« Pourquoi restez vous là à regarder le ciel ? » Act. 1, 11.
On a là deux tentations majeures de la vie chrétienne. La première, rester spectateur « rester là, à regarder le ciel, comme si Jésus était parti ».
On est spectateur quand on regarde, on s’extasie, on dit « c’est beau » et quand on dit ça, cela signifie « c’est magnifique il est monté au ciel, on est content pour Lui. Mais, ce n’est pas pour moi, nous, on reste avec nos problèmes » Vivre de Jésus comme un spectateur, il n’y a rien de plus désespérant !
On est spectateur quand on est dans l’imaginaire. On admire quelque chose de beau, de merveilleux, les qualités extraordinaires de quelqu’un, l’harmonie d’un chant, la finesse d’une voix, l'ordre sans défaut d'une liturgie. Et on est séduit, on est pris par des qualités mises en lumière. Ce n’est pas mauvais. La fonction de l’art, de la beauté est de nous réveiller, de labourer notre sensibilité pour nous ouvrir à autre chose que notre petit monde.
Mais le grand danger de la beauté, c’est d’en rester à la séduction de la beauté et alors on est spectateur. On compare la beauté d’une oeuvre et notre monde, et on rêve que notre vie soit comme cette beauté idéale, très pure, apparemment très spirituelle, mais en fait inaccessible, inatteignable !
Quand on est séduit par la beauté, on reste toujours des gens un peu déçu de ce que nous vivons concrètement. C’est le danger de toutes perfections : c’est séduisant, car la perfection semble nous mettre au-delà des luttes, ce qui est faux. Mais, surtout, la perfection, la beauté c’est désespérant : car ce qui est beau ne touche que la surface des choses. La beauté est un mirage inatteignable. Ça fait de nous des spectateurs un peu désespéré
Comment ne pas être spectateur ? En entendant que TOUT ce que Jésus vit c’est à nous ! Tout de suite ! Par lui, le ciel nous est acquis ! Et ça, on doit mendier de l’entendre tout les jours. Ça s’appelle la foi : la foi c’est mendier, chaque jour, qu’il vienne me dire ce qu’il a fait pour moi, qui je suis pour Lui.
Deuxième tentation: « quand vas-tu restaurer la royauté en Israël ? » Là, on espère des résultats, on attend une efficacité divine, que Jésus règle nos problèmes humains : on attend de lui un salut politique, un messianisme temporel, une perfection humaine. Qu’enfin on soit sans misères, qu’il n’y ait plus rien de moralement mauvais dans notre vie !
Cela c’est réduire notre vie à ce qu’on en fait ! Et on a l’espoir d’arriver à quelque chose par nous-même, on se juge selon les résultats, on se jauge, on se compare, on se mets des bonnes ou mauvaises notes. C’est désespérant, car nous sommes limités et en plus nous sommes nés abimés, cabossés, pauvres. Et si le Père a permis qu’on soit né dans le péché, c’est pour qu’on ne puisse pas avoir la tentation de pouvoir s’en sortir par nous-mêmes.
La réponse c’est l’espérance. L’espérance, c’est le désir actuel de Jésus sur nous. Son désir n’est pas quelque chose qu’il va faire plus tard. Son désir c’est ce que Lui fait maintenant en nous. Espérer, c’est s’appuyer sur l’efficacité divine de Jésus qui veut pour nous plus que tout ce qu’on peut vouloir. Jésus veut qu’on ait sa place. Et son désir est actuel et efficace. Mais efficace divinement. Ce n’est pas visible, ni sensible.
Espérer, c’est être possédé par son désir sur nous. Le désir de Jésus, c’est qu’on le connaisse intimement, qu’on entre dans une familiarité avec Lui, qu’on Lui parle et l’écoute comme un ami, qu’on l’interroge, qu’on vive tout avec Lui.
Qu’on coopère à son oeuvre à Lui, à la recréation du monde « proclamez l’évangile à toute la création » Proclamer, ce n’est pas d’abord faire de grand discours, mais vivre de Lui. On proclame l’évangile quand on comprend qu’on est le Fils bien aimé de Jésus sur terre. Et qu’on a la même mission que Lui. Pas moins. Se faire l’Agneau de nos frères.
Et c’est pour cela que Jésus disparait de nos yeux, pour nous laisser sa place, être donné par nous et se donner à nous à travers chacun de nos frères.
« vous serez mes témoins » Être témoins de Jésus, c’est non pas avoir été spectateur d’un évènement, mais entendre que Jésus est présent en chacun d’entre nous et qu’on connait Jésus, on touche son amour, on l’aime, en aimant chacun de nos frères.
« Aimez-vous les uns les autres » Aimer son prochain, le rencontrer vraiment, prendre ses misères, toucher son coeur, se donner à lui en nourriture, là on est tous en retard, très en retard.
C’est la raison du don de l’Esprit Saint. Pour nous redire de l’intérieur toutes les paroles et gestes de Jésus, nous les approprier, être imbibés de son identité et avoir cette certitude que son amour nous a uni à Lui définitivement. Non pas ce que nous faisons, mais son amour, qui est Lui.
L’Esprit Saint, qui est l’amour du Père et du Fils, c’est Lui qui nous donne de croire, c’est à dire d’entendre qui nous sommes réellement, et d’espérer, c’est à dire nous appuyer sur ce que Lui fait avec nous, par nous, en nous.
L’Esprit-Saint est donné, à tout ceux qui sont des pauvres. Tant qu’on s’appuie sur nos connaissances, notre efficacité, sur nous-même, on reste spectateur. Ce qui rend pauvre, c’est d’aimer. Recevoir un autre jusqu’au bout. Seul celui qui aime est un vrai pauvre et est disposé à recevoir l’Esprit Saint. Être pure ou Immaculé n’est pas un critère. Le démon était un ange pure et immaculé, séduit par sa propre perfection, sa propre beauté. Méprisant la matière, le corps, la sensibilité.
Or, si la connaissance va chez nous moins loin à cause du corps, c'est grâce à lui que l'amour peut aller beaucoup plus loin que chez les anges. C’est pour ça que Thomas d'Aquin dit que « l’Esprit St n’aime que ceux qui aiment ». Les autres, ils se cherchent eux-mêmes, ils s’extasient de leurs inventions, devant ce qu’ils font ou connaissent. Ils s’occupent de leur perfection, de leurs avoirs, de leurs acquis.
C'est aimer qui fait qu'on se réalise pleinement. Un auteur Russe a écrit « la beauté sauvera le monde ». C’est faux. L’amour seul sauve le monde. Parce que le monde est fruit de l’amour. Nous sommes quelque chose de Dieu qui est amour. Alors, plus nous aimons, plus nous nous laissons posséder par Lui, par son Esprit, plus nous devenons nous-même, plus nous sommes joyeux.
Aimer, c’est accueillir un autre, tel qu’il est, gratuitement, aveuglément, sans autre raison que Lui. Qui se livre à l’amour, connait Dieu. Mais pour cela, il faut accepter de se livrer, son cœur, soi, tel qu’on est.
à suivre ..
Grégoire +