutal de son épouse, à 44 ans. « Ta mort a tout bouleversé en moi. Tout. Sauf mon cœur… »Les mots s’élèvent, graves, pudiques, refusant de conjuguer « je t’aime »au passé. Ce qui n’aurait pu n’être que plainte se fait ode à la vie plus forte que la mort.

Né en 1971 dans un milieu « artiste », il se destinait aux relations internationales lorsque, à 23 ans, taraudé par « la question de Dieu », il a rejoint la communauté de Saint-Jean. Formé à la philosophie, il est envoyé en mission en Europe, en Asie, aux États-Unis. Il vit à Avignon depuis un an. Il a beaucoup lu, s’est interrogé sur l’art et l’artiste, qui « parlent directement au cœur de l’homme ». De cette réflexion est né son désir,« longtemps rentré », de « se mettre humblement au service d’une parole, d’une pensée ». La découverte de Christian Bobin et de La plus que vivesera le déclic.

Deux amis (Mélanie Dumas et le metteur en scène Michel Sigalla) lui ont offert leurs services. La communauté de Saint-Jean l’a soutenu. « Présence chrétienne » l’a accueilli dans la chapelle Saint-Louis. Il n’a pu payer des affiches. Un imprimeur lui a fourni gratuitement 100 000 tracts…« Je commence à ressentir cette joie à me lâcher devant le public »,reconnaît-il. Frère Grégoire espère reprendre La plus que vive. Mais « cela ne m’empêchera pas d’assumer mon apostolat auprès de mes frères ».

Didier Méreuze, Chapelle Saint-Louis, à Avignon

 

http://www.la-croix.com/Culture/Actualite/Frere-Gregoire-le-moine-acteur-2013-07-17-987449

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Le trac du tractage

17 Juillet 2013, 09:40am

Publié par Fr Greg.

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A priori, on pourrait se dire que pour un acteur, tracter est comme un jeu d’enfant. Ni plus ni moins qu’une nouvelle façon de se mettre en scène. De faire le clown. L’acteur quoi. Tracter  dans la rue ne serait finalement que le prolongement du travail sur un plateau. La même chose. Mais dans la rue, les yeux dans les yeux avec votre public. Bref, le bonheur.

Et bien, permettez-moi de vous dire que vous avez tout faux. Pour ne parler que de ma petite personne, tracter est bien plus difficile que de jouer la comédie. Et pour être franc, j’ai plus peur d’aborder une table de dix personnes au restaurant pour parler de Comme d’habitude que de jouer devant une salle comble. Vendre en général, et se vendre en particulier est une affaire bien plus délicate que de faire l’acteur. Sur un plateau, protégé par les lumières des projecteurs, vous êtes dans une bulle. Protectrice, régressive, où (presque) tout est possible et toléré. Malgré tous ces yeux braqués sur vous, vous êtes étrangement à l’abri. Du dehors. De la vraie vie.

Devant dix personnes en train de d’attaquer leur pizza ou leur entrecôte, c’est une autre affaire. Mais attention, je connais des comédiens qui ont le talent pour leur faire poser les fourchettes, et de boire vos paroles en guise de rosé. Matthieu (l’autre comédien de Comme d’habitude) est de ceux-là. Ce sont des races à part. Des comédiens show man. Des acteurs à bagout. Qui peuvent vous emballer tout et n’importe quoi. Et surtout les jolies filles. Et puis il y a les autres, les comme moi. Qui ne savent pas très bien quoi faire avec le regard des autres.

Si j’étais directeur commercial d’une entreprise d’aspirateurs, de photocopieurs ou de boulons en inox, j’exigerais que tous mes vendeurs se mettent à la disposition des compagnies de théâtre pour faire la promotion de leur spectacle pendant la durée du festival. Je ferai coup double: une excellente séance de formation pour mes équipes de commerciaux, et une petite contribution à la grande histoire du théâtre. Ce serait chic.

Mais je ne suis que journaliste et comédien le temps du festival. Alors je tracte. Et  je dois ravaler un peu de mon amour propre. Notamment devant ces faces de citron qui  me regardent débiter mon argumentaire commercial comme s'ils avaient en face d’eux un chimpanzé d’une espèce menacée d’Amazonie. Il y a les malotrus qui ne lèvent pas le nez de leur assiette. Les menteurs: «Désolé, mais je pars ce soir». Les faux-culs qui ponctuent chacune de mes phrases d’un «d’accord, d’accord, d’accord…» et qui concluent par un «merci» qui sent à plein à nez le «bon débarras». Les agacés qui soupirent avant même que vous commenciez à parler. Ou encore les péteux: «Désolé, que je ne vois que les spectacles du in». Heureusement, il y a tous les autres (et c’est la majorité) pour qui le tractage est l’occasion d’échanger sur le théâtre et le festival.

 

Bon allez, c’est pas tout ça, mais il faut allez au turbin. Ce soir, on n’a que 15 réservations. Alors, au tractage. A demain.

http://avignonoff.blogs.liberation.fr

 

 

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"Nous, les vivants, sommes devant la mort de bien mauvais élèves..."

15 Juillet 2013, 10:21am

Publié par Fr Greg.

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Une chaise, une table, la chapelle Saint-Louis, le décor est sobre. Cet homme, assis devant l’autel, va faire partager au public l’hommage de l’auteur Christian Bobin à son amie Ghislaine décédée il y a 18 ans d’une rupture d’anévrisme, à travers le livre “La plus que vive” publié en 1996 un an après sa tragique disparition.

 

“Grégoire Plus”, le lecteur, pour sa première participation au festival donne à ce texte magnifique, profondeur, humanité. Prêtre dans la communauté des Frères de Saint-Jean à Saint-Ruf, il donne vie à un homme meurtri.

 

http://www.ledauphine.com/vaucluse/2013/07/14/gregoire-plus

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de la dureté de nos coeurs...

12 Juillet 2013, 22:12pm

Publié par Fr Greg.

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"Seigneur, donne-nous la grâce de pleurer sur notre indifférence, sur la cruauté qu’il y a dans le monde et en nous."

François, Pape.

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Dieu protège les roses...

12 Juillet 2013, 08:04am

Publié par Fr Greg.

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Quand j’ai pensé à vous écrire cette lettre, je ne savais pas si vous étiez vivant ou mort. Et puis j’ai appris votre mort. Elle était prévisible, annoncée par la délicatesse de votre dernier livre, et surtout de son titre : Dernier dernier nuage. Vous aviez le génie des titres. Un autre ici m’éclaire : Dieu protège les roses ! Les deux livres sont dans un coffre-fort qu’il y a dans la banque des nuages. Je vous ai lu dix fois, ça ne s’éclairait pas, et puis tout d’un coup le soleil a explosé en silence sous mes yeux. J’ai tout compris. Est-ce que « comprendre » est le mot ? Je n’en suis pas sûr. Disons que tout d’un coup je suis rentré dans votre cœur. L’étrangeté des images n’était plus meurtrière. Après tout, les roses ont des épines. Je vous ai vu vivre dans le fil de vos livres et j’ai vu l’eau de la vie passer entre vos mains creusées pour la boire. Ce qu’on arrive à retenir près de nous, ce sont des restes, des rebuts – même s’ils sont en or. Le plus lumineux c’est cette chose qui nous serre à la gorge quand du beau temps arrive. Battant le tambour bleu de l’air, les armées de ce que nous avons aimé et qui n’est plus passent sous nos fenêtres, sans lever la tête vers nous. Rien de plus snob qu’un mort. Alors, voyez-vous, il faut lutter contre la mélancolie, renverser l’adversaire en le saisissant par sa ceinture de roses trémières et de ronces, et le plaquer à terre, sur la terre de la page. Aimer ce qui nous quitte, ce qui nous quittait déjà à l’instant de la rencontre, dont les bras tendus nous traversaient comme si nous étions de l’air, comme si notre vie n’avait aucune épaisseur. Nous réjouir d’avoir un court instant longé le mur qui encercle le paradis. La joie ouvre des brèches dans ce mur. Le cœur, quand il devient ce qu’il est, c’est-à-dire un enfant, arrive ensuite à s’y glisser. Je parle là, vous l’avez compris, de la poésie. Vous avez été un de ses bons ouvriers. La mort, c’est juste une histoire de poser ses outils au fond du jardin et d’aller voir ailleurs. C’est votre existence qui m’arrive à travers vos poèmes. C’est la faiblesse et les miracles d’un homme. Car nous sommes porteurs du miracle de vivre, source de prodiges infinis tels que : serrer la main d’un assassin, essuyer la larme d’une rose, faire sonner dans l’air blanc une parole pure. En même temps qu’on m’apprenait votre mort, on m’apprenait votre vie et combien elle avait été inexperte, dure, tentée par les renoncements. Vous avez veillé pendant une éternité votre mère souffrante. Puis sur le tard vous vous êtes marié et votre femme est vite tombée gravement malade et vous êtes passé sans transition d’une veille à une autre. C’est ce qu’on m’a dit. Je ne crois pas que vous soyez mort. Vous savez pourquoi ? Je ne crois pas que, même mort, vous soyez mort, parce que vos doigts ont frôlé une lumière sur la table d’écriture. Ce qu’un homme touche de beau, ce qu’il en invente fait de lui un fils du soleil. Les titres de vos livres voleront toujours dans l’air printanier. Il y a encore celui-ci : Le Christ est du matin. Par bonheur je relis celui qui à lui seul est un poème : Dieu protège les roses ! Vous vous appeliez Jean-Michel Frank. Vous n’êtes pas mort car, pour avoir nourri le Dieu errant sur terre, votre nom a été consigné dans le grand livre du présent absolu qu’il y a sur une table dans le ciel, là-bas, pas loin, au fond du jardin abandonné aux anges et aux chats pauvres.

Christian Bobin

 

http://www.lemondedesreligions.fr

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Chronique du Festival d'Avignon...

10 Juillet 2013, 09:09am

Publié par Fr Greg.

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Il faut voir Frère Samuel dans sa longue robe grise, discuter, l'œil vif, de la révocation de toute vocation chez saint Paul dans l'Epître aux Romain avec le comédien Nicolas Bouchot, qui vient d'interpréter Projet Luciole. Pointu, intéressé, enthousiaste. "Une intelligence", comme disaient les anciens. Avignon connaît bien sa silhouette qui parcourt la ville, à pied, à vélo, avec, à 51 ans, la même énergie communicative, portant cette "surhumanité de Dieu" qui l'éblouit.

Paroisse Saint-Ruf, à Champfleury, un quartier populaire au-delà des remparts. L'air est paisible. Ils sont six "petits gris", comme on les surnomme, membres de la communauté de Saint-Jean, apparentés aux dominicains, à vivre là dans les cellules d'un prieuré dont l'architecture rappelle plus un centre de Sécurité sociale qu'un monastère. Il y a six ans, l'évêque leur a proposé de venir en Avignon, une communauté de profils haut de gamme, un peu anar, un peu consultants. L'un coordonne les aumôneries des hôpitaux, l'autre s'occupe de la radio... Lui-même, fils d'un grand commis de l'Etat (son père, Philippe Rouvillois, sortit major de l'ENA, promo Vauban, avec Chirac et Rocard, fut notamment à la tête de la SNCF), s'occupe de la culture. Par un tour du destin, là où les artistes vous confient souvent qu'ils visaient la prêtrise ou traversaient une crise mystique, Frère Samuel, lui, avait pour vocation d'être metteur en scène de cinéma. Un an de philosophie auprès d'un dominicain aristotélicien en décida autrement. Il entra dans les ordres.

MOTS PROSAÏQUES

Les hommes de robe ont une place importante dans l'histoire du Festival. A commencer par le Père Chave, qui à 88 ans, est l'un des derniers monuments vivants de l'épopée vilarienne. Fils de cheminot, le vicaire diocésain fut là dès les débuts, organisant des rencontres et des passerelles entre l'Eglise et ce monde qui veut sans cesse réinventer le théâtre, à moins que ce ne soit le contraire.

En 2011, ce sont eux, les religieux qui s'opposèrent aux ultras du catholicisme jetant l'anathème sur la pièce de Roméo Castellucci, Sur le concept du visage du fils de Dieu"Il faut n'avoir rien compris. Au contraire, on ressort avec cette image du Christ de 15 mètres de haut qui vous reste. Cette force, c'est ce que l'Eglise n'arrive plus à faire. La question de Castellucci c'est celle-là : pourquoi le visage du Christ a disparu au détriment de tous ces crucifix ?"

Frère Samuel utilise des mots prosaïques et une pensée directe. De Par les villages qu'il a vu dans la Cour d'honneur, il dit : "J'aime bien, mais il est un peu chiant le Peter Handke, il nous fait une homélie du dimanche qui dure trois quarts d'heure, et Stanislas Nordey ne nous fait grâce de rien. Mais c'est intéressant devoir comme l'auteur se cherche, se tient à distance du sujet, y revient. Car cette pièce n'est que ça : l'Evangile."

Frère Grégoire, qui joue dans le "off" La plus que vive, tiré d'un texte de Christian Bobin, est parti à l'entracte, quand, lui, parle sans tarir de ses émerveillements : Anne Teresa De Keersmaeker, Arthur Nauziciel, Simon McBurney... "C'était l'an passé, Le Maître et Marguerite ! Quelle trouvaille esthétique, quelle puissance, dans cette scène où l'homme est là avec ses roseaux qui forment comme une croix, montrant ainsi mieux que tout comment ce n'est pas le poids de la Croix qui fait ployer le Christ mais sa propre fragilité."

Ouvrant son agenda, il voit le programme dantesque qui l'attend. "Ah ! Faust, huit heures, à la FabricA. Formidable..." On le surprend alors, au propre comme au figuré, à s'en lécher les babines. Péché d'intelligence du monde.

 http://www.lemonde.fr/culture

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1258 spectacles à Avignon 2013! 1 seul donné par un moine ! :)

5 Juillet 2013, 12:58pm

Publié par Fr Greg.

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Greg Germain, président d'Avignon Festival et Compagnies, l'association qui organise le festival Off, a présenté lundi 27 mai l'édition 2013: 1066 compagnies et 1258 spectacles à l'affiche. Affolant !

Une image vient à l'esprit lorsque l'on tente de saisir le sens de la prolifération des spectacles dans le cadre du festival Off d'Avignon. Non pas celle du désordre des cellules saisies par la maladie, mais celle de l'arbre fruitier qui, sentant sa mort prochaine, donne plus de fruits qu'il n'en a jamais donnés… C'est le cher Alain Baraton, maître des jardins de Versailles qui, souvent, rappelle cet étrange phénomène.

Avec ses 8.000 artistes et techniciens réunis, ses 1.066 compagnies (soit 100 de plus qu'en 2012), ses vingt pays représentés, ses 1.258 spectacles, ses 48 «événements», le tout sur 24 jours du 8 au 31 juillet, quel sens a le festival Off? Depuis quelques années, la manifestation a choisi comme slogan: «Le plus grand théâtre du monde». D'accord, même Édimbourg et son joyeux mélange est battu!

Mais pour quoi faire?

Devant un parterre attentif, Greg Germain, comédien, metteur en scène, chef de troupe, directeur de théâtre, producteur, s'est montré résolument optimiste. Il a fait le calcul: 30.000 représentations en un peu plus de trois semaines! Cela ne semble pas l'inquiéter.

Il faut dire qu'avec une volonté sans faille, lui et ses équipes, ont mis en place, dans le droit fil de ce qu'avaient initié Alain Léonard et sa femme, la regrettée Monique Léonard, des structures efficaces apportant une assise professionnelle à la manifestation.

Nul ne saurait se plaindre du désir des jeunes de défendre des textes et de choisir le théâtre. Nul ne saurait se plaindre que l'on puisse estimer à plus de 2,3 millions les «fauteuils occupés» (très exactement 2.313.430), intéressante catégorie qui évite d'ailleurs de parler de «places vendues». En 1966, il n'y avait qu'une compagnie ; en 1983, 50 compagnies ; en 2012, 975 compagnies. C'est tout de même une montée en puissance du nombre, qui paraît étonnante.

Après avoir salué la mémoire de Monique Léonard et d'Antoine Bourseiller, qui fit débuter le jeune acteur qu'il était au théâtre et fut son mentor, Greg Germain analyse Avignon Off comme le lieu où les compagnies peuvent jouer dans la durée (plus de trois semaines) quand la moyenne en France est de… sept fois!

Avec l'effet pervers que l'on sait et qui a été souligné il y a dix ans lors du conflit des intermittents: ici, on fait des heures. Et on est prêt à payer pour cela. Greg Germain se garde bien de dire de telles horreurs, évidemment. Il souligne que le Off est également le lieu du marché du théâtre: 20 % de toutes les cessions du spectacle vivant se font à Avignon dans le off. Encore un chiffre faramineux: 3.700 professionnels étaient accrédités en 2012: 17 % de journalistes, 39 % de programmateurs, 36 % de «prescripteurs», une catégorie assez floue, mais elle existe dans le off! Tous ces chiffres donnent le tournis.

Un commerce lucratif

Ne parlons pas des salles: Greg Germain a beau dire que l'on ne peut rien ouvrir sans autorisation de la préfecture, des pompiers… les Thénardier des Papes n'ont pas disparu. Témoignons. Il y a deux étés, on a vu des jeunes pleurer parce qu'ils arrivaient dans une salle qu'ils avaient louée sur plans, par Internet, des mois auparavant. À une époque où la tenancière du lieu n'avait pas encore acquis l'espace ni obtenu d'autorisation de transformer un garage en salle de spectacles, pas plus qu'elle n'avait obtenu celle de la copropriété. Une dame bien connue puisqu'elle a déjà sévi dans deux autres lieux du Off.

Pourquoi se priverait-elle de ce lucratif commerce? Les jeunes n'ont eu qu'à se passer de décors! Les jeunes n'ont eu qu'à payer et à travailler dans des conditions détestables. Ceux dont nous parlons avaient d'ailleurs craqué avant la fin du festival. Et la dame en question a eu des ennuis? Bien sûr que non. Elle ira parader le 7 juillet, comme tout le monde.

Et cela coûte combien de louer une heure trente à deux heures (car il y a le montage et le démontage du décor) dans un «théâtre» avignonnais? Plusieurs milliers d'euros. Exemple: une salle de 100 à 110 places, créneau horaire de début d'après-midi, pas le plus cher, se louait en 2012, 9.000 euros. Hors taxes. Les jeunes compagnies qui, le plus souvent, ne sont pas assujetties à la TVA, se retrouvent avec des notes de 11.000 euros. Une salle de 200 places, c'est souvent 16.000 euros, hors taxes. Ajoutez qu'il faut payer le régisseur, le caissier et la communication: dossiers de presse, les dépliants… Il faut loger les comédiens: au prix le plus souvent prohibitif des locations avignonnaises, les administrateurs et administratrices de compagnies estiment que le logement d'un acteur revient à environ 700 euros et plutôt même 900 euros.

Et il faut toujours payer, à Avignon: pour faire partie de l'association et figurer dans le guide, 300 euros. Multiplié par les 1.066 compagnies, cela fait une jolie base de travail!

Nous sommes trop nombreux

Mais tout le monde n'est pas logé à la même enseigne à Avignon. Quelques théâtres (mais ils sont par ailleurs subventionnés) demandent une participation à la communication, une co-réalisation, un partage des recettes. D'autres sont loués par les régions qui accueillent «leurs» compagnies dans des conditions beaucoup plus confortables que les jeunes compagnies seules.

Être une compagnie indépendante qui débute dans la fournaise des Papes, c'est l'enfer, il faut le savoir! Et pourtant ils y vont. «C'est une foire commerciale. On pourrait être à la Porte-de-Versailles, ce serait la même chose, dit une jeune artiste très lucide. Et il faut revenir au moins deux fois, sinon trois pour que les résultats soient convaincants. Mais ils peuvent l'être. Les programmateurs voient nos spectacles. On peut vendre des représentations, durant la saison qui suit, en France, dans des circuits de petites salles.»

Mais ce que note cette jeune femme chef de troupe et très bonne administratrice qui fréquente Avignon depuis plusieurs étés: «Les relations entre les compagnies se tendent. Nous sommes trop nombreux. C'est de la folie d'accepter que de nouvelles salles ouvrent sans cesse et que tant de spectacles soient en concurrence! Si pourtant nous venons, c'est que nous y trouvons, pour certains, notre compte… Mais je pense que l'on a atteint le sommet de la crête et que tout retombera un jour. D'ailleurs, cette année pour la première fois, nous avons pu négocier le loyer de notre logement…»

Tous les renseignements sur le site: www.avignonleoff.com

http://www.lefigaro.fr


La rédaction vous recommande :)))

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 Merci de diffuser !!

 

sinon, vous avez ça: http://www.rfi.fr/france/20130704-images-15-pieces-decouvrir-festival-avignon-2013

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Rencontrer Dieu !

4 Juillet 2013, 20:17pm

Publié par Fr Greg.

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La principale voie pour rencontrer Dieu ce n'est pas la « méditation », ni la « pénitence », c’est « d'embrasser les plaies de Jésus » dans les hommes qui souffrent : il suffit donc "de sortir dans la rue".

François, Pape.

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Le mystère de la patience de Dieu

3 Juillet 2013, 20:54pm

Publié par Fr Greg.

 

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Il n’existe pas « un protocole de l’action de Dieu sur notre vie », mais nous pouvons être certains qu’un jour ou l’autre il intervient « à sa manière ». Pour cela nous ne devons pas nous laisser gagner par l’impatience ou par le scepticisme, également parce que quand nous nous décourageons et que « si nous décidons de descendre de la croix, nous le faisons toujours cinq minutes avant la révélation ».

Dieu marche toujours avec nous « et cela est certain ». « Du premier moment de la création le Seigneur est impliqué avec nous. Il n’a pas créé le monde, l’homme, la femme et il les a laissés. Il nous a créés à son image et ressemblance ». Donc dès le commencement des temps on trouve « cette implication du Seigneur dans notre vie, dans la vie de son peuple », parce que « le Seigneur est proche de son peuple, très proche. Il le dit lui-même : quel peuple sur la terre comme vous a un Dieu aussi proche ?

« Cette proximité du Seigneur est un signe de son amour : il nous aime tant qu’il a voulu cheminer avec nous. La vie est un chemin qu’il a voulu faire avec nous. Et le Seigneur entre toujours dans notre vie et nous aide à aller de l’avant ». Mais, « quand le Seigneur vient, il ne le fait pas toujours de la même manière. Il n’existe pas un protocole de l’action de Dieu sur notre vie. Un jour il le fait d’une manière, un autre jour il le fait d’une autre. Mais il le fait toujours. Toujours il y a cette rencontre entre nous et le Seigneur ».


« Le Seigneur prend son temps mais lui aussi dans ce rapport avec nous, a une grande patience. Nous ne sommes pas les seuls à devoir être patients. Lui a la patience, lui nous attend. Et il nous attend jusqu’à la fin de la vie, avec le bon larron qui juste à la fin a reconnu Dieu. Le Seigneur marche avec nous, mais très souvent il ne se fait pas voir, comme dans le cas des disciples d’Emmaüs».

C’est cela le chemin avec le Seigneur et lui intervient, mais nous  devons attendre : attendre le moment en marchant toujours en sa présence et en essayant d’être irrépréhensibles »

 

 François, Pape.

 

 

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La musique: un bruit volontaire...??

2 Juillet 2013, 20:28pm

Publié par Fr Greg.

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Michel Onfray, philosophe, grand penseur de l’hédonisme, théoricien de l’athéisme et anarchiste à ses heures, nous propose cette fois un essai sur la musique. Plus exactement un livre d’entretiens avec son ami Jean-Yves Clément, responsable du séminaire de musique classique à l’Université populaire de Caen.

La raison des sortilèges (c’est son titre) tourne autour d’une question essentielle (ou pas) : que dit la musique, et dit-elle réellement quelque chose ? Sont convoqués pour y répondre tous les grands noms du Panthéon de la philosophie et ceux de la musique, de Bach à Debussy en passant par Berlioz, Wagner ou Varèse. Tous ces discours passés au tamis, il en ressort cette quintessence : la musique « ne se dit pas, elle ne dit rien, elle est l’une des modalités du monde ».

Moins connu que les illustres personnages convoqués dans cet ouvrage, monsieur Danhauser, dans sa Théorie de la musique qui nourrit autrefois des générations d’enfants au solfège, en donnait une définition basique : « La musique est l’art d’arranger les sons d’une manière agréable à l’oreille. » C’était cucul et concon, mais pas plus, au fond, que ce qui résulte des deux cervelles essorées de nos protagonistes. En effet, après avoir disserté dans cette langue absconse qu’il affectionne, Michel Onfray tente enfin, à mi-ouvrage, « une définition possible de la musique ». C’est, dit-il, « une modalité voulue du réel sonore, car une modalité non voulue du réel sonore définirait le bruit. La musique est un bruit volontaire… »Tant de pages indigestes pour en arriver là !

Mais poursuivons la lecture.

Au chapitre intitulé « Pour un hédonisme musical », Jean-Yves Clément pose à Michel Onfray la question de ses propres goûts. Qui aime-t-il, quels compositeurs, quelles œuvres ? « Autodidacte radical », dit Onfray, il est entré dans l’univers de la musique « de façon monumentale : toutes les symphonies, tous les requiem, tous les trios, tous les quatuors… J’y suis également allé par musicien : tout Mozart, tout Schubert, tout Mahler, etc. » Et tous les opéras, et la musique contemporaine itou. L’horreur en somme. Vu sous l’angle de la sociologie de bazar, on peut certes comprendre : l’enfant pauvre issu du quart monde veut avaler d’un coup les trois quarts qui lui manquent. Boulimie de savoir qui le conduira à être ce qu’il est aujourd’hui : LE philosophe, excellent pourvoyeur de savoir dans son Université populaire de Caen.

 

Néanmoins, on se demande si, semblable aux compétiteurs des concours de bouffe (le Canadien champion du manger de hamburgers en a avalé quinze en dix minutes), Onfray n’est pas en train de régurgiter son trop-plein. On voudra bien nous pardonner ce raccourci lapidaire, mais franchement on s’interroge : est-ce qu’un tel excès de savoir ne rendrait pas finalement con ? Explosion du chou farci « La musique n’exprime pas, elle est. Il faut se défaire de cette idée que nous pourrions penser l’être du monde en termes de signification, de sens, d’expression. La raison a débordé ce qu’elle pouvait. Il nous faut admettre l’existence de limites à la raison et d’un monde au-delà de ses prétentions et de sa suffisance », écrit Michel Onfray. On lui apportera une précision, celle de la chose vécue (la « pratique musicale », comme on dit) : la musique ne rend que ce qu’on lui donne. Elle ne se révèle que dans l’échange, celui entre l’interprète et le compositeur, entre le chef et ses musiciens, entre l’orchestre et le public. Elle est dans ces moments d’humanité, à l’exact opposé de l’intellectualisation asséchante et mortellement ennuyeuse qu’on nous propose ici.

Marie Delarue

 

http://www.bvoltaire.fr

 

 

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